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Critique de Foxfire


En 1988, un nouveau système de classification des films voit le jour à Honk-Kong. Auparavant, la censure était sévère, les films subissaient des coupes drastiques ou se voyaient purement et simplement interdits de diffusion. Cette censure touchait non seulement les films produits à Honk-Kong (par exemple "school on fire" de Ringo Lam a subi plus de 40 coupes) mais touchait également les films étrangers, et parfois des oeuvres qui ne sont réputées ni pour leur violence ni pour leur érotisme. Ainsi "Dersu uzala" de Kurosawa s'était vu privé de sortie honk-kongaise étant jugé comme anti-chinois (la loi décrétait qu'un film ne doit pas causer de détérioration des relations avec d'autres pays, en particulier le voisin chinois). le nouveau système de classification créé en 88 qui répartit les films en 3 catégories (la catégorie 3 interdisant l'accès aux mineurs) a été instauré afin de permettre à des films art et essai ou politiques d'être projetés. Dans les faits, ce système verra l'explosion de la production de films déviants et les écrans seront le théâtre d'une déferlante de violence et de sexe.

A travers son ouvrage, Julien Sévéon (spécialiste du cinéma asiatique) revient sur l'histoire de ce système de classification et propose un panorama des films sortis sous cette étiquette.
Le propos de Sévéon est très pertinent et montre bien que ces excès de sang et de sexe ont servi d'exutoire et ont exprimé plus ou moins discrètement l'angoisse liée à la perspective de la rétrocession.

En effet, il est intéressant de constater que l'âge d'or du catégorie 3 se situe entre 1989 (les événements de Tien An Men) et 1997 (année fatidique de la rétrocession). Depuis, 97, très peu de films sont sortis sous cette classification, comme si les scénaristes et réalisateurs n'osaient plus.

Même si la plupart des films estampillés catégorie 3 le sont pour des débordements de violence et de nudité (très peu de films au propos subversif sont produits), on trouve dans bon nombre de ces productions malpolies des esquisses de critiques sociales ou politiques. Ainsi, "trilogy of lust", unique production H.K incluant des scènes pornographiques fait ouvertement référence aux événements de Tien An Men. Ce type d'allusion se retrouve régulièrement dans les films categorie 3, y compris les plus déviants, comme si ce registre de film-défouloir autorisait une plus grande liberté de parole. Ainsi, "daughter of darkness", film complètement barré qui commence comme une comédie slapstick gore de très mauvais goût avant de s'aventurer sur le terrain du sordide le plus glauque, montre la police et la justice chinoise sous un jour peu reluisant. Dans "run and kill", film ultra-violent, le bar qui sera le point de départ de tous les malheurs du héros, s'appelle le "1997". C'est trop gros pour être une simple coïncidence.

Sévéon évoque un grand nombre de films dans différents chapitres consacrés au polar, à l'érotisme, aux films engagés, entrecoupés de portraits et interviews de figures emblématiques du genre. Ces différents chapitres sont l'occasion pour le lecteur d'apprendre beaucoup de choses sur différents aspects de la culture et de la société honk-kongaise (les triades, les rapports hommes / femmes, la perception de l'homosexualité, les problèmes de logement...).

Mais, le principal intérêt du livre réside dans l'abondance de films évoqués. L'auteur connaît parfaitement son sujet et a visionné tous les films dont il parle. Cette abondance de références suscite l'envie de découvrir beaucoup de films mais laissera sans doute le lecteur frustré. Beaucoup de ces films ne sont pas disponibles chez nous et restent difficiles à trouver.

Le contenu du livre est comme je l'ai dit remarquable, pertinent et passionnant. le contenant n'est pas en reste. L'objet est très beau, grand format, iconographie très riche. L'ouvrage est agréable à consulter.
Un seul bémol, et de taille, le livre ne semble pas avoir bénéficié de relecture. Il y a énormément de coquilles et de fautes d'orthographe. Je sais qu'il s'agit d'un petit éditeur aux moyens limités mais trop c'est trop. Ces fautes en pagaille gâchent un peu la lecture et c'est ce qui m'a empêché de mettre 5 étoiles.

Mis à part ce point négatif, le livre de Sévéon est un ouvrage de référence qui devrait passionner tous ceux qui se passionnent pour le cinéma en général, pour le cinéma déviant en particulier et à tous ceux que le thème des liens entre films, politique et censure intéressent.
Et il est toujours intéressant de rappeler que c'est aussi dans les oeuvres les moins aimables que se trouvent les germes de la contestation et donc de la liberté d'expression.
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