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EAN : 9782707300058
291 pages
Editions de Minuit (01/03/1974)
4.67/5   3 notes
Résumé :
Jules Verne est de son temps, son œuvre est un cycle de cycles, au sens où Hegel prétendait que L’Encyclopédie est un cercle des cercles. Un mouvement nouveau saisit l’occident au début du XIXe siècle, le voyage mondial des savants. Ce ne sont plus les marins, les soldats, les agriculteurs ou les missionnaires qui s’approprient la terre, ce sont les scientifiques. Astronomes au Cap, physiciens en Amérique du Sud, métreurs, cartographes et géologues partout. Notre gé... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Une exceptionnelle plongée orientée dans l'oeuvre de Jules Verne.

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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
D’où vient que les Voyages extraordinaires le sont à un nouveau titre et que les mondes inconnus ne sont pas seulement les forêts primitives de l’Afrique, le centre désertique de l’Australie, l’espace blanc des pôles, ni ces terres que le savoir positif n’a pas encore investi de sa maîtrise. L’inconnu de l’Odyssée ne réside pas seulement sur les rivages vierges ou dans les habiletés à quoi la ruse intelligente n’a pas encore accès. Il est aussi dans les enfers, et vers le centre de la Terre, il est aussi dans l’apparat mythologique du texte, dont nous sommes assez faibles pour croire qu’il ne s’agit que d’apparat. Nos distinctions et nos compositions sont les signes de nos limites. La parole sacrée, mythique ou religieuse, est dite en même temps et dans le même souffle que celle du savoir et du déplacement. Le voyage est pyschagogique. Celui qui parvient, un beau soir, au pied des Carpathes, reste un errant ou un explorateur, il est un savant et un ingénieur, il découvre dans ce village utopique les merveilles de l’électricité, les techniques du téléphone, et tout cela demeure vrai, l’espace et le savoir, en même temps qu’est raconté, nouvelle manière, le cycle d’Orphée. Celui qui découvre, au sud de l’Afrique, le désert formidable du Kalahari est un savant, un astronome, il est le géomètre de la géodésie, et tout cela demeure vrai, l’espace et le savoir, en même temps qu’est raconté, nouvelle manière, le cycle de l’Exode. Autant d’exemples que de cycles locaux. De sorte que cette œuvre immense de remplissement minutieux de l’étendue terrestre, de comptage exhaustif de l’histoire et de traversées complètes du savoir, pur et appliqué, devient à nouveau un cycle de cycles, à condition d’utiliser ce mot comme Dumézil, ou d’autres : le cycle de l’ambroisie. L’intérêt passionné pris aux Voyages ne tient pas seulement aux enthousiasmes saint-simoniens pour la science et le progrès technique, il tient aussi aux adhérences culturelles de l’imagination au travail. Elle n’est pas libre, elle est soumise à des lois archaïques, elle reproduit des figures oubliées parmi un monde qu’on croit neuf. Il est clair, non, il est obscur mais il deviendra clair, que Verne est la résurgence, volens nolens, je ne le sais, je ne veux pas chercher à le savoir, d’une coulée fantastique de mythes. En cela, il écrit encore l’Odyssée. Il n’est pas spur que l’essentiel soit de redessiner les grands cycles réactivés ici. Une fois quelques-uns ressuscités de l’ombre où la naïveté les cache, tout un chacun décrypte rapidement tous les autres, il n’y faut pas être grand clerc. Le but est autre, et double. Voir d’abord comment s’établit le voisinage vibrant et difficile entre cet espace immédiat parcouru en tous sens, le lieu du savoir traversé sans qu’il soit rien omis, et cette autre cartographie d’une terre inconnue, trop connue cependant pour ne jamais être laissée. Estimer ensuite si cette assignation est universelle, j’entends par là si elle peut être transportée ailleurs que dans l’œuvre de qui est réputé naïf. Et la réponse est oui, et je dirai pourquoi. Ici et ailleurs.
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Notre ignorance a fait de l’œuvre de Verne un rêve de la Science. Elle est une science des rêves. La fiction des Voyages est, dit-on, une science-fiction. Cela est faux, tout bonnement. Jamais une règle mécanique n’y est outrepassée, nulle loi naturelle, de physique, de résistance des matériaux, de biologie n’y est extrapolée. Le contenu de science, en général, est même fort en retard sur son âge : Bouvard et Pécuchet sont des encyclopédistes d’une autre lignée, mieux avertis, moins enfantins dans le romanesque. Loin d’être d’anticipation, ces romans, sur ce point, ne sont pas à la page. Songez qu’on y célèbre la vapeur et l’électricité. Pour les performances techniques, elles sont des reprises ou des rétrospectives, quand elles paraissent des projets. Le Nautilus appartient en propre au XVIe siècle, les voyages interplanétaires à Huyghens, Kircher, Wilkins, Fontenelle, savoir au XVIIe siècle savant (dont Cyrano se gausse, et la commedia dell’arte), Collin de Plancy a précédé, au XVIIIe, Saknussem et Dumas au centre de la Terre… Aussi bien Servadac, retour à Mostaganem après avoir rangé Mercure, finit-il par dire : « Mettons que je n’ai fait qu’un rêve. » Les grands instituteurs de Verne sont les voyageurs plus que les savants, les conteurs aussi, Hoffmann et Poe, les conteurs d’une certaine espèce. Parler d’anticipation, de science-fiction, c’est prendre les choses à rebours ; si elle mobilise la science, la fantaisie ne la prend pas pour objet, ne varie pas sur elle avec désinvolture. Tout se passe comme s’il fallait inverser le contresens ordinaire commis sur les Voyages, pour en saisir le sens. L’univers est ce qu’il est, la loi d’attraction n’est pas modifiée. Elle se déplace. Par transport ou par métaphore, elle ordonne la ruée vers l’or. La science, invariante pour le contenu, accomplit tout justement un voyage extraordinaire, elle va gouverner l’imagination. Elle se fait métaphorique pour comprendre et régler l’imagination voyageante. Non un rêve de la science, une science des rêves.
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Il arrive qu’on formalise et qu’on mathématise. C’est le but, qui le contesterait, mais il est lointain, comme on voit dans le savoir dit expérimental. La mathématisation pressée délaisse les choses, le travail, la rectification lente des phénomènes. Elle n’est pas ouvrière. Elle talmudise – on l’a vu un peu, je n’ai rien contre le Talmud. Aller directement de la promenade courante et pittoresque, de la lecture cursive à la loi formelle, du récit à la logique, équivaut à un songe pré-scientifique : à une alchimie du verbe, à un roman de physique, bref à une théorie, non à une critique. Celle-ci est d’abord d’expérimentation : observer, comparer, varier, se débattre avec les choses tangibles, visibles, lisibles. La forme est longue à survenir. Comme le bonheur, elle ne saurait être exigible toute et tout de suite. Il y a un secret rapport entre la critique formalisante et la physique préhistorique : la chaîne des géomètres sans l’obstacle du réel. Je donne donc ma préférence à qui fait voir ce qu’il fait sur qui dit ce qu’il pense. Talmudisme, scolastique, imaginations logico-mathématiques, prurits de la lettre et de la théorie, maladies socio-professionnelles de ceux qui ont avantage à ôter toutes choses pour mieux y voir.
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Comme dans l’Odyssée, l’Exode, ou tout autre voyage extradordinaire, trois cycles coexistent, bien articulés ou parallèles : le périple ordinaire, extraordinaire parfois si l’on touche aux pôles ou frôle les planètes, le circuit intellectuel ou encyclopédique, qui boucle le savoir comme on suit un parallèle ou navigue selon un grand cercle, le pèlerinage initiatique, religieux, mythique, à la recherche d’une figure perdue, celle de Dieu, celle du père… ou de quelque secret plus énigmatique. Au départ, motif est donné par un grimoire indéchiffrable rencontré par hasard, bouteille à la mer, pigeon blessé, incunable jamais ouvert, un cryptogramme chiffré enveloppant certain mystère : écrit en plusieurs langues, mais incomplet, recouvert par un code, rédigé en runique, verrouillé sous une grille, que sais-je encore, le message est enseveli. Il peut l’être aussi dans la poche du courrier du czar. La recherche du sens clair peut passer comme un modèle réduit des trois voyages : dévoiler l’inconnu, lieu, savoir ou épiphanie.
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Il existe très peu de critères en critique. Peut-être aucun. Ce n’est pas bien normal, on s’attendait à mieux, à voir la langue. De fait, il en est un, il est sûr, mais il est sévère. D’une exigence redoutable. C’est le critère d’épuisement, d’exhaustion complète du texte. Non dans le sens, qui est indéfini, mais dans le signe. Que rien ne subsiste jusqu’au dernier détail, après passage, est un bon signe que le chemin ne divaguait pas. D’où l’idée de partir d’un cas simple. Quand l’exigence est maximale, mieux vaut choisir un terrain minimal. Verne est un romancier naïf, le Chancellor une narration toute exotérique. Si l’entreprise, par chance, réussissait, on se transporterait, avec armes et bagages, sur des sites réputés plus augustes.
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