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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
“La sensibilité naît des mots : on ne saurait sentir ce qui n'a pas de nom”.
Nagori, est le mot qui désigne en japonais les aliments de l'arrière-saison. L'idée de départ d'une réflexion sur ce mot, vient à l'écrivaine un soir alors qu'attablée au comptoir d'un bistrot, le chef lui sert un plat de légumes qui semble n'être déjà plus de saison. Intriguée, elle lui pose la question, à quoi il répond: “Mademoiselle, je suis beaucoup plus âgé que vous, et je ne sais pas si je pourrai encore goûter ce légume l'année prochaine”.
Le japonais possède trois termes différents pour désigner l'état de saisonnalité d'un aliment, « hashiri » pour primeur, « sakari », pleine saison, et « nagori » de l'arrière saison. Trois mots qui désignent trois différentes temporalités, avec leurs lignes bien
distinctes, mais qui ne sont pas sans se rencontrer et se mêler les uns aux autres.
Partant de la nourriture, l'auteur élargit sa réflexion sur l'impermanence de
l'existence, “la présence, l'atmosphère d'une chose passée, d'une chose qui n'est plus...”. Une réflexion aussi très intéressante sur une troisième temporalité, qui dépasse la confrontation des deux temporalités cyclique et linéaire, celle des saisons et la notre. Une temporalité d'une longueur insupportable , infiniment plus longue que la vie des êtres humains, et qui rend caduque les deux temporalités qui nous sont connues, celle des dégâts causés par l'humain, notamment à travers les explosions des centrales nucléaires, Sekigushi se référant ici à Fukushima ; “On ne pourra plus cueillir les herbes printanières pour les déguster, les fruits ne seront plus comestibles, et les oiseaux qui s'en nourrissent seront contaminés.”
Foisonnant d'anecdotes, de références littéraires et de riches réflexions sur notre rapport à la temporalité, l'écrivaine nous offre un petit livre insolite et délicat qu'on déguste comme une gourmandise japonaise.


“Sur le chemin du retour sitôt
Dans le brouillard de printemps
Ma pensée va au nagori, à la séparation”
(Sukedata Kadenokôji)

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Ryoko Sekiguchi, la plus française des japonaises, explore dans ce petit essai la notion de "Nagori", littéralement "reste des vagues", qui exprime le sentiment de nostalgie de la séparation. Plus précisément, dans les délicates nuances de la langue japonaise, ce mot est employé tout spécialement pour parler de la saison qui vient de s'achever. Avec Ryoko, les plaisirs gustatifs sont toujours à l'honneur, c'est encore le cas ici. La réflexion sur le cycle des saisons permet de pointer la question de la saisonnalité des produits que nous consommons, et en cela notre rapport au temps qui passe. C'est une invitation à savourer pleinement le moment présent, dans l'acceptation du cycle naturel des saisons et de l'achèvement d'un cycle. Quel instant précieux que la dégustation de ce dernier fruit d'été finissant ! En sérénité, ayons la patience et la sagesse d'attendre son retour l'année prochaine...

Ryoko Sekiguchi, complètement imprégnée des deux cultures japonaise et française, peut témoigner des nuances, et souvent des différences dans les mentalités respectives. Le nagori, c'est la fin du cycle, c'est l'automne, et c'est souvent un petit drame pour un français. Le japonais accueille l'automne avec sérénité, par une acceptation modeste de l'ordre des choses naturelles.

J'ai trouvé cet essai intéressant, original quant à son sujet parfois complexe et sinueux, mais riche d'enseignement sur la mentalité nippone. En outre, l'écriture, directement en français de l'auteure, qui vit depuis longtemps en France, est d'une qualité absolument remarquable.
Ce livre est une pièce supplémentaire, de choix, dans l'oeuvre philosophique que construit peu à peu Sekiguchi, une oeuvre originale car très ciblée sur notre rapport au monde, notamment au temps et à la nature, à travers les sens, et surtout les goûts et saveurs alimentaires.
Une lecture dense, quelque peu élitiste, peut-être trop pour moi, mais sa qualité littéraire m'incitera je pense à y revenir de temps à autre, pour mieux en appréhender les subtilités, et me délecter de quelques-uns de ces mots japonais composés tout exprès, dans des sonorités si douces à l'oreille, pour exprimer des sentiments, des situations pratiquement indéfinissables pour la langue française.
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A travers la nourriture, Ryoko Sekiguchi nous transmet son ressenti sur les saveurs, les nervures, la douceur des aliments et les émotions d'une saison qui vient de nous quitter.

“ Mademoiselle, je suis beaucoup plus âgé que vous, et je ne sais pas si je pourrai encore goûter ce légume l'année prochaine”.
Voilà la phrase qu'un chef d'un restaurant de Tokyo a dit à l'auteure, il y a plus de 6 ans et qui a fait naître en elle, le besoin d'écrire ce livre!
Les thèmes sont l'art culinaire fugitif, les saisons qui passent, qui s'enfuient, tout en laissant un bon nombre de sensations en nous.

Nagori signifie, l'arrière-saison. Un fruit de nagori est un fruit en fin de saison, un fruit surmaturé. “Il nous dit au revoir jusqu'à ce qu'on se retrouve l'année suivante, et on en a la nostalgie” (...)
 Il signifie la trace, la présence, l'atmosphère d'une chose passée, d'une chose qui n'est plus.
Nagori se dit aussi des conséquences, des dégâts ou des suites d'un événement, comme le nagori d'un tremblement de terre ou d'une maladie et par extension, il peut désigner ce qui reste, personne ou objet, ce qui subsiste en lieu et place d'une personne morte”.

J'étais persuadée que ce livre allait me donner une tristesse grandiose. le titre et la couverture me rendaient nostalgique des périodes que j'avais dû quitter malgré moi.
Cela n'a pas été le cas, alors, lancez-vous dans sa lecture surtout si vous êtes fin gourmet et/ ou que vous cuisinez pour le plaisir et/ou pour le travail. C'est un livre très intéressant, et qui donnera une autre saveur à la nourriture que vous goûterez après l'avoir découvert.
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En japonais, ‘nagori' est une nostalgie douce, pour un fruit, une odeur, une événement, une personne ou une saison que, peut-être, on ne revivra plus. L'évocation d'une extrême sensibilité, d'un sentiment et d'un mot, d'une culture et d'une gastronomie, dans ce qu'ils ont de poésie, de rappels historiques, de souvenirs et de promesses.
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Un court essai sur la nostalgie, les goûts, les odeurs, les saisons, les repas, les souvenirs. Tout ça pour nous dire que nos notions sont fugaces fluctuantes. L'auteure s'interroge sur notre perception des saisons, des produits de saison.
Un bon moment de lecture
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Je croyais acheter un ouvrage de fiction, je me suis trompée, ce petit livre qui tient davantage d'un essai illustré de réflexions personnelles nous fait toucher combien notre perception du monde peut être enrichie par ce que l'autre, l'étrange étranger, discerne et ressent. J'ai donc savouré les premières pages comme si j'avais traversé la frontière d'un nouveau pays qui m'était resté impensé et puis je me suis un peu ennuyée et j'ai lu le dernier chapitre "Verrai-je un autre printemps ? ". Rien que pour ces dernières pages sensibles et précieuses, rien que pour cette question que je me pose plusieurs fois par jour en chaque saison, j'ai repris le cours de ma lecture et je peux affirmer que j'ai pris un grand plaisir à lire cet ouvrage.

Un bémol : l'auteur appartient à un monde fortuné bien éloigné du mien et il m'est arrivé de pester contre ce qui, parfois, peut s'apparenter à du "name dropping".
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Lorsque j'ai emprunté ce livre à la médiathèque, je ne savais pas qu'il ne s'agissait pas d'un roman. En fait, c'est un genre de livre difficile à classer dans une catégorie. On pourrait dire que c'est un essai...très poétique !
L'auteur y développe son ressenti, ses expériences et ses réflexions autour de "nagori", un mot japonais, qui signifie aussi bien "la nostalgie de la saison qui vient de nous quitter" que "la séparation", ou les "conséquences, les dégâts ou les suites d'un événement" ou alors "ce qui reste, ce qui subsiste dans le monde en lieu et place d'une personne... ou de quelque chose" ou encore si on regarde l'étymologie du mot "l'empreinte laissée par les vagues après qu'elles se sont retirées de la plage".
Dans sept courts chapitres, l'auteur nous explique que nous vivons selon deux types de temporalité, cyclique (ce sont les saisons) et linéaire, la plus difficile à ressentir et à comprendre pour nous car elle est variable selon nos émotions et est parfois impossible à appréhender comme dans le cas de la radioactivité (tant la durée de vie est importante).
Tout cela sert de prétexte à parler de la notion de saison, de ce qu'elle signifiait pour les anciens, qui n'avaient pour se nourrir et ce, quel que soit le pays dans lequel ils vivaient, uniquement les fruits et légumes "de saison" (d'où les nombreuses famines), puis qui ont appris au fil des siècles à conserver les aliments jusqu'à aujourd'hui où certaines personnes ne savent plus quand est la saison des tomates ou des fraises, par exemple...tant on peut trouver de tout en toutes saisons.

Ainsi chaque saison d'un fruit s'accompagne du plaisir de le (re) découvrir (voilà pourquoi on fait un voeu lorsqu'on mange la première fraise ou la première cerise). Puis le goût du fruit évolue jusqu'à la fin de sa saison, ou on éprouve de la nostalgie, annonçant ainsi la longue attente avant l'année suivante, où auront lieu les retrouvailles, si on est encore en vie...

L'auteur nous démontre aussi que le rapport entre produit et saison est devenue aléatoire aujourd'hui selon où l'on habite mais reste "hautement symbolique".
Les saisons permettent au temps de se dérouler de façon cyclique, et de voir revenir des dates anniversaires d'événements heureux ou malheureux, sur lesquelles nous bâtissons notre vie quotidienne, tant c'est rassurant !

Elle s'appuie sur de nombreuses références littéraires pour parler de la symbolique des saisons, n'hésitant pas à citer des exemples pris dans les contes pour démontrer l'importance dans notre imaginaire de consommer des fruits de saison, le "hors-saison" étant considéré comme un "trésor" idée qui perdure aujourd'hui, quand on considère son impact écologique.

A deux reprises l'auteur prend l'exemple sur le genre poétique japonais du haïku, pour expliquer que ce genre privilégiant la notion de temps cyclique, ramène les catastrophes naturelles ou les événements historiques marquants (comme Hiroshima, ou Fukushima) à une image du temps qui fera son travail de renaissance, ce qui est porteur d'espoir, certes pour les hommes mais ne doit pas les empêcher d'apporter des solutions concrètes. Ces catastrophes ne peuvent pas pour autant être considérées comme des événements que l'on va oublier à la saison suivante...

Ainsi les japonais en parlant d'Hiroshima, ne disent jamais: "les américains ont jeté la bombe" mais, "la bombe est tombée"...
C'est un livre court, empli d'anecdotes et de réflexions sur notre vie quotidienne et notre monde moderne. Il est empli de sagesse qu'on aime ou pas la culture japonaise, qu'on soit ou pas attiré par le Japon, il nous apprend à voir le monde autrement.
A maintes reprises lors de ma lecture, j'ai pensé que je n'avais jamais songé à voir les choses selon le point de vue que l'auteur nous propose, et j'ai trouvé que c'était très enrichissant de le découvrir.

Lien : http://www.bulledemanou.com/..
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"Nagori, nostalgie de la saison qu'on ne laisse partir qu'à regret." L'auteure nous initie à l'articulation de nagori avec hashiri (la primeur) et sakari (la pleine saison), elle nous fait faire une promenade poétique dans les manières traditionnelles de penser et ressentir les saisons au Japon, avec un accent assez fort sur les aliments et la cuisine (mais heureusement il y a bien d'autres aspects).

Née en 1970 à Tokyo, l'auteure vit à Paris depuis 1997, et écrit en français depuis 2003. J'ai été charmé par ce petit livre, et puis quand j'en ai parlé avec des japonais qui vivent au Japon, j'ai trouvé quelques difficultés à partager avec eux ces notions (24 saisons oui, mais 72...?). Tout en me réjouissant de ces subtilités poétiques japonaises, je me suis demandé quelle était leur vraie valeur symbolique dans le Japon contemporain. L'auteure, qui vit en France depuis si longtemps, fait-elle sonner à nos oreilles le diapason d'un Japon qui serait en partie rêvé ?
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