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Critique de Eve-Yeshe


Ayant beaucoup aimé « En vieillissant les hommes pleurent », je me suis laissée tenter par ce nouveau roman qui trônait sur la table consacrée aux nouveautés de la bibliothèque, donc difficile de résister…

Ce roman démarre sur une scène magistrale : Reine est assise près de la table de la cuisine, un couteau à côté d'elle et redoute d'avoir tué ses enfants car il règne un silence inquiétant dans la maison. Que s'est-il réellement passé?

L'auteur nous raconte l'histoire d'une femme, Reine, sur laquelle le destin s'acharne : elle est au chômage, a pris du poids car elle a enchaîné trois grossesses de suite et son mari l'a quittée pour une femme plus jeune, plus aisée. Elle a du mal à nourrir ses enfants et il est parfois difficile de payer la cantine pour qu'ils puissent avoir au moins un repas correct dans la journée. En plus, les services sociaux menacent de lui prendre ses trois enfants, son cher mari prétendant qu'elle est une mauvaise mère…

Comment trouver un travail quand on habite dans une maison assez retirée, sans moyen de locomotion et sans avoir suffisamment d'énergie pour s'accrocher à la vie ? Un jour, elle trouve la force de nettoyer le jardin, enseveli sous des tonnes de ferraille, bric-à-brac en tout genre, car elle veut voir l'herbe… et surprise, sous les gravats : une mobylette en état de marche.

On va assister à une transformation de cette femme, qui devient thanatopractrice, s'occupe des morts pour les rendre plus beaux pour les familles ; elle coud des sortes de patchworks avec des restes de tissus pour en faire des oreillers, des scènes qui symbolisent la vie des autres ou ses propres émotions.

Durant ses voyages à mobylette pour se rendre au travail, elle fait la connaissance d'un routier avec lequel elle va découvrir le véritable amour : il la traite avec délicatesse, elle se sent à nouveau vivante, femme, mais l'a-t-elle jamais été vraiment ?

Jean-Luc Seigle raconte cette femme, lui redonne une légitimité, une dignité qu'on lui a prise, (ou qu'elle ne s'est jamais vraiment sentie en droit d'avoir). Il lui donne vie, alors qu'elle a surtout vécu pour les autres, en s'oubliant au passage. Reine est inscrite dans une longue lignée de femmes qui ont eu des vies difficiles : l'exil, la nécessité de s'en sortir en faisant des travaux difficiles, les unes confortées par leur foi en Dieu, puis sa grand-mère, avec les rêve d'une utopie communiste chevillée au corps.

L'auteur excelle à décrire ces êtres dont la vie est difficile, un combat au quotidien pour survivre, avec les illusions d'un monde meilleur, les inégalités sociales, l'injustice dans ce monde qui se déshumanise, le travail des mains qui ne signifie plus rien à l'heure où tout se dématérialise… une histoire magnifique qui touche le lecteur…

Jean-Luc Seigle nous propose ensuite une réflexion qu'il a appelé « A la recherche d'un sixième continent » partant à la recherche de ce qu'on appelle le roman populaire, et les vrais portraits de femmes (une femme comme personnage principal, qui soit autre chose qu'une nunuche… il faut attendre Lamartine !). Cette réflexion qui nous emmène jusqu'à New-York, la statue de la liberté, les immigrants, Ellis Island, est magistrale.

J'ai beaucoup aimé Reine, son histoire, son combat et le regard sans complaisance que jette l'auteur sur la société de consommation.
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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