J'avais longtemps délaissé la littérature canadienne et je me suis rattrapée, d'abord avec
Patrick Senécal, puis avec un autre dont je vous parlerai ultérieurement.
Nous suivons donc Yannick, d'abord à vélo, puis par terre où le jeune homme choit après avoir voulu éviter un chat, c'est déjà moins exaltant, surtout s'il nous vient l'idée saugrenue de nous faire recueillir par une famille pas comme les autres, mais bon, nul ne peut prévoir ce qui se passe derrière une porte close. En l'occurrence, la famille qui vit au
5150 rue des Ormes est tellement accueillante qu'elle vous adopte de suite. Ah oui, Jacques et Maud sortent vraiment de l'ordinaire, c'est juste vous qu'ils ne laissent plus sortir.
Peu d'auteurs arrivent à nous tenir en haleine dans un huis-clos, surtout sur près de 370 pages. L'auteur relève brillamment le défi en nous proposant un roman qu'on ne referme qu'après l'avoir fini.
L'atmosphère est anxiogène au possible, on en oublie presque de respirer. Nous traversons toutes ces épreuves avec lui, au-travers d'un journal intime, donc bien entendu rédigé à la première personne du singulier. Bingo, on est dans la peau de Yannick et on observe les agissements de ses tortionnaires. Ses émotions nous transpercent, entre sa colère, sa rage, ses espoirs de trouver une issue, son désespoir de n'en pas trouver qui le font plonger dans des abîmes de détresse bien compréhensibles.
Mais Maud aussi écrit son journal, ce qui nous permet de comprendre les raisons pour lesquelles elle est aussi soumise à son mari, véritable marionnette et prisonnière aussi, quand on y réfléchit. Ça n'excuse pas tout, certes, mais voyager dans son esprit est un sacré périple également, et quand Jacques sombre dans la folie, elle n'a pu que le suivre, aussi inconcevable que ce soit. Mais bon, s'étant mariée très jeune, fortement marquée par la religion, elle a juste changé de dieu si l'on peut dire. Quant aux deux gamines, elles ne sont pas en reste, mais n'ont rien connu d'autre, donc...l'une est violente, l'autre muette.
Les passages sur la partie d'échecs sont particulièrement réussis. Seul moyen pour Yannick pour sortir de là, la gagner. Heureument que ce n'est pas à moi que c'est arrivé, parce que mon niveau aux échecs... bref passons. En tout cas, ce jeu prend vite une place prépondérante dans le récit, et curieusement, des liens entre les deux hommes se tissent. Yannick en est tellement obsédé qu'il ne cherche même plus à s'échapper. Il veut gagner la partie. Il n'y peut rien, ça l'obsède.
Un livre qui doit être lu, donc. Pas de temps mort, un suspense et une ambiance à couper au couteau, un final magistral... Il faut un moment pour s'en remettre et c'est quelque chose que je dis rarement. À dévorer de toute urgence si vous ne l'avez pas lu.