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Critique de gruz


gruz
19 novembre 2015
Bienvenue dans un spectacle que vous n'êtes pas prêt d'oublier. Bienvenue dans l'univers de Patrick Senécal et son thriller qui s'appuie sur le concept trash d'une émission de télé-réalité. Bienvenue dans le vide. Attendez-vous cependant à avoir des difficultés à vous en extirper…

Difficile effectivement de ne pas être marqué au fer rouge par cette lecture. Les sujets sont ambitieux, la manière de les traiter intelligente, le résultat particulièrement dérangeant. L'auteur se penche sur le phénomène de la télé poubelle pour mieux mettre en lumière les dérives de notre société.

Quelle belle idée de la part de Fleuve Éditions de mettre enfin en avant cet auteur québécois hors-normes et de proposer des versions européennes de ses romans les plus marquants (Le vide date de 2007, avant cette version européenne de 2015).

Le concept qui sert de trame au roman va au bout du bout de ce que pourrait proposer une émission de Télé-réalité. Sans limite. Les participants sont invités à donner vie à leurs rêves les plus fous, quitte à exploser toutes les frontières de la décence ou celle des règles établies.

Les gens vont-ils en profiter pour rendre le monde meilleur ? Pensez donc… Patrick Senécal met en mots des rêves qui sont des sommets de futilité, avec ces « stars de quelques minutes » en quête de sens dans l'éphémère (selon les propres termes de l'auteur). Cette émission de télévision n'est pourtant que le détonateur d'une intrigue explosive qui, par sa densité, prend le lecteur littéralement à la gorge.

L'auteur va loin, très loin. Si loin même, que parfois on pourrait penser qu'il dépasse les bornes. Et pourtant non ! Chaque excès, chaque outrance se trouve justifié par la suite du récit, toujours.

Clairement, voilà bien le genre de roman à ne pas mettre entre toutes les mains, tant la violence et le caractère explicite de certaines scènes peuvent choquer. Mais rien n'est gratuit, tout contribue à mieux comprendre ce que véhicule l'histoire et ce que ressentent les personnages.

Je sors littéralement vidé de cette lecture, en état de sidération. Paradoxalement, j'en sors plein à ras bord, également. Plein de réflexions, de doutes, de colère, de dégoût, de troubles, d'abattement, de questionnements, d'engouement…

Combien d'auteurs et de romans ont été capable de me mettre dans un tel état à la fois de stress, de découragement, d'enthousiasme et de malaise ? Ces dernières années, ils se comptent sur les doigts des deux mains.

Patrick Senécal prouve magistralement qu'on peut évoluer dans le domaine du thriller en poussant loin les émotions ET les réflexions. A lire la 4ème de couverture, on pense imaginer facilement la direction du récit. Mais non, oh non, oubliez vos idées préconçues, vous n'êtes pas préparés à ce qui vous attend.

La taille du texte en dit long sur l'ampleur de l'intrigue (830 pages). Les premiers chapitres achèvent de vous plonger dans un état d'incertitude totale. L'auteur a en effet volontairement « détruit » la construction de son roman pour mieux la reconstruire, les chapitres étant proposés dans le désordre. Une déconstruction à l'image de notre société qui détruit ses valeurs au profit d'un individualisme forcené.

Laissez-vous guider par la main experte de Senécal qui, malgré ce parti-pris audacieux, jamais ne vous perdra en chemin (il a écrit lui-même ces chapitres dans le désordre, comme des flashbacks).

En matière de spectacle, Patrick Senécal propose de l'inédit. Il joue à l'artificier sans se brûler les doigts, avec une maîtrise, un talent et une dextérité qui force l'admiration.

Il faut dire que sa manière de procéder est tellement dérangeante qu'on ne peut pas lire ce thriller uniquement comme un simple divertissement. Oui, l'aspect ludique, le rythme soutenu et les expressions québécoises savoureuses (même si le roman a été européanisé) contribuent à rendre distrayante la plongée dans le vide.

Mais le panel d'émotions fortes est tellement étendu que vous risquez de vous sentir comme au sortir d'une machine à laver, programme essorage réglé au maximum.

Ce livre fait mal, il heurte par sa noirceur, par ses idées. Quelque part il est salvateur aussi, comme pour arriver à survivre malgré tout. Il est exceptionnel, ça c'est certain. le spectacle doit continuer (mais lequel ? c'est à nous de voir)…
Lien : https://gruznamur.wordpress...
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