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Le Vide" de
Patrick Senécal - La chronique au bord du gouffre...
Avec "
Le Vide", on se sent happé dans un univers tourbillonnant, un abysse sans fond. C'est une expérience aux confins de la folie que nous délivre un
Patrick Senécal qui pète la forme.
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Le Vide", c'est tout d'abord une intrigue très originale dans l'approche, encore plus quand on sait qu'elle a été écrite en 2006. C'est aussi un roman visionnaire.
Pas simplement parce qu'il parle de l'abrutissement des masses qui regardent des programmes mornes, putassiers et sans intérêt (mais je ne serai pas celui qui jette la première pierre, ça m'arrive aussi) mais surtout pour le chaos et la violence qu'il décrit et qui renvoient à des faits d'actualités qui ont marqué ces derniers mois au fer rouge. C'est bluffant !
Un vrai phénomène de société décrypté et annoncé tel une pythie moderne par l'écrivain inspiré.
C'est ensuite un style enflammé, puissant, hypnotique qui nourrit un besoin de beauté absolue. Avant l'histoire, ce sont les mots qui secouent le lecteur. Qu'ils soient drus, qu'ils soient crus. Car en plus d'aligner de jolies phrases, quand il parle de cul, et il en parle,
Senécal appelle un chat un chat et une bite une bite. Oui... Et c'est chaud !
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Le Vide" est une (dé)construction hallucinante, un vertige vers le néant qui s'esquissent sous nos yeux. L'auteur renforce la désorientation du lecteur avec un chapitrage qui paraît aléatoire (évidemment, ce n'est pas le cas), en démarrant par le chapitre 21, et dont les numéros résonnent comme une perte des sens troublante.
Ce sont des personnages qui sortent de l'ordinaire, en souffrance, scarifiés de fêlures disgracieuses, qui suffoquent. Peut-être un peu trop d'ailleurs...
Mais c'est avant tout un récit captivant qui va t'embarquer. Toi, puis toi et toi aussi là-bas, te planque pas. On t'a vu ! Il va t'embarquer aussi ! Y a pas de raison ! Fais pas le malin !
Après, le roman n'est pas exempt de défauts. Certaines scènes et certains personnages sont assez répétitifs, la dépression suinte dans les pages et est très (trop ?) communicative. À ne pas lire si tu viens de te faire plaquer ou de perdre ton boulot.
Cependant, il est à recommander parce que ne pas le lire, ce serait louper une expérience livresque hors du commun, ce serait passer à côté d'un grand auteur, ce serait se priver d'un moment inédit. Et ça, c'est pas possible les ami(e)s. 3,5/5