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EAN : 9782020564755
202 pages
Seuil (17/11/2002)
4.11/5   14 notes
Résumé :

Les enfants de la rue, déjà acteurs principaux de Messaouda, forment le second roman de Serhane. Mais après l'indépendance, les maux du Maroc se sont accentués. Le chômage, la répression policière, la corruption des administrations ne font qu'aggraver les inégalités. Deux amis, le narrateur et Rahou, décident de s'exiler : l'un va en France, l'autre part avec sa mère répudiée. Lorsque, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Abdelhak Serhane retourne (et nous ramène) dans son village natal d'Azrou après plusieurs années d'exil. Les lecteurs de son roman précédent « Messaouda » reconnaitront facilement les lieux et les gens. C'est comme si la ville était restée intacte toutes ces années… ou presque. Maintenant, dans « Les enfants des rues », le narrateur retrouve sa famille, puis recherche son ami d'enfance Rahou. le roman est comme une longue lettre qui lui est envoyée.

D'abord, plein de souvenirs font surface. Et un peu de nostalgie, car mêmes les moments les plus durs se déguisent en « bon vieux temps ». Ces rues étroites, celles qui l'ont vu grandir, celles qui ont été témoins des amitiés nouvelles qu'il forgeait, elles n'ont pas changé. Quelques personnages sont toujours là, dont le fameur Fakir, qui se plait à remémorer à qui veut l'entendre cette époque révolue. (Ce roman raconte plus en détails certains événements du roman précédent qui étaient évoqués mais pas complètement expliqué.) Quand on y pense, on commence à se rappeler : pauvreté, traditions, religion, sexualité…

Puis la réalité frappe de plein fouet : chômage – la prospérité promise n'est pas au rendez-vous –, éducation insuffisante, répression policière, corruption. Les problèmes d'antan, de l'époque de l'indépendance, sont encore très présents au milieu des années 1990. « Les enfants des rues étroites » dénonce un peu cette situation sans issue dont les jeunes Marocains semblent être prisonniers.

Donc, il s'agit d'un roman engagé ? Il faut le croire. Dans « Messaouda », même si l'auteur racontait des situations difficiles dans un langage parfois dur, la magie d'un roman d'apprentissage restait présente. Mais son style a décidément évolué, maintenant, je le trouve plus acerbe, percutant, voire décapant, presque violent. Abdelhak Serhane me semble de plus en plus la voix d'une génération désabusée. Et ce n'est pas du tout une mauvaise chose.
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Les enfants des rues étroites ce sont les enfants pour lesquels le soleil ne brille et ne brillera jamais.
Le narrateur adresse une longue lettre, une sorte de monologue à Rahou son ami d'enfance, un monologue entrecoupé de scènes familiales marquantes et de retours dans le passé qui permettent de reconstituer le kaléidoscope de la vie des petites gens dans une petite ville marocaine.
Au fur et à mesure de petites scènes de la vie, vue par les yeux des deux gamins, Abdelhak Serhane y dénonce la corruption des plus forts, la misère des plus faibles, la répression policière et au delà du portrait d'une famille dans une petite ville marocaine, il dresse le constat plus large de la société marocaine dans le milieu des années 90, sous le règne d'Hassan II, un constat aussi fort et violent que l'amour qu'il éprouve certainement pour son pays dont il a dû s'exiler...
Le style est concis violent souvent cru tant dans le vocabulaire que dans les scènes décrites et toujours décapant, et je me demande si l'auteur écrirait le même roman aujourd'hui, la situation, les mentalités ont-elles évolué, l'espérance a t-elle remplacé le découragement et la fatalité ?
Un roman coup de poing loin du folklore et de la carte postale.
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Dans les rues étroites d'Azrou au Maroc, ça sent la canelle, le musc et le thé à la menthe, l'ambre ou le bois de santal. Pourtant, la vie n'y est pas toujours facile car les enfants de ces rues ne voient jamais le soleil. Nombreux sont ceux qui veulent obtenir un visa pour la France, alors quand Sid El Haj El Barakat vient au village, moyennant un peu de bakchich, il va bien nous dégotter le graal. On peut lui faire confiance, c'est un homme de parole et d'honneur. Oui mais j'ai déjà payé et je ne vois rien venir. Alors Sid El Haj m'explique que ce que j'ai déjà versé, c'était pour préparer le terrain, qu'il va falloir que je débourse bien davantage mais qu'une fois en France, avec les salaires en vigueur, il ne suffira que de quelques mois pour me remettre à flot.
On emprunte à l'épicier et au boucher pour que Sid El Haj ne manque de rien le temps de son séjour, on s'ennuie dans les bars en attendant le verdict à regarder les danseuses faire leur show dans la moiteur de l'été pour oublier un peu notre misère.
Au milieu du mensonge, de la corruption et de l'hypocrisie, chacun cherche sa place au soleil. Et quand le muezzin annonce du haut de son minaret l'heure de la prière, on remercie Dieu pour cette vie de malheur et on attend des jours meilleurs.

« Nous sommes les enfants des rues étroites ! le soleil ne se lève pas de ce côté-là ».
Le Maroc, comme si vous y étiez.

Challenge Multi-Défis 2024.
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C'est un livre magnifique, écrit par le meilleur auteur marocain contemporain.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
- Il est des jours où je ne sais pas parler, où je ne sais pas penser non plus. Je ne suis qu'une parole, pas un faiseur de miracles. J'ai, au fond de moi, des mots pour dire l'exil et la nostalgie, pour raconter les blessures dites ou non dites d'une histoire sombre, sans visage. La mort n'est pas mon domaine. Votre problème est compliqué, car c'est le problème de tout le monde. Et vous refusez de ressembler au commun des mortels. La peur bleue du lendemain hante les esprits fermés au sourire. Je suis une parole dans un corps multiple, à la mémoire absente et à l'histoire déchirée. Votre problème! Supprimez tout le monde : comme ça, il n'y aura personne pour vous rappeler votre propre mort. Rester seul. Oublier la mort puisqu'il n'y aura plus de morts à attendre. Resteront l'angoisse, la solitude et la culpabilité! Je suis une blessure dans les mémoires, le regard chargé de haine et de quelques images flottantes. Mon corps usé, enfermé dans une peau étroite, devine l'avenir tracé en pointillés sur une terre sans visage, sans nom et sans histoire...
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La liberté coutait cher. Mais rien ne pouvait faire reculer ces hommes [les Marocains] qui avaient cessé de penser à eux le jour où leur décision avait été prise. Leur espoir? Permettre à leurs enfants de voir le jour dans un monde où le soleil se lèverait pour eux, où les oiseaux chanteraient, où les étoiles vrilleraient pour eux. Avec leur foi et leur courage, ils avaient dit «ça suffit» au Pouvoir colonialiste. Et le pouvoir avait répondu par un des crimes les plus sanglants de toute l'histoire coloniale. «Ce n'était pas aussi grave qu'en Algérie, répétaient des voix. Il ne fallait tout de même pas exagérer.» Et moi, je demande : centaines ou milliers de morts, où est la différence?
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Dans les spéculations théologiques et arithmétiques du père directeur, l'Intelligence suprême qui gouverne l'univers au moyen de l'harmonie des nombres ne renonce pas, elle non plus, à sa fureur vengeresse. Tout comme Darwin, abattu par la mort de sa petite fille, ou Nietzsche pourri par la syphilis et la folie, ou l'empereur Dioclétien dévoré par des ulcères pestilentiels, Gagarine l'impie attendait lui aussi son châtiment : lui qui avec un tel orgueil se vantait d'avoir piloté un vaisseau spatial depuis lequel il n'avait pas vu Dieu est mort l'an passé dans un accident d'aviation, brûlé vif entre les tôles ardentes de son avion de chasse.
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Ton père avait onze ans à l'époque et aucune possibilité de penser à son avenir. Anticiper est d'ailleurs un blasphème. L'avenir appartient à Dieu seul. "Tu n'iras que là où Allah voudras bien que tu ailles."
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Ma valeur d'Homme, ma valeur d'Arabe, ma valeur de Musulman, je l'avais entre les jambes. Quant à mes sœurs, c'était "l'honneur de la famille" qu'elles portaient entre les jambes. La virilité pour les uns, l'honneur pour les autres. Nous avions chacun une tâche précise à accomplir, une limite à respecter, un engagement à remplir, une corvée à trimbaler toute notre vie comme une dette, une vertu, un privilège, une servitude, une corvée de honte et de fierté mélangées.
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