Plus que d’anticiper les simples faits de ces étrangers, je décide d’entrer dans leur vie, de les découvrir, de voir ce qui se cache derrière cette façade froide et hostile. Je constate avec un certain amusement que certaines personnes sont très faciles à aborder ; une phrase d’accroche, quelques mots et le tour est joué. Une personne m’invite même à déjeuner dans les dix minutes qui suivent. À l’inverse, d’autres personnes, les belles femmes par exemple, sont inabordables ! C’est comme une terre à la végétation verdoyante entourée de marécages infranchissables. Comme elles sont belles, elles pensent qu’on est là pour les draguer. Et si jamais j’ai le tort de leur dire que ce n’est pas le cas, je passe alors pour le dragueur lourd qui ne s’assume pas. La meilleure solution est de les ignorer, elles sont bien souvent inintéressantes et à côté de ça, Li Na me suffit largement.
Il est assez dommage de fonder une amitié que sur une seule journée, mais après tout, en amitié comme en amour, les meilleurs souvenirs ne sont-ils pas ceux du début ?
Je me prends à détester les écrivains, ces geôliers qui créent une prison spatio-temporelle à des milliers de personnages. C’est décidé, je ne lirai plus ! Je ne ferai plus souffrir les personnages que j’ai tant aimés comme on me fait souffrir. Je sais ce que c’est maintenant ! Si je suis moi aussi le protagoniste d’un film, d’un roman ou bien d’une bande dessinée, je veux qu’on arrête de me lire ! J’en ai marre d’être enfermé ! Marre de penser toujours les mêmes choses ! Marre de faire rêver des gens que je ne connais même pas avec mon histoire !
Être fou, c’est perdre le sens de la raison il me semble, alors pourquoi ai-je conscience de mon aliénation ?
Si j’arrive à me penser moi-même, à avoir conscience de mon état, c’est donc que je ne suis pas fou. La solution serait que le monde entier soit devenu fou et que je sois le seul et le dernier être conscient. Cette solution est la plus probable !
En général, on préfère écouter le psychopathe névrosé s’exprimer avec ses propres termes aussi terrifiants soit-il, plutôt que son avocat aussi ennuyant soit-il.
Je commence à avoir peur des gens, je les redoute. Plus je vais vers eux et plus le monde s’éloigne de moi. Ils me dégoûtent tous à manigancer dans mon dos. À vrai dire, je n’ose pas me l’avouer, mais je sens bouillir en moi une certaine terreur. Je tente de penser à autre chose pour ne pas lui faire face.
Interview de Xavier Seignot pour son film Némésis