Le secret de famille court sous les peaux, dans les ombres, d'une génération à l'autre, jusqu'à ressortir violemment à la quatrième avec la mort du plus jeune des deux frères.
C'est l'aîné qui parle.
Un télescopage de souvenirs, de phrases dites à mi-voix, de mauvais rêves, de regards un peu fuyants, le parquet grince, l'horloge tique-tac un peu trop fort dans les sentiments étouffés…
Nié, balancé de l'un à l'autre comme une patate chaude, le secret de famille dévoile son ignominie au fil de recherches faites par le narrateur, mettant en lumière l'arrière-grand-père et son activité d'administrateur provisoire pour le Commissariat général aux questions juives mis en place par le régime de Vichy afin de dépouiller les juifs de leurs biens.
On ne saura pas tout de cette famille ressemblant à tant d'autres, les quelques centre-quatre-vingt pages de l'ouvrage sillonnent la période de découverte du secret, de mise en mots du secret, d'appropriation du secret sans pour autant en éprouver de soulagement.
Les relations garderont ce rien de trop convenu, ce soupçon d'artificiel si habituel qui devrait détourner le regard de l'éléphant qui trône dans le salon.
Parce qu'un secret de famille, c'est bien un éléphant dans le salon, dont on dit qu'il n'y est pas, d'ailleurs on ne voit aucun éléphant alors…
Alexandre Seurat parvient, dans une écriture rêche et suivant un fil qui se dérobe sans cesse, à traduire le malaise du narrateur face au silence puis face aux mots.
Il nous le fait éprouver aussi, reprenant les expressions d'un antisémitisme "ordinaire", relevant la bonne conscience de l'arrière-grand-père à profiter de la situation pour s'enrichir.
Ce n'est pas une lecture confortable, c'est âpre, ça pèse. J'en ressors un peu groggy, un peu écoeurée aussi, mais avec beaucoup de considération pour la démarche de ce narrateur orphelin de son frère.