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EAN : 9782070449019
240 pages
Gallimard (16/11/2012)
3.58/5   13 notes
Résumé :
Trois mois après son retour de déportation, Manuel (le héros du Grand Voyage), revenant chez lui, en banlieue, tombe évanoui de la plate-forme du train. On le ramasse sur la voie, l'oreille déchirée, commotionné et presque amnésique. Dans l'ambulance qui le reconduit chez lui, à la clinique où on l'endort pour l'opérer, lorsqu'il se réveille, Manuel enchaîne des fragments de son passé. Le narrateur, qui est son double, projette des épisodes de son avenir. On suit ai... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Manuel tombe du marchepied d'un train en marche ; Il chute ; Il se blesse ; S'évanouit. Quand il revient à lui, sa mémoire est confuse, une voilure déchirée qui claque au vent. Deux images stagnent dans le cerveau de Manuel, deux images poétiques : la neige qui tombe et les lilas, l'odeur des lilas… Manuel est tombé du train qui le ramenait chez lui, dans sa banlieue parisienne et on murmure « a-t-il voulu se suicider ? ». Chez lui, à l'hôpital, il cherche à percer le mystère de ses deux images. Ancien déporté, il est revenu depuis peu ; sans l'écarter, ni la nier, la mort ronronne en lui ; il la câline presque, comme la seule concrétisation de sa vie. Alors il se remémore des souvenirs de sa vie passée, des fragments : le maquis, les combats, l'arrestation par la Gestapo, Buchenwald ; le reste n'a rien de tangible, presque une indifférence, une désinvolture du quotidien.
Que ce soit au bord d'un lac suisse où dans une chambre parisienne, Manuel redoute et espère ses amantes ; il redoute qu'elles l'enchaînent et espère qu'elles lui enlèvent son masque de solitude. Mais comment leur dire ? Alors, il préfère rire, boire, se moquer gentiment d'elles. Jorge Semprun dans ce beau livre limpide et léger comme un flocon de neige, parle de déracinement, d'incommunicabilité, d'amour et de perte. Les souvenirs de Manuel sont ceux de Semprun ; Souvenirs du passé, souvenirs de l'enfant espagnol déraciné, souvenirs du combattant, souvenirs du déporté, souvenir du clandestin du Parti communiste espagnol qui revient dans son pays. Et toute cette mémoire frappe fort dans sa tête, mais veut-il seulement lui ouvrir ? La dureté de la neige et la fragilité des lilas peuvent-elles panser ses blessures et angoisses anciennes, présentes et futures ?
Suffiront-elles à ne plus le faire s'enfuir dans la nuit soudain frappé d'insomnies ? Suffiront-elles à ne plus le faire glisser d'un train en marche ? Car dans ce livre la question demeure ? Manuel a-t-il voulu s'abandonner dans les bras de la mort comme dans les bras d'une amoureuse sincère et laisser son retour artificiel à la vie sur les chemins de sa mémoire...
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« Nous étions immobiles, devant les traces réapparues de cette guerre ancienne, qu'aucun de nous n'avait faite. Chacun de nous, pourtant, a remué des choses dans sa mémoire, je parie. »
Jorge Semprun, L'évanouissement ••• j'ai terminé hier L'évanouissement, livre d'une grande poésie où les époques et les traumas se catapultent, se mélangent, comme si les faits étaient toujours les mêmes, les combats menaient toujours aux mêmes douleurs.
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
On ne plonge pas, d’un coup, comme dans une eau glacée, au début du printemps, tout bêtement parce qu’on a fait le pari de se jeter à l’eau, ce n’est pas ainsi que l’on plonge dans l’univers de la douleur. Il y a des pauses, des arrêts, on vous plonge un petit coup dans la douleur, comme quand on vous enfonce la tête sous l’eau de la baignoire, et qu’on vous en retire, qu’on vous laisse respirer et qu’on recommence. Le tout est de vous faire croire qu’il n’y aura pas de fin à la douleur, qu’il y aura toujours quelque chose d’autre, après ceci qui vient de vous être fait. Le tout est de vous persuader qu’ils ont tout le temps, qu’ils peuvent rester des semaines autour de vous, à crier, à taper, à poser des questions, et à crier encore, à vous suspendre par les menottes, autant d’heures qu’il le faudra, à vous plonger dans la baignoire, à vous frapper sur le ventre à coups de nerf de bœuf, et ainsi de suite, inutile d’énumérer toutes ces sottises monotones, des semaines durant. Ils arrivent, ils allument des cigarettes, ils parlent entre eux, ils font semblant d’avoir toute la vie devant eux. C’est abstrait, bien sûr, il ne faut pas vous y laisser prendre. Ils n’ont pas tellement de temps. Chaque minute de silence qu’on leur arrache les plonge dans le désespoir, littéralement. Si vous ne parlez pas, ils ne sont plus rien, ils perdent toute raison d’être. Et même les types de la Gestapo détestent cette idée, de n’avoir aucune raison d’être. Ils ont horreur d’être projetés dans le néant par le silence de ceux qu’ils interrogent. Ils ont besoin, physiquement, qu’on parle, pour pouvoir exister, et pour pouvoir vous mépriser ensuite, afin d’exister doublement. Si vous parlez, ils ont eu raison de vous torturer, car vous étiez faible, vous ne méritiez pas mieux. Mais votre silence appelle la mort, il exige que vous disparaissiez de leur vue, de leur vie. Seule votre mort peut leur rendre le sourire, c’est-à-dire, une raison de vivre, la joie de vivre, en somme.
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C’est dans l’immobilité, au sortir de l’évanouissement, qu’on peut recevoir le poids de toute la vie passée, – vie non pas longue, mais lourde. Trop de guerres, de peurs, trop d’amours ensemble, dont tout est vrai pourtant. Encore en oublie-t-on sans doute ! Comment savoir si toute votre mémoire est revenue ? Il y a peut-être des visages qui se sont effacés, à tout jamais, ou les odeurs d’un jour de pluie, ou une lumière parmi les troncs d’eucalyptus. Perdus à tout jamais, comment savoir ? Le temps de toute une vie n’y suffirait pas.




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C’était l’échec de la Gestapo qui maintenait ouvertes les portes vers toutes les possibilités d’un monde humain. L’interprète était là aussi, cette femme blonde et grise qui ressemblait à Fräulein Kaltenbach, et dont les mains se croisaient et se décroisaient, sans arrêt, convulsivement. Elle n’avait pas grand-chose à faire, puisqu’il ne répondait pas aux questions, toujours les mêmes, et son activité principale consistait à croiser et décroiser les mains, nerveusement. Pour sa part, il cherchait tout le temps le regard de cette femme, il essayait de l’immobiliser dans son regard, chaque fois que la possibilité en était donnée. Alors, elle restait clouée sous son regard, avec un visage vide et des mains qui se tordaient, implorantes, comme si elles étaient agitées par une vie propre. L’angoisse de cette femme, visible, aidait à rendre le monde habitable. Au moment où éclataient toutes les possibilités agressives, blessantes, des objets les plus usuels, transformés en ustensiles de torture, les yeux vides de cette femme, ses mains comme des mouettes affolées, introduisaient dans cet univers tournoyant, fermé sur lui-même, une blessure humaine, une chance réelle, peut-être très mince, mais réelle, d’ouverture de ce monde, de destruction de ce monde.
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La neige ne peut se trouver que dans sa mémoire, même s’il a l’impression parfois de la voir flotter brumeusement, dans la chambre, même s’il lui semble s’enfoncer par moments dans la douceur crissante des forêts enneigées. En réalité, s’il faisait un effort pour savoir, il saurait bien que la fenêtre grande ouverte donne sur le mois d’août.
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Les endives braisées, aussi, sont évidentes. C’était la première fois que nous en mangions, mon frère aîné et moi. L’amertume des endives braisées. En Espagne, les endives étaient inconnues, à cette époque dont il est question, tout au moins. Elle nous parlait, pendant le déjeuner, au wagon-restaurant. Voilà. Elle avait un léger accent américain, c’était bien la mère de Gouverneur Paulding. Ainsi, je peux supposer qu’elle était venue, ce matin-là, de Ferney-Voltaire, pour prendre le train à Genève, avec nous, et nous accompagner à Paris. Elle s’était levée tôt, dans la grande maison de son fils, Gouverneur Paulding, à Ferney.
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