Mes seins m'ont prise en otage. Ils ont usurpé mon identité. Ils ont brouillé le message entre le monde et moi. (p.63)
Pourquoi les autres mères sont-elles prêtes à se faire arracher un oeil pour voir leur fille danser avec l'oeil qu'il leur reste quand la mienne n'aspire qu'à me garder assise sur une chaise ? (p.35)
L'odeur de la danse classique. Qui n'est jamais entré dans une boutique Repetto ignore le parfum particulier de la danse classique fait de cuir, de bois de plancher, de Lycra, de satin, de mousseline, de fierté, de crainte et de révérence. (p.25-26)
Bien que théoriquement bipède, en pratique je tarde à me redresser sur mes pattes postérieures. Ils [mes parents] me prêtent une nature paresseuse, refusant l'éventualité que l'on puisse avoir pour mentor un chat. A cette époque charnière de ma locomotion, il me suffit de les regarder marcher pour me convaincre qu'il est préférable de rester quadrupède le plus longtemps possible. Se mouvoir en humain trahit un manque d'ambition. (p.15)
La danse classique est blanche, aristocratique et maigre. le ballet jazz est métissé, qui épouse les courbes voluptueuses de la classe populaire. La danse de rue est noire, jeune, revendicatrice et tout en muscles. La danse moderne tend à échapper au formatage, à l'apartheid morphologique, au conformisme des corps.
Les seins sont à la ballerine ce que la surdité est au musicien : une malédiction.
Avant de se rendre au cours de danse, elle descendit à la pharmacie s'acheter des bandages. Les bandages s'étaient maintes fois avérés utiles, surtout depuis qu'elle dansait sur pointes. Leur texture, mélange de fibre textile et de caoutchouc, permettait d'apporter un soutien sûr au cou-de-pied, à la cheville, au ménisque, aux muscles et aux ligaments croisés meurtris.
Toute femme en naissant s'expose à un destin mammaire inattendu. (p.37)
Mes pieds ressemblent à deux munsters qu'on aurait oubliés à la cave. (p.33)
Je sais déjà que la danse classique est le pays dans lequel je veux vivre. (p.26)