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Critique de cedratier


« La maison du Bosphore » Pinar Selek (319p, Liana Levi).
C'est, sur une vingtaine d'années après le coup d'état militaire sanglant de 1980 en Turquie, l'histoire de vie de quelques jeunes stambouliotes On suit Salih, l'apprenti-menuisier réservé, très lié à son maître-artisan ; Hasan, musicien qui rêve d'horizons nouveaux et lointains ; Elif, la fille d'un pharmacien progressiste qui a connu les geôles de la dictature, et qui, elle, choisit la voie la plus radicale de la clandestinité ; et Sema ; jeune fille qui déploie ses efforts pour entrer à l'Université. Autour d'eux, les familles, les voisins, liés ou déchirés, se débattent entre espoirs et pauvreté, rires et deuils, solidarités ou amitiés profondes et petites ou grandes bassesses, dans différents quartiers populaires d'Istanbul, en particulier à Yedikule.
Le début du roman est un peu une suite sans liens, des éclats de vie qu'on a du mal à rassembler, on peine à trouver le fil conducteur d'un scénario ; il faut donc un peu de temps pour s'habituer aux personnages et à ce rythme assez lent, toute la première partie du livre est très descriptive de la société et de ses soubresauts, ce qui en soi est quand même déjà très intéressant. Puis la dimension dramatique et romanesque s'étoffe, l'histoire de ces jeunes gens se déploie et nous emporte, on se lie à eux, à leurs amours, leurs révoltes, les désirs, leurs espérances. On partage la situation des femmes, si souvent humiliées, celle des Turcs les plus pauvres et des populations de différentes cultures (Arméniens, Juifs, Kurdes, Grecs…), qui parfois se serrent les coudes dans des climats de solidarité chaleureuse, ou parfois tombent dans la violence meurtrière des manipulations xénophobes. Et l'on voit Istanbul l'immense, l'autre personnage central du roman, une mégalopole morcelée et infinie qui bouge, parfois secouée de ses tremblements de terre, ses vielles et pauvres maisons, ses rues animées, ses petit métiers (et l'on pense à Ohran Pamuk, bien sûr). La vie y est d'autant plus dure que le « petit peuple » est assujetti à la dictature, que les aspirations à plus de justice et la soif d'ouverture sont la cible des exactions policières récurrentes.
Un livre généreux, réaliste et poignant, avec une chute délibérément assez optimiste (une utopie un peu « fleur bleue », et c'est peut-être l'autre limite de ce roman), et beaucoup de pudeur dans l'écriture : les émotions sont là mais sans voyeurisme ni excès démonstratifs. Un beau roman.
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