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3,84

sur 464 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
« Lotte ne veut pas mourir » pourrait être titrer ce roman restituant les derniers mois de Stefan Zweig et de son épouse Charlotte Altmann.

Zweig est un pessimiste né et son penchant suicidaire apparait dès 1925 dans « le Combat avec le démon (sur Kleist, Hölderlin et Nietzsche) ». La montée du nazisme, ses exils vers le Royaume Uni, les USA et le Brésil exacerbent cette tendance et la chute de Singapour et les lettres de menaces reçues l'amènent au geste fatal du 22 février 1942.

Lotte est la joie de vivre. Beaucoup plus jeune que son époux sexagénaire elle s'épanouit au Brésil et rêve d'un avenir débarrassé du nazisme grâce à la victoire des démocraties rendue probable par l'entrée en guerre de l'Amérique.

Laurent Seksik décrit la mécanique du couple qui s'inscrit dans un rapport parent-enfant et non pas dans un rapport adulte-adulte. Lotte est entrée dans la vie de Stefan en étant sa secrétaire et elle n'a jamais réellement remplacée Friderike, première épouse, demeurée en relation épistolaire avec l'écrivain qui ne laisse pas la seconde lire ses oeuvres et la cantonne à des occupations ancillaires.

L'isolement du couple, le contexte militaire et concentrationnaire de 1942, dépriment Zweig et le poussent vers l'inexorable ; son emprise sur Lotte la conduit à s'unir à lui dans le suicide.

Ce roman, fort bien écrit, est à la fois une biographie de Stefan Zweig et l'analyse glaciale de l'emprise d'un homme sur une femme ainsi condamnée à mort. Un ouvrage à méditer !

PS : les intellectuels européens exilés en Amériques :
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Stefan Zweig est un de mes auteurs préférés. Je n'en finis pas de le découvrir, autant dans son oeuvre romanesque que dans ses biographies éclairées.
Bien sûr, Les derniers jours de Stefan Zweig, c'est elle aussi une biographie romancée, écrite du reste avec talent, érudition et sensibilité par Laurent Seksik, auteur que je découvre au passage. Une biographie romancée ne dit pas forcément toute la vérité, elle est par définition subjective, mais elle imagine tous les possibles qui viennent se glisser dans les interstices d'une existence, celle dont nous pensons connaître déjà dans les grands traits...
Ici tous les possibles sont dits dans le vertige des mots.
Que dire dans l'émotion encore palpable des dernières pages...?
Que dire sinon un chagrin immense qui m'a étreint au fil des pages de ce récit magnifique.
Stefan Zweig est déjà en exil, à Londres, lorsqu'il rencontre une certaine Lotte Altmann, qui a vingt-cinq de moins que lui. Elle est emplie d'admiration pour l'auteur. Mais celui-ci est marié. Lotte devient sa maîtresse. Et la fuite continue de se faire dans l'exil, New-York, puis le Brésil... Poser les valises dans la ville de Petrópolis à quelques encablures de Rio de Janeiro.
Nous sommes en 1942, l'exil fuyant la barbarie nazie dure déjà depuis neuf ans et Stefan Zweig s'est entre temps séparé de sa femme Frederike, restée à New-York, pour épouser la jeune et belle Lotte.
C'est Lotte maintenant qui dactylographie sur la vieille Remington chaque page rédigée de manière manuscrite par l'écrivain...
Le cadre est idyllique, la paix est ici présente, il suffirait d'attendre quelques mois encore pour espérer voir s'achever cette guerre devenue mondiale. La progression des Alliés semblent donner quelques notes d'espoir.
J'ai aimé une des premières scènes qui ouvre le livre. le nouveau couple découvre cette maison de Petrópolis qui les accueille provisoirement. C'est une scène banale qu'on a tous peut-être vécu après un déménagement, mais ici elle a une saveur toute particulière, une malle qu'on vide de ses livres, l'odeur des livres qui rappelle là-bas, sa demeure de Salzbourg, sorte de madeleine de Proust en exil et qui donne le vertige à l'auteur, comme une ivresse...
Et puis, il suffirait d'attendre que parvienne de Londres cette autre fameuse malle, qui contient une somme de documentations inédites qui lui permettra d'écrire enfin ce qui pourrait être son chef d'oeuvre, la biographie De Balzac ! Mais l'océan est aussi le théâtre de cette guerre... Et la malle n'est toujours pas parvenue à sa destination...
Avant cet exil, avant de fuir sa chère ville de Salzbourg, Stefan Zweig pensait que les livres allaient former comme un rempart contre la barbarie. Nous y pensons tous ici dans notre communauté de lecteurs. C'est parfois quelque chose qui nous anime avec ardeur.
Mais ses livres ont été brûlés là-bas, à Vienne ou Salzbourg.
Le chemin de l'exil emplit Stefan Zweig d'un terrible désespoir. Et la pauvre Lotte encore amoureuse, éprise de Stefan Zweig, se sent glisser, happée dans ce chemin désespérée, alors qu'elle voudrait exister par son amour, enflammer l'homme qu'elle aime, le retenir à la vie, lui redonner de l'espoir... Elle pense qu'il n'a pas le droit de se laisser abattre.
Dans cette errance, il se sent devenir comme une ombre sans racines.
Il se sent devenu comme un paria, un fuyard, un lâche, le dernier des hommes. Ses forces l'abandonnent. D'ailleurs, de grands écrivains comme Thomas Mann lui reprocheront son acte.
Il se sent devenu une sorte de vagabond hanté par l'absolu.
Sa rencontre avec Georges Bernanos lui aussi en exil est forte lorsque celui-ci lui dit " C'est dans cette clameur qu'il faut se faire entendre. Nous sommes des romanciers, nous avançons dans les ténèbres, guidés par notre seul instinct. C'est dans ces ténèbres qu'il faut éclairer les consciences. Aucun peuple ne peut se sauver lui-même. Cher ami, le monde a besoin d'entendre votre voix."
Mais ces mots ne suffiront pas...
Lors de ce fameux dimanche de 22 février 1942, sans doute plus rien ne les retient, lui et elle, au bord de l'abîme.
Ce que j'ai trouvé particulièrement émouvant, pathétique même, ce n'est pas le suicide de Stefan Zweig, qui relève d'un acte personnel, mais c'est le geste de Lotte, son sacrifice à ses côtés, qui souhaitera le rejoindre dans ce dernier voyage, sans doute afin de pouvoir exister à ses yeux, lui offrant ainsi un ultime geste d'amour, elle qui ne se sentait peut-être pas suffisamment regardé par l'homme qu'elle aimait durant cet exil partagé depuis tant d'années...
Ce livre est d'une inconsolable tristesse, écrit avec pudeur, émotion et justesse. Une clef supplémentaire pour continuer de cheminer dans l'oeuvre incontournable de ce très grand écrivain.
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Mon troisième rendez-vous avec Laurent Seksik se passe encore une fois autour d'un grand homme qui a marqué son époque. Avec une sincérité impressionnante, des mots justes, et beaucoup de retenue l'auteur imagine les derniers jours de Stefan Zweig.

Cet archéologue de l'âme humaine, biographe des riches heures de l'humanité avait senti venir l'horreur et la barbarie et l'échec d'une civilisation. Il plaidait le pacifisme et l'unification, il a été poussé à l'exil et à la perte d'êtres chers.

Zweig, en fin de vie, engagé dans d'éprouvants face-à-face avec un monde qui a perdu la raison, se débat avec les fils noirs d'une sombre araignée existentielle. le poids de la honte et de la culpabilité rongent son âme le plongeant dans une inconsolable tristesse et dans un grand effondrement mental.
Trop d'illusions perdues, trop de voix de malheur résonnent à ces oreilles malgré l'exil.

Il a choisi la dernière demeure, là où le rideau tombe. Il a choisi celle qui l'accompagnerait dans ce dernier voyage pour l'éternité. Il a choisi de laisser le vent imprévisible de l'Histoire souffler et rabattre ses cartes. Il a choisi une victoire dérisoire sur la barbarie.

Même si on connaît la fin de l'histoire, la gravité se fait sentir au détour des phrases. Laurent Seksik livre un roman d'où se dégagent une grande humilité et une humanité que j'ai rarement rencontré ailleurs. Un livre rare et précieux, qui nourrit l'esprit et touche droit au coeur.

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De Zweig, on connaît les biographies magistrales, les nouvelles passionnées et le style toujours juste... Et l'homme derrière le génie littéraire ? Moi, je ne le connaissais pas et je suis contente d'avoir découvert quelques clés dans cette biographie romancée qui se concentre sur ses derniers mois passés en exil au Brésil en 1941-1942.

Profondément affecté par les atrocités nazies, la fin de son monde viennois bien-aimé et l'exil solitaire, il s'enfonce dans la dépression, entraînant avec lui Lotte, sa deuxieme femme, jeune et joyeuse, mais aussi malade et tragiquement amoureuse. Ne souhaitant pas faire de son écriture un combat politique ou un engagement, il perd peu à peu le goût d'écrire, et de vivre.

Les circonstances étaient suffisamment terribles pour expliquer cela, me direz-vous... Oui et non... Tous les intellectuels juifs ou exilés ne se sont pas suicidés, certains ont gardé espoir, d'autres ont voulu résister ou témoigner. Ainsi Bernanos ou Feder ou Jules Romains.

C'est là pour moi un des grands mystères de l'âme humaine : pourquoi certains basculent-ils dans le désespoir et d'autres pas ? Pourquoi bien avant la guerre Zweig était-il fasciné par le geste ultime de Kleist ? Pourquoi le sourire de Lotte ne parvient-il pas à éclairer sa vie, maintenant qu'ils ont trouvé un refuge ? le livre ne répond pas à cette grande question, mais dépeint avec pudeur, sensibilité et justesse le malheur pesant, gris et infini de Stefan Zweig, jusqu'à son voyage au veronal...

Au final, Les derniers jours de Stefan Zweig sont sombres et parfois déprimants, mais aussi et surtout émouvants et intéressants.
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C'est la première fois, je crois, que je lis un livre après avoir lu la BD qui s'en est aspiré. La BD de Laurent Seksik et Guillaume Sorel ne m'a pas quittée tout au long de cette lecture et cela ne m'a pas gênée, bien au contraire.
Cette biographie romancée est celle de Stefan Zweig mais aussi, à travers lui, celle de Lotte, sa seconde femme qui est extrêmement touchante par son Amour sans faille pour Zweig.
Bien que l'histoire de Stefan Zweig ne me soit pas inconnue, j'ai beaucoup apprécié la façon dont Laurent Seksik la met en mots.
L'auteur arrive avec brio à montrer comment l'horreur de l'Histoire à brisé l'âme de Stefan Zweig qui n'arrive plus à croire en l'humanité. Il culpabilsise de surcroît d'avoir fuit son pays, il se reproche d'être lâche,son mal-être est extrême et l'amène à choisir une solution radicale qui devrait qui devient un geste de désespoir absolu.
Les écrits de Zweig m'ont toujours touchée par sa sensibilité , à l'époque, je ne connaissais pas sa propre histoire, j'ai de fait, aujourd'hui envie de relire certains de mes romans préférés . Auront-ils une autre saveur ?
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Très bel hommage à ce grand humaniste qu'était Stefan Zweig (qui lui-même excellait dans les biographies romancées) ! L'auteur nous donne un récit romancée des derniers mois de la vie de Stefan Zweig. Laurent Seksik a le mérite d'une certaine neutralité, se plaçant à la fois dans la tête de Stefan Zweig que dans celle de Lotte, sa femme. Belle et triste lecture.
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Après les années de succès et de reconnaissance, la vie viennoise tant aimée qu’il doit quitter, l’exil en Angleterre puis aux Etats-Unis, Stefan Zweig entame une autre vie à Pétropolis, au Brésil. Mais le nazisme et son antisémitisme ont fait naître en lui un mal profond. Devant tant d’atrocités, il sombre insensiblement dans un désespoir que personne ne peut guérir, pas même Lotte, sa jeune femme gaie et aimante qu’il entraîne dans la mort avec lui.

Stefan Zweig était inconsolable, Laurent Seksik en a fait un inoubliable roman.
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C'est grâce à Babelio que j'ai rencontré Laurent Seksik et son livre "Les derniers jours de Stefan Zweig". le suicide de ce grand écrivain et surtout de son épouse Lotte m'a toujours questionnée mais là, le livre, magistralement écrit, nous fait revivre le cheminement qui va le mener jusqu'à leur geste ultime. La réalité se mêle à la fiction mais Laurent Seksik s'appuie sur des faits réels, des témoignages et des documents. Faut-il chérir Stefan Zweig pour, à ce point, se glisser dans son personnage, le comprendre, mieux, s'accaparer son être intime, son esprit, pour le raconter avec autant de fidélité, de cohérence, ce qui donne encore plus de justesse à ce livre. Laurent Seksik n'oublie pas Lotte, il dépeint très bien l'amour qu'elle a pour son grand homme, il est l'air qu'elle respire difficilement d'ailleurs, ce sentiment qu'elle ressent de ne pas se considérer digne d'un tel écrivain et l'ombre de la première femme de Zweig, Friderike, qui est toujours présente. C'est très compliqué de vivre dans l'intimité d'un être qui sombre. J'ai ressenti la détresse de Stefan, la destruction de son idéal d'humaniste, celle de Lotte qui voudrait tellement le sauver, l'arracher à ses pensées si sombres, lui redonner un peu d'espoir. Certes c'est un être déjà tourmenté, façonné par l'inconscient collectif du peuple juif mais j'ai imaginé aisément l'horreur de l'exil, l'impossibilité de fuir une réalité devenue insupportable qui le hante et le rattrape partout. Lui si profondément autrichien, il parle autrichien, il pense autrichien, sa culture est autrichienne. le sang juif coule dans ses veines mais sa personnalité est autrichienne. Sa proximité avec le peuple autrichien rend encore plus poignant, plus douloureux, sa difficulté de vivre en sachant la haine dont ses compatriotes juifs sont l'objet, quand il apprend les horreurs que perpétuent les nazis, les enfants que l'on arrachent aux mères pour les tuer sous leurs yeux, tout son monde vole en éclat jusqu'aux anglais qui vont le considérer comme un ennemi puisqu'il parle allemand! Lotte ne résistera pas, elle le suivra, les dernières informations vont leur laisser présager une catastrophe mondiale. Tout devient insurmontable, c'est le propre du suicide, il n'y a plus d'issue.
Brillantissime roman!
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Pour celles et ceux qui ne connaissent pas ce grand intellectuel, Stefan Zweig est né à Vienne de parents juif. Écrivain, il excelle dans tous les genres d'écritures: traductions, romans, pièces de théâtre, essais, biographie mais surtout la nouvelle … Ses livres sont vendus par milliers et traduits dans plusieurs langues.

Cette biographie romancée, raconte les derniers jours de cet auteur exilé avec sa femme Lotte à Pétropolis au Brésil. Étant sur une liste noire en 1930 au même titre que Sigmund Freud, Zweig ressentant la menace, quitte l'Autriche pour la France, l'Angleterre, les États-Unis puis le Brésil. L'homme peiné de ce qui se passe en Europe, se remémorant ses bons moments, ses voyages, ses ami(es) et sa famille disparu(es), ressent un vague à l'âme qui l'empêche d'écrire.

Un roman ou l'on sent peu à peu l'ombre devenir nuit, l'espoir devenir illusoire chez un grand homme réduit à néant.
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Relecture, ce qui m'arrive rarement.
A mon grand étonnement, je ne remarque aucune chronique récente se référant aux "derniers jours de Stefan Zweig", alors que le film retraçant son tourment et sa fin tragique passe actuellement en salle, de façon confidentielle.
Bien que ce ne soit mentionné nulle part, je pense que la réalisatrice de ce biopic, Maria Shrader a fidèlement suivi la trame admirable du récit de Laurent Seksik, avec la même justesse de ton. Il en ressort de l'un et de l'autre beaucoup d'émotion et mon admiration pour l'interprétation de Josef Hader.
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