Au tour du babéliote Steka de recevoir mes modestes remerciements, même si ceux-ci concernent davantage son activité « listique » sur un site concurrent, dont les listes, justement, en sont le coeur d'activité. Bien utilisées et couplées à de bons moteurs de recherches, elles sont de redoutables remplisseuses d'étagères…
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De ce livre, il faudrait commencer par parler de son format : amoureux des livres, on a normalement déjà eu un ouvrage de chez Allia entre les mains. Petit format (17cm x 10cm), beau papier, police sobre et élégante, quatrième de couverture réduite à une seule phrase, etc.
Il est donc très surprenant de recevoir cet exemplaire passé à l'agrandisseur, comme une anomalie d'échelle sortie de la cuisine du géant… Ces 14x22 cm ne leur vont guère, ils ont bien fait de l'abandonner (horreur ! il y avait même une quatrième de couv' classique…).
(commentaire mi-sérieux, mi-goguenard, étant moi-même partagé entre admiration, et agacement, devant chaque geste qualifiable de « snob »…)
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Bon, mais le contenu de ce livre ? Hé bien, je suis un peu embêté, les histoires de non-amour entre les sexes du type « fuis-moi je te suis, suis-moi je te fuis » me sont malheureusement trop familières pour y prendre un réel plaisir. Ce fonctionnement est tellement central dans ce que certains dénomment le « bug humain », qu'un grand nombre des problèmes qui agitent nos sociétés shootées à l'énergie carbonée y plongent leurs racines, oubliant souvent de quels bois ils sont faits, recouverts qu'ils sont de peinture aux reflets violets.
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Suis-je en train de pécher par anachronisme ? Sûrement, mais c'est à dessein, car cette Tigresse représente bien une forme de modernité, une femme libre et dominante (dominatrice !) dans les Années Folles, rare exception exposant, par miroir déformant, l'ignoble déséquilibre de l'époque, l'inassouvissement comme moteur de pouvoir…
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Car l'intrigue « petit escroc - demi-cocotte » n'est qu'une toile de fond du livre, négligée et sans objet, l'auteur ne s'intéressant réellement qu'à la partie de dupe amoureuse entre Bichette et Fec, saturant ses pages de dialogues en non-dits dans un capiteux nuage de désir.
Employant l'argot titi-parigot de l'époque, le traducteur aurait pu aisément se passer de ses irritants astérisques marquant les mots « en français dans le texte », tant ils se répètent…
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Ce livre reste donc une curiosité, unique roman d'un des fondateurs du Dada, développant l'univers interlope auquel il restera attaché dans l'écriture de ses nouvelles.
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Personne ne savait exactement de quoi il vivait. C’est précisément la condition à remplir pour qu’on vous prenne au sérieux, à Paris, dans la haute ; mais le fait qu’on ne vît Fec ni au jeu, ni en compagnie manifeste de quelque créature, bref qu’on ne le vît jamais dans ce genre de situation qui vous livre malgré tout certains indices concernant d’éventuels revenus, avait pour lui la conséquence, fâcheuse en général, de n’être pas pris au sérieux. De taille, et partagée, telle fut donc la surprise lorsqu’on vit soudain Fec au bras de la jolie Bichette, qui l’entourait en public de tous les signes de ses féroces faveurs. Et au bout de quelques jours il ne subsistait plus aucun doute, l’incroyable s’était produit : Bichette avait trouvé son maître, Bichette, la Tigresse, était domptée.