AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Francis Kerline (Traducteur)
EAN : 9782020813297
360 pages
Seuil (13/05/2005)
3.43/5   50 notes
Résumé :
Henry Wotton est un dandy qui use et abuse de tous les plaisirs illicites : sexe, drogue, alcool, et bons mots. Dans le studio de son ami (et ex-amant) Basil Hallward, vidéaste très en vogue, il rencontre Dorian Gray, un jeune homme d'une grande beauté. Il se propose de l'initier à toute une vie de débauche... Dorian se laisse tenter, tout en faisant le voeu de garder la fraîcheur et l'innocence de la jeunesse. Mais il y a le sida et ses ravages...
"Dorian" ... >Voir plus
Que lire après Dorian, une imitationVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Ma lecture du "portrait de Dorian Gray" d'Oscar Wilde remonte à bien trop d'années pour que je me lance dans une étude comparative mettant en parallèle cette oeuvre célébrissime et le "Dorian" de Will Self, que je viens de terminer... Et d'ailleurs, si j'ai lu ce dernier, ce n'est pas en raison de son thème ou du fait qu'il s'inspire du roman d'O. Wilde, mais tout simplement parce qu'il a été écrit par un auteur dont j'apprécie particulièrement le style et l'originalité.

Je préciserai juste que la trame de l'histoire, les personnages principaux et le déroulement de l'intrigue sont à peu près similaires : Basil Hallward, prometteur artiste anglais, réalise le portrait de Dorian Gray (1), jeune aristocrate ambitieux dont la grande beauté lui fait entrevoir de nouvelles possibilités artistiques.
Dorian rencontre par l'entremise de Basil Lord Henry Wotton, individu qui se veut cyniquement lucide, dont l'élégance naturelle et la vivacité d'esprit lui permettent de ne jamais perdre la face et d'entretenir son image de dandy désabusé. Il va en quelque sorte parrainer le jeune homme, l'introduisant dans un milieu élitiste mais en pleine déliquescence morale. Notre Apollon est rapidement enivré par le pouvoir que lui confère sa beauté et la vision hédoniste du monde professée par son mentor, qu'il s'empresse d'imiter.
Dans cet esprit, et jaloux de l'oeuvre qui le représente, car elle ne sera pas soumise aux marques du temps comme le sont les simples mortels, il émet le souhait qu'elle subisse à sa place les outrages des années... et c'est bien ce qu'il advient : alors que Dorian, en dépit d'une vie dissolue, et d'un comportement abject, garde un inaltérable physique d'ange, son double virtuel révèle les stigmates non seulement de la vieillesse, mais aussi les souillures de la débauche et de la malfaisance qui pourrissent son âme...

En transposant le mythe de Dorian Gray aux débuts des années 1980, Will Self aborde certaines thématiques que l'on pourrait qualifier d'éternelles, et que l'on retrouve par conséquent dans le roman d'Oscar Wilde (telles que le caractère éphémère mais irrésistible de la beauté, ou la poursuite de la jeunesse éternelle, par exemple), mais cette transposition lui permet aussi de jouer sur certaines des similitudes qu'il semble constater au sein de la société de ces deux fins de siècle (pour rappel, "Le portrait de Dorian Gray" a été publié en 1890). En quête de nouvelles sensations, et de de plaisirs sans cesse renouvelés, de besoin de transgression, aussi, face à un durcissement de la morale (les années 1980, pendant lesquelles Margaret Thatcher est au pouvoir, sont celles de la "révolution conservatrice" au Royaume-Uni, et les années 1890 celles de l'hypocrite "pudeur victorienne" ), les riches et oisifs anglais des classes dominantes s'adonnent à tous les excès... tout en ayant à coeur de se construire une image respectable. En même temps que l'on se drogue, de sexe, de substances diverses, de shopping, d'auto-complaisance, il est de bon ton de se montrer philanthrope pour se donner bonne conscience et étaler sa pseudo grandeur d'âme, de se faire mécène afin de prouver sa sensibilité artistique et sa capacité à être à l'avant-garde culturelle...

C'est ainsi qu'en lisant "Dorian", le lecteur a le sentiment d'évoluer dans un monde de décadence, d'immoralité, qui ne connaît ni limites ni compassion, et dont le personnage éponyme, tel un étendard, est la parfaite illustration. Tout comme, dans notre société de paraître, d'apparences, son mythe prend tout son sens.
En effet, si Will Self s'amuse à établir un parallèle entre l'ère victorienne et l'ère Thatcher, en s'appliquant à en souligner les travers, il n'en implante pas moins son récit dans son époque moderne.
En véritable éponge de son environnement, son héros absorbe et assimile tout ce qui caractérise son temps, du téléphone portable au port de la casquette à l'envers, de la consommation d'ecstasy à la fréquentation des sectes, en passant par la pratique de l'aérobic, cette nouvelle tendance importée des États-Unis et qui fait fureur...
En parfaite communion avec les dérives de sa société mais aussi représentatif de la propension de l'homme à la cruauté, à la violence, il semble concentrer en lui le pire de l'humanité, icône d'un monde sans sincérité, ni générosité, dont les maîtres mots seraient jouissance et futilité.
De même, le thème de l'homosexualité qui n'était, dans le roman d'Oscar Wilde, que légèrement évoqué, occupe dans Dorian la place qui lui revient, en accord avec le développement du militantisme gay qui, au début des années 80, s'organise et s'exprime plus fortement qu'auparavant.
Enfin, le dernier -mais non le moindre- élément du récit de Will Self, qui assoit définitivement "Dorian" dans sa contemporanéité, c'est l'omniprésence de la menace du sida et de ses ravages, qui permet à l'auteur de mettre encore davantage l'accent sur l'inaltérabilité physique et émotionnelle de Dorian, dont l'apparente santé contraste avec la pourriture intérieure, et avec la dégradation quant à elle bien visible, de ses "amis" Henry et Basil, qui, infectés, subissent l'affaiblissement et la déchéance physique liés à la maladie.

J'allais presque oublier le plus important...
N'allez pas croire que le fond du roman de Will Self le rende déprimant ou vous donne parfois envie de le refermer. Parce que comme d'habitude, il nous fait rire, par ses jeux de mots, son humour parfois cru, ou les situations invraisemblables qu'il imagine.
Un humour qui fait transparaître son mépris pour cette société du paraître où tout n'est qu'étalage, fausse spontanéité et hypocrisie... et qui fait définitivement de "Dorian" un ouvrage personnel, original, dans lequel les fans de l'auteur reconnaîtront sans peine son empreinte !

Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
Commenter  J’apprécie          10
Rappel des faits :
Will SELF s'est amusé à transposer l'ultraclassique Portait de Dorian Gray d'Oscar WILDE un siècle plus tard. WILDE y décrivait la déchéance de la fin de son siècle (le XIXème), Will SELF quant à lui raconte le Londres gay des années 80 et 90 : sexe, drogue, et sida.
Dorian Gray, garçon naïf de la jeunesse dorée de Londres, vient de prêter son corps pour l'une des installations de Basil (artiste vidéaste) : Cathode Narcissus diffusent sur neuf moniteurs en plans de plus en plus rapprochés l'image de cette silhouette nue, parfaite et langoureuse. le jeune homme, lorsqu'il la découvre, est ébloui par sa propre beauté. Il formule alors ce voeu : que l'installation vieillise et s'enlaidisse, et qu'il reste à jamais tel qu'il est aujourd'hui.

La suite sur http://interstellar-overdrive.over-blog.com/article-6393300.html
Commenter  J’apprécie          40
J'ai une passion un peu excessive pour ce roman qui se trouve être lui-même excessif : déchéance, drogue(s), sexe , cynisme, superficialité ... ; un cocktail détonnant ! le Dorian dont il est question dans le titre fait bien entendu référence "à LE Dorian", chef d'oeuvre d'Oscar Wilde (le portrait de Dorian Gray), ici Apollon évoluant dans le milieu gay anglais des annnées 80 (apparition du sida...). le pari était très risqué, c'est à mon avis une réussite totale.
Commenter  J’apprécie          50
Un remake du Dorian très glauque... Très fort également. Une vision du coté obscure de notre société ?
Commenter  J’apprécie          50
J'ai rencontré l'auteur vendredi aux Assises Internationales du Roman à Lyon. Il m'a dédicacé ce livre.
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Dorian s'arrêta sur le seuil, la hanche saillante, le visage maussade, les cheveux en bataille. Wotton se tut, percevant une présence. Les deux hommes se tournèrent vers ce nouvel Adonis, et tout fut dit en quelques regards. Leur évaluation fut chaleureuse, la sienne froide, leur réévaluation plus chaleureuse encore, la sienne glaciale. C'était le triangle attendu, le triangle éternel : Baz aimerait toujours Dorian, Wotton n'aimerait jamais Dorian mais le désirerait constamment, Dorian tromperait Baz et n'aimerait jamais personne.
Commenter  J’apprécie          60
J'ai une qualité, une seule : je hais les petites choses et toutes les grandes idées. J'exècre le soi-disant "art" du XXe siècle, je l'exècre passionnément. Qu'on roule en boule toute cette toile, toute cette peinture, ce plâtre, cette pierre, ce bronze et qu'on les jette dans la pissotière toc de Duchamp. A part quelques remarquables exceptions - Balthus, Bacon, Modigliani -, les artistes de notre temps ont été à mille lieues de la beauté ou de toute représentation significative de la forme humaine.
Commenter  J’apprécie          20
Il aimait à croire que ce qu'il cherchait dans un amant n'était ni un visage, ni une silhouette, encore moins un style. (Beurk ! Trop pouf, trop précieux, trop chiqué, trop cliché. Le style ! Ce seul mot pouvait susciter des centaines de neuvaines sur son rosaire intérieur du mépris.) Non, ce que cherchait Wotton, c'était de l'argile mortelle qu'il pût modeler et façonner jusqu'à une netteté formelle qu'il ne trouvait pas chez lui-même. Henry Wotton voulait seulement être quelqu'un par procuration.
Commenter  J’apprécie          20
Quand je t'entendais parler d'Andiii, il y a cinq ans à Londres, je pensais que ce mec et sa fameuse coterie avaient un certain charme, mais maintenant je les ai vus et ils sont aussi creux que n'importe quelle clique de vieux pédés n'importe où dans le monde. Une vieille perche flétrie, avec ses cicatrices d'acné et ses perruques de rasta blanc et son magnétophone et son Polaroid à la con, qui déblatère en zozotant sur telle ou telle célébrité : "Ouah, Dorian, tu ne trouves pas qu'il est fantastique..." Tu parles, fantastique, quand c'est juste un acteur de télé de série Z qui le fait saliver.
Commenter  J’apprécie          10
On a souvent tendance à s'intéresser davantage à l'assassin qu'à la victime. Les assassins restent toujours avec nous, n'est-ce pas ? - tandis que les victimes s'effacent sans gloire dans l'ombre et ne réapparaissent que dans la peau des éventuels acteurs qui interpréteront leur rôle pour le besoin d'une reconstitution télévisée. Reconnaissez que, faute de mieux, vous inviteriez plus facilement un assassin que sa victime à boire un verre, même si l'instinct de conservation vous incite à cacher tout objet contondant, y compris les pique-olives.
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Will Self (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Will Self
A literary and artistic meditation on the theme of night travel from two of our greatest contemporary creative talents, Quentin Blake and Will Self. Discover more of the book here: https://bit.ly/2lOpzsr
Animation: by YUKIMOTION based on illustrations by Quentin Blake
autres livres classés : romanVoir plus
Les plus populaires : Polar et thriller Voir plus


Lecteurs (110) Voir plus



Quiz Voir plus

Londres et la littérature

Dans quelle rue de Londres vit Sherlock Holmes, le célèbre détective ?

Oxford Street
Baker Street
Margaret Street
Glasshouse Street

10 questions
1047 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , littérature anglaise , londresCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..