Je n'avais pas prémédité mon inscription pour cette session de masse critique, étant dans l'ignorance de l'événement jusqu'au dernier jour. C'est la couverture de cet ouvrage qui m'a décidé à tenter ma chance. Ce mercredi 7 novembre je n'ai pu résister à cette belle poule au plumage gris bleu et l'oeil rond qui trahissait son inquiétude, avec raison, puisqu'un renard au regard concupiscent semblait faire des projets de repas. À n'en pas douter, elle devait se méfier.
Je dois préciser, afin de donner encore plus de poids à mon coup de coeur que je ne suis absolument pas un lecteur de littérature jeunesse, mais davantage un amateur d'art graphique. La première page faite d'un entrelacs de ronces garnies de petits fruits comme des lampions évoque l'Art Nouveau. Dans les ailes de la poule j'ai deviné les vagues d'Hokusai. C'est sur ce terrain-là que la rencontre s'est faite avec Juco l'illustratrice.
Dame poule n'a pas de petit nom. Elle aurait pu se nommer Provence ( bleu bleu bleu ♫♫ le ciel de Provence ♪♫) mais le scénariste
Gaëtan Serra a préféré dire une poule, logique implacable pour la compréhension d'un enfant de 4 ans.
Donc une poule va se promener en forêt : imprudence !
Un renard lui barre la route, un autre à l'arrière lui coupe la retraite. Que faire ?
La poule est loin d'être idiote, elle va le prouver en mettant les deux renards en compétition.
Pendant qu'ils palabrent pour déterminer lequel des deux sera le premier à la manger (l'un étant plus maigre) la poule en profite pour s'éclipser et laisser les deux indécis comme deux ronds de flan.
Je me suis interrogé sur la morale de l'histoire. Les deux renards voulant être courtois l'un envers l'autre, ils sont finalement deux imbéciles. J'espère que l'enfant ne fera pas ce constat : le loup de la fable
De La Fontaine était plus efficace et de conclure que la raison du plus fort est toujours la meilleure.
Mais revenons aux dessins de Juco.
De nombreux animaux assistent à la scène.
Sur une branche (en contre plongée on aperçoit la poule prise en étau entre les deux goupils) maman écureuil fait rentrer ses petits (la curée n'est pas un spectacle pour les enfants). Sur le même arbre, maman oiseau, inquiète dans son nid, protège son enfant de ses ailes.
Tournons la page pour découvrir un groupe de souris vertes (comme il se doit - ♫ une souris verte ♪♫ qui courait dans l'herbe) étonnées de l'audace de la poule qui entame un dialogue, au lieu de fuir, avec ses agresseurs.
Deux pages plus loin deux crapauds sur une feuille de ronce, beaucoup plus zen que les souris, contemplent stoïques les échanges verbaux.
Sur un autre tableau ce sont trois lapins aux premières loges du spectacle, à l'arrière trois hérissons protestent de mal voir.
Une autre page nous montre un blaireau demandant le silence à des perturbateurs invisibles (je me suis bien demandé qui faisait Pia Pia Pia Pia).
Sur le seuil d'un trou d'arbre, les bras croisés (comme deux boutiquiers devant leur magasin) des écureuils osent un pari (dix noisettes sur le maigre) alors que deux passereaux sur une branche conseillent à la poule de s'envoler.
Dans leurs certitudes de faire un bon repas les deux renards imaginent des recettes, enflammant leurs esprits à l'évocation des légumes indispensables pour réussir une bonne poule au pot, alors qu'au-dessus de leur tête dans un arbre mort, deux volatiles ( Sitelle torchepot ?) semblent étonnés que l'on puisse se régaler de carottes ou de navets.
C'est ainsi que la poule s'échappe, profitant de l'exaltation des deux canidés, leur laissant pour tout souvenir une plume qu'agite le souffle du vent.
Dans sa fuite elle est accueillie par un blaireau qui lui propose de se reposer dans son terrier, mais inquiète (avec raison) le questionne :
- Et...vous ? Vous mangez quoi ?
La pauvre ! ce blaireau-là ne semble pas végétarien...
Fin...
Cet ouvrage m'a été envoyé depuis le Morbihan par les Éditions "La Pimpante". Je remercie chaleureusement sa directrice dynamique (pour preuve sa présence à cette opération masse critique). Mon plaisir serait total si cette critique donnait envie d'acheter ce livre qui est vraiment très beau (bientôt c'est Noël) et doit plaire à tous les enfants grâce aux animaux que l'illustratrice a su rendre amusants, vivants et sympathiques (même les renards ont un gentil sourire).
Naturellement sans Babelio rien n'aurait eu lieu. Un grand merci à toute l'équipe qui oeuvre à la mise en place de ces opérations masse critique pour notre plus grande joie.