S'il est un domaine avec lequel on ne cesse de nous bassiner aujourd'hui, c'est bien celui des "nouvelles technologies".
Michel Serres s'y attaque aussi, mais ni pour s'y vautrer bêtement comme les accros à Candy Crush Saga ni pour s'y opposer pour revenir au bon vieux temps du bouquin en papier et de la vie réelle. Ce qu'il cherche à comprendre, c'est ce que ces technologies changent dans notre rapport au savoir. Or il constate qu'elles changent tout à la manière dont nous apprenons. le temps du cours magistral du maître abreuvant ses ouailles d'un savoir dont il était l'unique détenteur est fini. Aujourd'hui, tous les savoirs sont accessibles en deux coups de cuillère à clic. Bien sûr, il reste (et le prof, là, peut encore servir à quelque chose) à porter un regard critique sur ce savoir à disposition, à démêler le vrai du faux, le crédible du farfelu, l'utile du superflu. Mais ce travail, désormais, n'est plus celui d'un seul savant fou enfermé dans sa tour d'ivoire (le temps des tours semble se terminer, comme le temps de la page); c'est le travail de tous, ensemble, mis en contact par la toile d'araignée. La savoir ne peut qu'être collectif la tour devient vivante, vibrante, arbre plutôt que pierre ou ferraille. Bien sûr, cette construction-là, qui ne fait que commencer, est instable par nature et risque à tout instant de s'écrouler, mais elle semble être la seule voie possible aujourd'hui pour inventer un monde qui s'entrecomprend au lieu de s'entretuer.