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Critique de Pois0n


Avec un résumé pareil, en théorie, Célibataire à New York n'était pas pour moi. Mais, il y a un an, je me laissais plus facilement tenter par ce qui sortait de ma zone de confort... surtout à 5€, il faut bien l'avouer. Ce bouquin serait-il celui de ma réconciliation avec la chick-lit ? … Potentiellement, mais pas complètement.

En général, il y a une chose que je reproche au genre : le côté superficiel à outrance, aussi bien dans les personnages que le ton du récit, comme si le lectorat était parfaitement neuneu et ne se souciait, lui aussi, que de la couleur de son vernis à ongles. Et voilà que tu te retrouves noyé sous des noms de marque dont tu n'as jamais entendu parler de ta vie (en même temps, toi, tu t'habilles en friperie une fois l'an), en compagnie de protagonistes dont la vie se résume à sortir entre copines en sifflant des cocktails.

Eh bien ici, bonne nouvelle, on n'a pas ça. du moins pas à outrance. Un peu, certes, mais pas au point que ça devienne gonflant. Oui, il y a bien quelques noms de marques ou de « célébrités » (tellement célèbres que seuls quelques noms te parlent), mais l'accent est plutôt mis sur la double intrigue.

D'une part, il y a les péripéties de Jane pour se trouver un cavalier à amener au mariage ultrachic de sa cousine. La voilà à s'embarquer dans une série de blind dates complètement foireux avec les premiers mâles que ses amis ont pu trouver, dans l'espoir, peut-être, que l'un d'entre eux devienne son petit ami. Ça vous semble absurde ? Rassurez-vous, à moi aussi. Mais l'on comprend rapidement que dans le New York un peu friqué, les apparences comptent avant tout, surtout quand tout le monde vous rabâche que votre date de péremption approche à grands pas. Dans le fond, Jane veut juste avoir la paix... enfin, elle aimerait bien trouver l'amour aussi, et c'est précisément ce qui lui complique la tâche.

A côté des réunions pour le mariage de Dana et des rendez-vous arrangés qui font ressortir le pire de Jane, son travail occupe une place centrale dans le récit et le rend particulièrement intéressant. Chargée de superviser la rédaction de l'autobiographie à scandale d'une demi-célébrité, Jane effectue un boulot d'éditeur à part entière, même si son statut et son salaire ne sont que ceux « d'assistante ». Ayant elle-même été éditrice avant d'être autrice, Melissa Senate nous dévoile la genèse d'un manuscrit « sur commande », marketé auprès des médias avant même que le premier chapitre ne soit bouclé. Réécriture, annotations, on suit les nombreux allers-retours du manuscrit jusqu'à ce qu'il soit bon pour la publication, tandis que Jane apprend à mieux connaître celle qu'elle n'a jamais apprécié et dont elle devient, involontairement et contre son gré, la confidente.

Car autant le dire tout de suite, Jane n'est pas une héroïne sympathique, pouvant même à l'occasion se révéler franchement irritante et d'un égoïsme crasse. Alors oui, le contexte socioculturel dans lequel elle vit n'y est pas pour rien, et parfois, les reproches de son entourage, à peine moins nombriliste, sont totalement infondés. Mais, globalement, Jane ne se soucie pas du tout des autres, non seulement prompte à les juger aussi vite qu'eux-mêmes le font à son égard, mais surtout focalisée sur ses problèmes à elle. Et hypocrite : au lieu de dire franchement que ce mariage la fait chier, elle serre les dents et tire la tronche, assistant à des préparatifs dont elle n'a rien à faire, quitte à pourrir l'ambiance. Certes, sa tante et sa grand-mère ne sont pas des gens que l'on contrarie facilement et n'ont en outre pas un mauvais fond, mais bon...
D'un bout à l'autre du récit, on ne sait donc pas trop quoi penser d'elle, la comprenant à certains moments, ayant envie de la baffer dans d'autres. Mais, au final, n'est-ce pas ce côté perfectible, voire détestable, qui la rend crédible ? N'avons-nous pas, tous, nos petits moments d'égoïsme ? Jane est certes superficielle et ultra-égocentrique, parfois par maladresse ou inconscience, la plupart du temps tout à fait volontairement, mais peut-on vraiment le lui reprocher, à elle qui vit dans une boîte à chaussures dont le loyer coûte un rein, tout en subissant une pression sociale de dingue ? Peut-être, peut-être pas. Une chose est sûre, la vie à New York ne fait franchement pas rêver, malgré les bagels et le pastrami à foison.

Au final, si la personnalité de Jane gâche un peu l'ambiance, son parcours se suit malgré tout avec plaisir, entre rendez-vous calamiteux, progression de la biographie et galères de sa copine Eloïse. Petits mensonges, agenda surchargé, problèmes de tabagisme, amitié naissante... Les chapitres, alternant entre la quête d'amour de Jane et son travail, s'enchaînent avec fluidité. Alors non, on n'échappe pas au shopping. Ni aux clichés (surtout pas aux clichés). Mais, quelque part, la plume de Melissa Senate a un petit quelque chose d'accrocheur. de poétique, même, à l'occasion. En tout cas, on échappe à la fausse légèreté si agaçante dans le genre : ici, les personnages sont plus pathétiques et paumés qu'autre chose. L'humour n'a pas vraiment sa place, contrairement à la misère affective. Et c'est ce qui rend Célibataire à New York efficace. Même (surtout ?) quand on n'aime pas la chick-lit.
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