Vraiment une belle découverte, l'idée de faire le lien entre la création et se devenir est bien démontrée.
Commenter  J’apprécie         10
Ma famille
Bien souvent je me suis dit que je ne pouvais pas tomber dans une meilleure famille pour réaliser ma tâche.
Ma mère est née à Beuzec-Cap-Sizun, à la fine pointe de cette bonne terre bretonne où les marins partaient au risque de leur vie. D'une famille de douze enfants, elle a dû la quitter très tôt pour supprimer une bouche à nourrir.
Je ne l'ai jamais entendue parler de son enfance sans pleurer. Elle regrettait tellement de n'avoir pas pu aller à l'école. Je porte encore sa blessure. Cependant, je la voyais lire Rimbaud et écouter Bach tous les matins. Elle avait un goût très sûr de la belle écriture et de la bonne peinture. Elle rayonnait devant la beauté. Elle m'a donné cela en même temps qu'une grande exigence et la force de son pays. Mon père venait de Nice, d'une famille plus aisée. Il a adouci le granit breton. Féminin, sensible, romantique, il voulait être chanteur à l'opéra. Il a fini à la SNCF. J'ai toujours été bouleversée de ce chemin détourné et me suis juré - dès l'âge de 6 ans - d'apaiser son grand passage et lui redire combien il avait été un homme bon et droit. Ce que j'ai fait. Mais son renoncement a été le tremplin de mon engagement.
Mon frère, de deux ans et demi mon aîné, a lui aussi orienté ma vie. Il n'était en rien comme les autres. Très tôt pris par la peinture et les grandes questions de la vie. Timide, entier, profondément authentique, peu habile à jouer dans le monde, il m'a ouvert aux questions de la souffrance et à ce mystère qui fait un artiste.
La poésie me sauve
La vie est généreuse
Dans cette détresse solitaire de l'école surgit Victor Hugo. J'ai 8 ans, j'apprends Petit Paul par coeur. Je mange les mots, je les mâche, je les déclame. C'est une vraie nourriture. Un être humain m'a rejointe, dans un monde sans nom, un monde où je respire large. Je goûte à une plénitude. Ma soif de l'inconnu prend doucement corps. D'autres y sont allés. Donc, ça existe.
Une scolarité désastreuse
À partir de la 6e, l'école a été une catastrophe : mauvaises notes, conseils de discipline, exclusion et j'en passe.
Construction d'une mauvaise image de moi, trouble culpabilisant, jamais léger. En même temps, la perception vive qu'il y a autre chose derrière le théâtre humain dans lequel je ne sais pas toujours jouer moi non plus.