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Francis Kerline (Traducteur)
EAN : 9782020481359
325 pages
Seuil (30/12/2000)
4.18/5   213 notes
Résumé :
The Willow Tree, 1998.

" Y en a un qui s'extirpe de la mêlée, lance un liquide à la gueule de Maria, et voilà Maria qui hurle, se débat en tous sens, pousse des cris sans fin... " Dans le South Bronx, une bande vient d'attaquer un couple d'adolescents. Maria est défigurée par un jet d'acide. Bobby, tabassé à coups de chaîne de vélo, pisse le sang. Hagard, perdu, il trouve refuge dans une cave où Moishe, un vieux clochard, le soigne. Mais peut-on vraim... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (22) Voir plus Ajouter une critique
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On trouve rarement des livres qui vous remuent ainsi. Je sais que je vais très mal vous exprimer ce que j'ai ressenti à la lecture de ce livre, que je ne vais pas trouver les mots exacts pour faire passer toutes les émotions qui m'ont traversé. Rarement, une lecture ne m'aura autant remué , autant ravi.
Je ne peux pas passer devant une boîte à livres sans jeter un oeil à l'intérieur, ce jour là je suis tombé sur cet ouvrage, la couverture m'a plu et je l'ai ramené. Mon inculture ne m' avait jamais fait croiser la route de Hubert Selby Jr, j'avais vu le film "Requiem for a dream" sans savoir que c'était l'adaptation d'un de ses romans.
C'est donc totalement innocent que je me suis plongé sans plus de précautions dans cette histoire de laquelle on ne ressort pas indemne.
Même après avoir fini ce livre, je ne peux m'expliquer ce qui m'a happé de la sorte, l'écriture bien sûr, en premier lieu, ce qui fait que de simples mots formaient des phrases que je trouvaient si belles que je les relisais souvent une seconde fois dans la foulée pour mieux m'en délecter.
Ensuite, le contraste entre les deux protagonistes principaux qui n'auraient jamais dû se rencontrer et qui se sont soutenus l'un l'autre s'offrant mutuellement chacun une bouée à laquelle se raccrocher pour ne pas sombrer. Leurs sentiments sont si bien exprimés qu'ils nous retournent.
Le thème de ce livre est universel et ô combien d'actualité lorsque l'on écoute actuellement les bulletins d'informations. Car si le message est clair, le chemin pour y arriver est tortueux et nous devons nous combattre nous même si nous voulons réussir à voir autrement dussions-nous y passer toute une vie.
Je vous semble sans doute confus mais j'écris cette chronique à chaud en venant de refermer ce livre qui va rejoindre mon île déserte.
Je ne peux que vous encouragez à lire "Le saule" à votre tour en espérant que vous éprouverez une partie de ce que j'ai ressenti.
J'ai rencontré un grand écrivain et ne vais pas le lâcher de sitôt.
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South Bronx. Maria et Bobby forment un couple d'adolescents qui ne plaît pas à tout le monde dans le quartier : elle est d'origine sud-américaine, lui d'origine afro-américaine. le drame nous explose alors en pleine figure dès les premières pages, au même titre qu'à nos deux amoureux qui se promènent comme à leur habitude : ils sont agressés par une bande, Maria défigurée par de l'acide balancé sur son visage, Bobby molesté à coups de chaîne de vélo ; elle est envoyée à l'hôpital, il s'enfuit tant bien que mal, semi-conscient, jusqu'à trouver refuge chez Moishe, un sans domicile pas comme les autres, puisqu'il a équipé une cave de tout le confort dont l'adolescent, issu d'une famille très pauvre, ne pouvait que rêver. Pendant que l'un se soigne, se reconstruit, et découvre l'histoire tragique de Moishe, l'autre, au visage bandé, s'enfonce dans la douleur, le mal-être, soutenue tant bien que mal par les visites de sa mère et de sa grand-mère. Jusqu'à ce qu'un nouveau drame prolonge avec encore davantage de violence le premier…

Comme à son habitude, Hubert Selby Jr nous plonge dans la crasse et la noirceur d'un monde bien éloigné de l'image beaucoup plus positive que l'on peut avoir de New York. Crasse et noirceur dans le drame même qu'il nous conte, mais aussi sur les conséquences qu'il induit sur nos adolescents qui, bien que vivant dans une situation sociale misérable, n'en sont pas moins encore des enfants épris d'innocence, d'idéal, de pureté amoureuse. Crasse et noirceur dans la façon même dont il nous le conte, dans un langage toujours aussi oral et brutal, parfois ponctué de phrases brèves et percutantes qui montrent toute la violence des êtres, des choses, et des moments, parfois ponctué de phrases amples, presque sans fin, qui montrent au contraire toute la difficulté des ressentis des personnages, étouffés par leurs souffrances, physiques, psychiques, morales. Crasse et noirceur qui disent un pessimisme toujours aussi pesant, qui étouffe tout autant le lecteur que les personnages dont il suit les errances.

Mais, et c'est bien la première fois que je le ressens vraiment chez le romancier, une forme d'optimisme point avec force au fil du récit en la personne de Moishe, personnage lumineux qui, malgré un passé terrible, et peut-être même grâce à ce passé, va parvenir à donner à Bobby un autre sens à son existence, telle une figure paternelle positive de substitution.

Le saule n'est pas mon roman préféré de l'auteur, mais il a le mérite de le montrer sous un autre jour. Je me souviendrai donc pour cela de ma lecture.
Lien : https://www.aubonheurdesmots..
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Les éditeurs du monde devaient s'unir pour contribuer à faire connaitre cet ouvrage

Ce livre bien écrit, est caractérisé par un langage innovant et par une mise en scène novatrice.
Tout d'abord, l'intrigue se déroule dans un endroit sombre et souterrain de New York.

Ensuite la deuxième partie de l'ouvrage se passe dans la luminosité de Prospect Park.
C'est un petit chef-d'oeuvre !

Une merveille semble-t-il ignorée par les éditeurs, car le livre est épuisé depuis un certain temps.

J'ai tenté d'en acheter une copie à New York pour un ami qui me l'avait commandée.

Rien à faire : "out of order" là aussi!
C'est dommage car, si vous aviez pu comme moi, le lire, vous y auriez trouvé des moments de pure poésie.

L'amour paternel qui se développe entre le vieux Moishe et le jeune Bobby, est cathartique pour les deux personnages.

C'est une démonstration de la façon de ré-émerger de l'obscurité dans laquelle la vie nous jette, juste en tirant de la force du plus profond de nous-même.

Ce livre montre les sentiments positifs les plus intimes.
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Comme dirait Bobby :
"Ptain, tu mscie mec ! sans dec !
T/as bien joué avec mes nerfs, tu m'as mis à l'épreuve... Meeerde !
Tu vois qu'ess jveux dire ?
Jte ldis Hubert, t/es un mec bien, y tape ton style, jt'aime mon pote !".

Lire le saule,
C'est comme aller passer un hiver dans le Bronx.
C'est comme pénétrer dans un conte de Noël où les rats auraient bouffé les rennes.
Où le Père-Noël survivrait dans un squat New-yorkais, revenu d'entre les morts.
Où la "neige silencieuse" recouvre péniblement les ordures, tessons et vomissures.
Où les gamins du quartier se "chamaillent" à grands coups d'chaînes de vélo.
Où pour échapper à la douleur, on préfère le grand saut.
Où les larmes des mères forment des flaques sur les pavés crasseux.
Où des fantômes, tapis dans l'ombre, guettent leurs proies pour faire gicler le sang...
Et avec ça, on voudrait nous faire croire à la vie, à l'amour, au respect et au pardon...
Eh bien ! C'est là qu'intervient le talent de SELBY... et il est grand, crois-moi !

Bobby et Maria, 13 et 12 ans, lui est noir, elle elle est portoricaine.
Sur le chemin de l'école, ils croisent la petite bande de Raul, 4 ados portoricains : "tu devrais être ma meuf, qu'ess tu fous avec ce nèg ?"
Ça démarre au quart... BING! BAM!
Maria aura le visage arrosé par un jet de soude, Bobby sera tabassé dans les règles du quartier, c'est à dire... laissé pour mort.
C'est là qu'entre en scène, Moishe, vieux clochard à l'ancienne, d'origine Allemande, meurtri par la vie.
Pour Bobby, Moishe sera comme un Père-Noël tombé du ciel, alors qu'il vit six pieds sous terre, et c'est précisément là, dans son chez lui, que le vieux sage va emmener Bobby pour tenter de le "réparer" aussi bien physiquement que mentalement.

Peut-être plus accessible que dans certains autres de ses romans ( Last exit ; Waiting period ) on retrouve l'écriture si particulière de l'auteur... des slashs / à la place d'apostrophes (ex: T/es comme... T/as encore...) ; des phrases pouvant s'étaler sur 2 ou 3 pages ; des virgules envolées ; des S rajoutés ; des dialogues sans tirets... Bref ! un joyeux foutoir, mais on s'adapte :-)
L'écriture est ici très phonétique, les accents (allemand, africain) sont plus qu'audibles... immersifs (d'autant plus que tous les Selby que j'ai lu (4), je les ai lu à voix haute à ma moitié). Celui-ci, c'était le pied !

Bobby et Moishe, un duo qui fonctionne au poil...
L'ouragan et l'accalmie...
La vengeance et la sagesse...
La haine et le pardon...
Avec eux, Selby m'a offert un tour de montagnes russes.
A 100% derrière Bobby... je suis devenu rageux... j'ai réclamé vengeance... pour 10 pages plus loin, nourri des paroles du vieux clochard céleste, me retrouver BaBa, sur un chemin menant vers la lumière, animé d'une paix intérieure, à mes côtés, un homme barbu aux cheveux longs, auréolé et l'air fiévreux... ( bon, enfin... c'est une image... c'était pour illustrer mes montagnes russes ;-) )

Comme à son habitude, Hubert Selby nous offre une lecture sous haute tension, où l'on redoute le pire à chaque coin de rue, à chaque sortie dans ce N-Y d'un autre temps... ultra craignos !
Par contre, ce qui est nouveau ici, ce sont ces "parenthèses lumineuses" : ces petites intentions , ces joies partagées, où tu te surprends à retenir une petite larmichette.
Et puis le personnage de Moishe bien sûr, loin des héros habituels de l'auteur : les Harry, Vinnie, Georgette, ect...
Moishe est un sage parmi les sages... un ami qui vous veut du bien.

Alors, assagi le Selby ?
Je ne sais pas...
Malgré qu'il existe ici des portes de sortie, ça reste tout de même assez violent...
"Racisme, nazisme, précarité, insécurité, bastons, squat souterrain ( territoire de milliers de SDF ) , sans parler du calvaire de Maria...
Pas vraiment le genre : promenade de santé dans un cadre idyllique.
On zone ici, dans 2 des boroughs dont la répute n'est plus à faire ( moins maintenant) ... le Bronx et Brooklyn.

Pas reconnu comme un roman majeur dans la biblio de Selby, voir un livre à part...
Pour moi, et je ne m'y attendais pas... Mon préféré (pour le moment). ;-))
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le Saule de Hubert Selby Jr. ( Editions de l'Olivier - 303 pages )

Il y a des livres que nous oublions aussitôt lus et d'autres qui vous marquent au fer rouge.

J'ai suivi les conseils d'un abonné de Babelio et je le remercie.

Il m'a fait découvrir ce roman qui, en effet fait réfléchir.

Il m'a beaucoup touché car j'ai également durant une période de ma vie souffert de la haine contre une personne qui m'avait particulièrement fait du mal.

J'ai heureusement surmonté cette haine et je l'ai remplacé par de l'indifférence.

Par contre j'admire Moishe qui a eu sa vie brisée plusieurs fois. Lui a pu grâce à un ami, Sol, substituer ce venin par de l'amour.

La haine vous ronge, vous détruit à petit feu. Elle peut vous donner une raison de vivre tout en vous tourmentant.

Bobby est un gamin de 13 ans et sa petite amie de 12 ans se nomme Maria. Un jour en partant à l'école ils sont attaqués par une bande qui roue de coups Bobby. Pendant ce temps, Raul, jaloux de leur bonheur, jette de l'acide au visage de Maria.

Bobby sera secouru par une sorte de clochard, Moishe.

L'amitié, l'amour filial sera t-il plus fort que la haine, que la vengeance ?

Le combat est violent et vous torture jusqu'à la dernière page.

Magnifique ! Mais accrochez vous !

Mireine
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Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
Si t'es pas juif Mush comment que tu peux avoir des numéros juifs et un nom juif ?

Moishe regarda un moment son poignet, puis Bobby qui n'avait toujours pas bougé, T'as le chic pour poser des questions que je veux pas entendre. Bobby cligna des yeux et les leva lentement vers Moishe qui essaya de sourire et finit par y parvenir en regardant Bobby en face, Les questions c'est facile, mais les réponses... les réponses ça demande du temps. Bobby cligna encore des yeux et acquiesça, Prends ton temps... Pourquoi tu veux savoir ça ? Bobby regarda Moishe un moment, puis haussa les épaules, Jsais pas. Mettons que j'ai envie dsavoir. Ils se regardèrent un moment, puis Moishe se pencha en avant et laissa ses avant-bras posés sur la table, ignorant délibérément le tatouage,

Les premiers jours qu'on est au camp je décolère pas. Comment ils ont pu m'enfermer avec des juifs, je suis un bon Allemand... Comment Klaus a pu me faire ça juste pour me piquer l'affaire... Comment une chose pareille a pu se produire ???? C'est pas possible, ça peut pas m'arriver à moi... Et pendant tout ce temps je pense à ma femme et à mon fils, est-ce qu'ils sont en vie et dans mon cœur je les imagine déjà morts...sans arrêt, toute la journée, toute la nuit, je pense à eux... Je ferme les yeux et je les vois, j'ouvre les yeux et je les vois, partout où je suis je vois ma femme et mon fils... et je les vois morts... je sais pas comment ils sont morts mais ils sont morts...et même sans voir je sais...ils sont morts et je veux tuer, tuer mais je peux rien faire. Si j'avais Klaus devant moi, sûr que je le tuerais, mais y a pas de Klaus alors qui je vais tuer, les gardes ? Je vais leur prendre leurs fusils et leur tirer dessus ? Je pense qu'à ça, tuer, j'y pense jusqu'à l’écœurement mais je peux pas arrêter d'y penser, je l'aurai, je le tuerai - Moishe s'adossa - Et j'ai pensé à tuer les juifs... Je me disais, si les gardes voient que je hais les juifs ils me laisseront rentrer chez moi et si je tue les juifs ils verront que je les hais, alors je pensais : je vais les tuer, tous ceux de mon baraquement c'est leur faute si je suis là, et tous les jours je leur dis que je les hais, que c'est tous des pouilleux, que s'ils étaient pas là y auraient pas de camp et je serais dans ma famille. Et chaque jour le travail nous affaiblit et on n'a presque rien à croûter, une espèce de bouillon de patates avec surtout des pelures... un peu de pain. Et le froid, il fait de plus en plus froid... le vent d'hiver, la neige, la glace et faut qu'on marche dans le froid pour aller bosser et pour revenir au camp, tous les jours et ... Ach...Moishe soupira et son corps s'affaissa. On rentre du boulot, le ciel est lourd et gris comme du plomb sale, le vent te pique comme des lames de rasoir. Je regarde ces juifs autour de moi et ils sont sales, si mal fagotés... et ils sentent... et je me dis, y a forcément quelque chose qui va pas chez ces gens sinon ça leur serait pas arrivé... un truc pareil ça arrive pas à des gens bien - et Moishe et Bobby se regardèrent longuement dans les yeux - Ya - acquiesçant - j'étais là aussi, avec eux... moi un bon Allemand... ya, un bon Allemand qui aime sa Patrie, qui aime sa femme et son fils e-t a fondé un foyer pour eux... un bon foyer... chaud l'hiver avec des plantes vertes et des pots de fleurs à la fenêtre et un jardin. Une bonne table. On est contents, on rit souvent, on fait un grand sapin de Noël... des honnêtes gens, des gens bien. Donc - regardant toujours Bobby dans les yeux et haussant les épaules et retournant ses paumes - Donc... même quand je dors j'ai mal au ventre, j'ai des nœuds dans les tripes et je crie dans ma tête que je les aurai, que je tuerai les juifs, et je pense de plus en plus à tuer Klaus et son cousin, à les forcer à vivre dans un camp, à porter ces uniformes, à sentir la merde et la mort jour et nuit - ya, c'est peut-être la haine qui m'a permit de survivre au début - Bobby hocha la tête pour approuver - ya... au début ça m'aide à survivre. Mais après ça commence à me tuer, la douleur, le poison, ya, le poison, je le sens couler dans mes veines, un poison terrible, pire que le bouillon et le froid... et je l'entends crier en moi - lançant un regard perçant à Bobby, puis acquiesçant et soupirant - Ya, j'ai que de la haine et c'est de pire en pire je tiens même plus debout - Moishe se détendit soudain, son corps parut fléchir légèrement et un flot d'affection et de tendresse parut émaner de lui quand il prit les mains de Bobby pour les serrer un moment dans les siennes - C'était ça le pire, la haine... ça menait à rien, ça restait en moi et ça me bouffait en dedans... comme un cancer, j'étais dévoré par ma propre haine - Moishe regarda encore Bobby, puis lâcha les mains et se radossa... Donc ... on rentre du boulot, tout est comme du plomb sale, même les arbres sont comme du plomb sale... Ahhccchh, il fait si froid... ça gèle... et voila ce vieux qui tombe, non, il tombait pas, il s'écroulait... je le vois encore comme si c'était hier et ça fait si longtemps... Oh... si longtemps... et je nous revois si clairement en train de marcher et là tout d'un coup ce vieux qui s'écroule par terre et je sais, quelque chose en moi sait qu'il bougera plus, que même si le sergent se pointe et lui dit de se relever il répondra pas et bougera pas, qu'il a plus rien en dedans et le sergent lui mettra une balle dans la tête et nous gueulera dessus pour qu'on continue à avancer et on marchera en trébuchant et en essayant de nous convaincre nous-mêmes qu'il s'est rien passé, que c'était aussi bien comme ça, qu'il était vieux et serait mort bientôt de toute façon, et qu'il connaîtra plus le froid, la faim, mais y a quelque chose au fond de moi qui refuse de le croire et tout d'un coup je ramasse ce vieux type - regardant Bobby avec une expression de surprise et d'émerveillement - je réfléchis pas à ce que je fais, ça se fait tout seul et me vlà avec un bras autour de lui et j'essaie de le traîner et un garde arrive vers moi et il me chuchote à l'oreille, effrayé, Vite, avant que le sergent le voie, vite !!! et il reste debout derrière nous pour barrer la vue et les autres font un cercle et j'arrive je sais pas comment à le traîner/ porter, il a un bras sur mon épaule et je m'y accroche, j'ai l'autre bras autour de sa taille et je sais pas comment je respire mais je respire. C'est un petit vieux tout maigre, mais il se croit encore fort et je le tiens, on continue à avancer, j'ai les mains et les bras raides, glacés, la douleur est encore plus forte que la haine et on finit par atteindre le baraquement et je le mets sur sa paillasse et les autres se couchent sur lui pour le réchauffer et il respire, son cœur bat toujours, et je suis incapable d'ouvrir mes mains ou de bouger mes bras, c'est comme si on m'avait arrosé de ciment, je suis tour raide et je reste planté là et je regarde le vieux et quelqu'un me met une couverture sur les épaules, et quelqu'un d'autre me frotte et bientôt je commence à sentir mes bras et mes mains et la douleur me fait pleurer... Oui, oui, le sang afflue dans mes mains et mes bras et j'en chiale tellement ça fait mal - Moishe leva les yeux au plafond, tout remué de souvenirs et de pensées, puis abaissa son regard et observa de nouveau Bobby, mais cette fois avec une expression douce, radieuse, débordante de compassion - et Bobby regarda Moishe, fasciné, ébahi, sans voix, avec des hochements de tête pour seule réaction - Et je comprends pas encore moi-même ce que j'ai fait. On marche, je m'aperçois que je soutiens ce vieux alors je continue à marcher - Moishe lève les bras, se radosse, secoue la tête - j'y comprends rien mais ça se passe comme ça. Et il est vivant. Il vit encore un an et puis, comme des millions d'autres, il meurt - Moishe hausse les épaules - mais peut-être que moi je suis vivant parce que je l'ai porté, peut-être que ma haine m'aurait tué avant le camp - hausse encore les épaules - enfin bref ils me frottent les bras et c'est tout juste si je hurle pas de douleur, mais ça passe et ma haine passe aussi, Oh, pas pour tous, pas pour Klaus, mais je vois les autres prisonniers différemment, quelque chose change dans ma façon de les voir. Et ils se réunissent entre eux dans le baraquement, ils chuchotent un bon bout de temps dans le coin,, et y en a 1 qui vient vers moi et il me dit qu'ils m'ont fait juif honoraire et ils me donnent le nom de Moishe, et que ce nom soit le mien et que je sois béni - Moishe écarte les bras et sourit - je les maudis, je les hais et maintenant ils font de moi l'un d'eux et du coup je suis intégré au monde qui m'entoure et je ressens... je sais pas... un sentiment nouveau - Moishe avait du mal à trouver ses mots - une proximité avec eux, que j'avais jamais éprouvée avant, comme si j'étais vraiment l'un d'eux, tu comprends, que je sois juif ou pas juif c'est pareil, on est tous des hommes, tous ensemble.
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Je me tape la tête avec les poings et je trouve personne à qui souhaiter le bonheur, je trouve personne à haïr - haussant les épaules et balayant l'air de la main - et tout ce que j'entends c'est le bruit de mes poings sur ma tête, encore et encore. Je ne sais pas combien de temps. J'arrête et je vois une flaque sur le sol et je comprends que je pleure. J'ai la figure mouillée et contractée et par terre y a une flaque. Des larmes. Toutes mes larmes.
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[ Maria, à l'hôpital, défigurée par un Jet d'acide, le visage bandé.]

La femme devinait que Maria était au bord des larmes, Eh faut pas t'en faire, t/es une brave gosse. Y vont t'arranger ça impeccab. Vraiment, tu verras, tu seras comme neuve.
Je sais pas pourquoi jsuis si mauvaise. Ma maman elle pleure, ma grand-mère elle pleure...y ont cassé la figure à mon copain et -
C'est pas ta faute, t/as rien fait, jt'assure. Jsais bien juger la nature humaine moi et jsais que t/as rien fait.
Mais tout le monde pleure-
Eh, qu'est tu crois, c'est sûr ça, une mère ça pleure quand ses gosses y sont à l'hôpital. Sûr qu'elle pleure. Y a deux ans mon dernier y a eu les amygdales, juste ici, l'étage en dessous, tu crois que j'ai pas pleuré ? Eh comment que j'ai pleuré. C'est normal petite.

(écrit tel quel...)
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la pire épouvante de la plus noire des nuits, la plus atroce des peurs de l'âme humaine, la nuit où les diables vont en liberté pour terroriser tous les promeneurs de la planète, des diables plus puissants que tous les anges du ciel, qui drapaient dans leurs affreuses capes de ténèbres, enfonçaient leurs dents pourries et leurs griffes dans sa chair brûlée pour lentement, vicieusement, l'arracher de son corps lambeau par lambeau et jeter ce corps qui ne voulait pas mourir dans les limbes du feu éternel où l'eau fraîche de l'apaisement était versée sur des rochers brûlants pour qu'elle voit son salut sans jamais pouvoir l'atteindre, cernée par des serpents de flammes dardant des langues de feu tout près d'elle mais sans jamais la toucher, sans jamais lui apporter le réconfort de la mort... et elle continuait à crier maman maman et sa peur augmenta encore jusqu'à vaincre la paralysie et
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Oui, je suis un homme de grande peine, un homme qui a très peur … oui peur. J’ai peur. Donc … c’est très simple, j’ai peur de m’attacher à ce garçon … un petit-fils (oui, le petit-fils que j’ai jamais eu) et de le voir s’en aller et d’avoir à nouveau le cœur brisé … on me l’a brisé tant de fois, oui, oui, il a été chaque fois raccommodé, mais fini le chagrin, je ne pourrai pas survivre à un nouveau coup au cœur …le chagrin, la peine …, je n’ai plus assez de lendemains pour guérir, je les ai tous dépensés depuis longtemps … Oui, oui, je sais, quand mon cœur se brise il s’ouvre, chaque fois davantage … et il y entre plus de lumière et il en sort plus d’amour, mais si j’ai pu jadis supporter la douleur, c’est fini, je n’ai plus d’endurance… mon cœur ne tient plus qu’à un fil, il bat, mais comme un vieux tambour.
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Vidéo de Hubert Selby Jr
Selby le rédempteur. Création radiophonique de Nicolas Judéléwicz et Nathalie Battus diffusée sur France Culture le 26 février 2014. Prise de son et mixage : Alain Joubert. Trente-six ans après sa parution « Le démon » d’Hubert Selby Junior (1928-2004) n’a rien perdu de sa puissance. Œuvre de contrastes violents : apparence, réalité, rêves, cauchemars, illusions, obsessions, lumière, obscurité, éclat, mort... elle révéla plus que nulle autre l’ambivalence du rêve américain confronté aux plus sombres instincts de la nature humaine... L’envers froissé en noir et blanc de l’Amérique technicolor des années 70. Le projet du compositeur Nicolas Judelewicz, est de concevoir une partition sonore, musicale, visuelle et interactive en plongeant au coeur de l’humanité brute et brutale du « Démon » d’Hubert Selby, Jr. Se glisser à la suite de son héros dans les entrailles tentaculaires de New York, univers kaléidoscopique de toutes ses dérives. Rechercher ses errances, ses marques, ses obsessions. Revivre et faire renaître les traces de son escalade dans une spirale désespérée et sans concession: de sa recherche inextinguible de plaisir, d’interdit puis de mort, à sa chute finale prévisible et inexorable.
Thèmes : Création Radiophonique| Création Sonore| Littérature Étrangère| Hubert Selby, Jr.
Source : France Culture
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