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Maurizio Serra est italien mais écrit ses biographies directement en français - et quel français ! Faut dire que, non content d'avoir été ambassadeur à l'UNESCO (entre autres...) le diplomate-biographe vient d'entrer à L Académie Française (janvier 2020). Après un Les frères séparés (Drieu La Rochelle, Malraux, Aragon) salué par la critique, Maurizio Serra a multi-récidivé avec Italo Svevo ou l'antivie et Une génération perdue, les poètes-guerriers dans l'Europe des années 1930. Il avait également publié un livre d'entretiens avec l'historien et politologue François Fejtö, le passager du Siècle.
Malaparte, vies et légendes, est donc le coeur de cible de Maurizio Serra, qui, par profession comme sans doute par goût, semble tourné vers ces aventuriers des lettres en lisière de la politique, ces poètes ou ces romanciers hommes d'action qui fleurissaient particulièrement à l'époque troublée de la première moitié du vingtième siècle. Porté par cet engagement personnel, documenté à l'extrême y compris par des conversations privilégiées avec certains témoins directs ou leurs héritiers, l'ouvrage est remarquable de bout en bout et constitue aussi une parfaite introduction au monde des lettres italiennes sur la période considérée. J'ai notamment apprécié le souci d'objectivité de l'auteur qui ne s'en laisse pas conter par son personnage, c'est le moins qu'on puisse dire, justifiant pleinement le sous-titre Vies et légendes. Malaparte, en effet, y apparaît comme un romancier fécond, un journaliste prolifique, un succès mondain, un écrivain engagé au service des causes les plus douteuses tout en restant capable d'une grande générosité et d'une considération inattendue pour les humbles, mais aussi comme un illusionniste motivé avant tout par le culte de sa propre image. Narcisse, l'épithète le poursuit tout au long de cette volumineuse épopée : l'auteur de la Peau aura tout fait pour se mettre en scène, parfois en dépit de son propre intérêt ; ainsi quand il s'attaque sans raison apparente autre que d'attirer l'attention à l'un des dignitaires les plus puissants du régime fasciste et se retrouve finalement confiné (le terme est de circonstance, mais "confino" était l'appellation retenue pour la relégation des opposants du régime, exil intérieur qui, bien que peu comparable à l'emprisonnement, fit néanmoins des victimes, tel Antonio Gramsci par exemple, entre bien d'autres).
Je m'étais toujours interrogé sur l'ambiguïté qui préside à la relation des horreurs de la guerre, dans Kaputt, où il est difficile de déterminer dans quelle mesure Malaparte s'oppose vraiment aux dignitaires nazis et tortionnaires de tout poil dont il relate avec une complaisance suspecte les exactions : la biographie de Maurizio Serra jette une lumière révélatrice sur cette attitude. L'ouvrage a été rédigé avant le tournant de la guerre mondiale et, bien que publié en 1943 à peu près au moment de la libération de l'Italie du Sud, semble avoir pâti d'une certaine prudence qui paraît cautionner le pire : Malaparte n'avait pas encore senti le vent tourner et, quand il a repris son manuscrit de 1941, il l'a amendé mais pas suffisamment pour le débarrasser tout à fait de ses fascinations de mauvais aloi.
La biographie est bien équilibrée : avec tous ses aspects détestables, le personnage de Malaparte suscite l'adhésion, voire l'affection. On se passionne pour son talent , ses incartades, ses voyages et même ses palinodies. le loup solitaire, le combattant de deux Guerres Mondiales et de l'expédition d'Ethiopie, le correspondant du Corriere della Sera sur le front de l'est et en Finlande, l'étranger à Paris (Journal secret dont il a publié une partie de son vivant, mais que La Table Ronde édite aujourd'hui dans sa dimension cachée) dont la deuxième patrie, la France, ne le récompense certes pas à la juste mesure de ses services, méritent notre estime. Maurizio Serra, qui a si bien restitué son sujet, mérite lui toute notre admiration .
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à noter : cette critique correspond à la version de poche "revue et augmentée"(tempus, Perrin 2012)

Malaparte constitue un sujet idéal pour une grande biographie. On peut sans crainte, à la suite du jury du Goncourt de la biographie en 2011, affirmer que c'est bien cela, une grande biographie, que Maurizio Serra a offert au public des lecteurs de cet écrivain hors norme, comme de tous ceux qui se passionnent pour la vie intellectuelle sous le fascisme de Mussolini.
Car ce livre, au-delà même de la seule personne de Malaparte, mais à travers sa vie et l'élaboration de son oeuvre, ouvre un panorama étonnant et nuancé de l'activité des intellectuels, écrivains et artistes qui ont, contrairement à ce que certains aimeraient à croire, fait de ces vingt années un festival de créativité dans bien des domaines, en cherchant, même quand il n'adhéraient pas à son idéologie, à continuer à produire en cherchant des appuis dans le régime.
On y découvre que presque tous les écrivains ou metteurs en scène qui ont fait la gloire de l'Italie de l'après-guerre, en se parant le plus souvent des plumes de l'anti-fascisme, et parfois en adhérent même au parti communisme, avaient recherché, et obtenu, dans ces deux décennies du pouvoir fasciste, l'appui des autorités, sans lesquelles il n'était pas possible de publier, de faire projeter ses films, ou exposer ses oeuvres. Malaparte n'était donc pas le seul personnage ambigu de l'époque.
J'ajoute, au crédit de ce livre, que Serra ne tombe pas, comme c'est malheureusement le cas de bien des biographes, dans le piège de l'hagiographie systématique de celui avec lequel il a passé tant de temps, et sait prendre le recul nécessaire par rapport au sujet dans lequel il s'est plongé entièrement des années durant.
Un livre indispensable donc, et il faut saluer l'immense travail de documentation, d'écoute de témoins, de recherches, consenti par l'auteur. Mais pourquoi éprouve-t-il le besoin de se mettre lui-même en scène, alourdissant ainsi un livre dont la matière aurait déjà été suffisante à en faire une somme ? À titre d'exemple, le dernier chapitre, qui développe la présentation de la villa de Capri la "casa come me", comme c'était effectivement indispensable, compte tenu de son importance dans la vie de Malaparte et de tout ce qu'elle révèle du personnage, aurait pu être très allégé de tout ce qui concerne, non pas Malaparte, mais l'auteur et ses visites sur place. Je ne dis pas que cela manque d'intérêt. Dans un magazine littéraire, cela m'aurait sans doute attiré. Mais dans cette biographie ?

J'ajoute que le nombre de coquilles, de maladresses de langages finit par peser. On finit par se demander si Grasset et/ou Perrin en sont à faire de l'économie sur les relecteurs?
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Excellente biographie, très fouillée, sans jugement de valeur, d'un journaliste aussi complexe que le Duce. Mais rien ne vaut, je pense, la lecture de Malaparte lui-même, notamment Kaputt et ses reportages journalistiques, pour tenter de mieux cerner l'homme.
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Et bien il ne reste plus qu'à lire Malaparte... Pas tout, visiblement... Mais tout de même.
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Fasciste, résistant, aventurier, hédoniste, orgueilleux et paranoïaque, Malaparte est un homme insaisissable. Il faut toute la culture du biographe pour restituer l'environnement culturel, politique et social qui nous permet de comprendre Malaparte.
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une plongée dans le 20eme siecle pour cet espece de Mitterand litteraire à l'italienne.....les défauts d'un homme peuvent ils etre inférieurs à ses qualités?
vous avez trois heures;;;;;
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