Un homme a été tué dans une rue, comme il se doit une enquête est diligentée mais voilà nous ne sommes pas dans n'importe quel pays mais en URSS, à Moscou dans les années trente et c'est un apparatchik qui a été assassiné. Dans un pays totalitaire la mort d'un dirigeant ne peut pas être un meurtre ordinaire, pour ce régime construit sur la paranoïa le coup vient forcément de haut et participe d'un complot. le système répressif étant parfaitement rodé et les années trente celles des grandes purges, la machine à broyer se met en route immédiatement.
Dans ce roman rude et austère
Victor Serge décortique les mécanismes impitoyables qui poussent l'état stalinien à dévorer ses meilleurs enfants. Car ce sont des vieux combattants du bolchévisme qui sont suspectés, si tout innocent est un coupable qui s'ignore les anciens sont encore plus suspects : ils ont connu
Lénine, ils ont côtoyé Staline et ses manoeuvres et ont compris les dérives du système, leur existence même est un danger.
Serge aligne les portraits, les parcours de ces hommes qui sont des durs, certains ont les mains sales car ils ont été bourreaux avant d'être victimes, ils ne sont pas surpris ils savent ce qui les attend. Il ne sert à rien de se défendre, de faire valoir des états de service, l'étape ultime sera l'aveu car tous avouent, même les crimes les plus invraisemblables. le moyen suprême est de les convaincre qu'ils sont coupables pour le bien du Parti, le contester serait donner raison à la contre-révolution et trahir ce qui a fait le sens de leur vie.
On ne peut s'empêcher de rapprocher ce tableau affligeant du totalitarisme stalinien de celui du dictateur Poutine, comme pendant l'URSS les systèmes policier et judiciaire d'aujourd'hui sont aux ordres, arrêtent et condamnent sans vergogne et la population endoctrinée assiste à ces crimes sans émotion.
Lecture tristement instructive qui demande des efforts au lecteur car si la langue de
Victor Serge est élégante, l'atmosphère du roman est irrespirable et déprimante. Même si parfois on rirait devant tant d'absurdité ubuesque.