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Patricia Godi (Autre)Sabine Huynh (Traducteur)
EAN : 9782721009395
Editions des Femmes (13/01/2022)
4.2/5   10 notes
Résumé :
« Chaque être en moi est un oiseau. Je bats toutes mes ailes. Ils voulaient te retrancher de moi mais ils ne le feront pas. Ils disaient que tu étais infiniment vide mais tu ne l'es pas. Ils disaient que tu étais si malade que tu agonisais mais ils avaient tort. Tu chantes comme une écolière. Tu n'es pas déchirée. » A. S., Pour fêter ma matrice « Voici enfin accessibles en français les oeuvres poétiques d'Anne Sexton, qui figurent parmi les plus marquantes et reconn... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Transformant l'expérience du mal-être profond, de l'internement et de l'étrangeté à soi et aux autres en remède paradoxal à la mélancolie, Anne Sexton inventait dans les années 1960 une poésie féministe déterminée, sombre et belle.


Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/05/04/note-de-lecture-tu-vis-ou-tu-meurs-oeuvres-poetiques-1960-1969-anne-sexton/

Anne Sexton (1928-1974), qui passera l'essentiel de sa vie dans le Massachusetts, entre Boston et Gloucester, aura souffert toute sa vie de sévères troubles bipolaires, qui entraîneront sa première hospitalisation en 1954-1955. C'est son thérapeute, le Dr. Martin Orne, qui l'encouragera vivement à se lancer et à persévérer dans ses efforts d'écriture poétique, qu'elle étudiera ensuite aux côtés notamment de Robert Lowell, avec Sylvia Plath et George Starbuck. Se situant ainsi bien loin, malgré le contexte psychiatrique omniprésent, d'un travail d'art brut auquel certains commentateurs la rattachent à l'occasion, elle s'inscrit de plain-pied, dès son premier recueil, « Retour partiel de l'asile » (1960), dans le courant américain traditionnellement appelé confessionnalisme, sans porter aucunement les stigmates d'une écriture intime, associée à ce courant, parfois jugée sévèrement de nos jours, mais s'affirmant bien au contraire comme un exemple déterminant de l'intrication de l'intime et du politique, de la défiance vis-à-vis d'un patriarcat pour le moins envahissant et de la quête – éventuellement vaine alors – de sororité.

Jamais traduits en français jusqu'ici, ses quatre premiers recueils – « Retour partiel de l'asile » (1960), « Tous mes chers petits » (1962), « Tu vis ou tu meurs » (1966), pour lequel elle recevra le prix Pulitzer de poésie en 1967, et « Poèmes d'amour » (1969) – sont publiés en janvier 2022 aux éditions Des Femmes – Antoinette Fouque, avec une superbe préface de Patricia Godi,dans une traduction remarquable et inspirée de Sabine Huynh, poète elle-même, dont on se souvient par exemple avec émotion du « Avec vous ce jour-là – Lettre au poète Allen Ginsberg » de 2016.

La poésie d'Anne Sexton, telle qu'elle se donne à lire ou à entendre dans ces presque 400 pages initialement publiées entre 1960 et 1969 (il y aura encore six autres recueils, dont trois à titre posthume, après son suicide en 1974), frappe d'abord et constamment par son inventivité et sa brutalité travaillée. Si le féminisme en tant que tel n'est peut-être pas revendiqué sous étiquette, il transparaît partout ou presque de manière incisive, mêlé à une interrogation fébrile et tendre sur la norme et sur la reproduction quasiment fatale de celle-ci, malgré les efforts de quelques-unes et quelques-uns.

Abordant comme jamais avant elle sans doute des faits de l'existence féminine tels que la menstruation ou l'avortement, bien entendu, mais aussi plus simplement (et presque plus révolutionnairement), tels que la soumission sociale et financière à l'époux, la certitude d'être toujours traitée en « deuxième », l'invisibilisation récurrente ou l'absence de prise au sérieux, elle le fait en poète à part entière, se nourrissant avec une vitalité paradoxale de l'expérience de l'internement, ne cédant jamais à la tentation du prêche, inventant des métaphores d'une sombre beauté, multipliant les pas de côté audacieux et les contre-injonctions tantôt discrètes tantôt enflammées.

Près de quinze ans avant que le fameux « Tremate, tremate, le streghe sono tornate » (Tremblez, tremblez, les sorcières sont de retour) ne devienne l'un des grands slogans des luttes féministes italiennes des années 1970, Anne Sexton inscrivait cette métaphore dans l'horizon des luttes contemporaines, à sa façon si personnelle, avec son poème-phare « Sa pareille » (partiellement cité en tête de cette note). Dans cette confession poétique, laïque ou non, mais en tout cas au long cours, la violence est omniprésente, et multi-directionnelle (il est d'ailleurs dommage que la préface occulte largement les allégations de violence vis-à-vis de ses propres enfants dont fait l'objet de nos jours la poétesse, tant la possibilité de reproduction de schémas délétères fait partie intégrante de sa poésie, en toute conscience de sa part ou à son insu, selon les thèmes précis et les moments) : il faut rendre impérativement cette justice à la native de Newton d'avoir su, tout au long de son existence, transformer le malheur authentique ressenti et l'agression omniprésente en machine langagière hautement performante, inventive et créatrice de beauté paradoxale, là où on l'attend peut-être le moins.

Lien : https://charybde2.wordpress...
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critiques presse (1)
LaCroix
21 janvier 2022
Loin de tout discours militant, son féminisme et l’affirmation de sa liberté passent par une langue perçante et tendre à la fois, glorifiant la gratitude. Une arme d’empathie pour aborder de front les plaisirs assumés du corps, la reconstruction positive des relations mère-filles ou l’expérience douloureuse de l’avortement dans un texte poignant,.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
FRICOTER AVEC LES ANGES

J'étais lasse d'être une femme, lasse des cuillères et des casseroles,
lasse de ma bouche et de mes seins,
lasse du maquillage et de la soie. Il restait encore des hommes à ma table,
qui se tenaient autour du bol que j'offrais.
Le bol était rempli de raisins pourpres
dont l'odeur faisait léviter les mouches
et même mon père est venu avec son os blanc.
Mais j'étais lasse du genre des choses.

(...)

Ô filles de Jérusalem,
le roi m'a menée à sa chambre.
Je suis noire et je suis belle.
On m'a ouverte et déshabillée.
Je n'ai ni bras ni jambes.
Comme les poissons je ne suis que peau.
Je ne suis pas plus une femme
que le Christ n'était un homme.

( Ecrit en février 1963 )
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Pour John qui me prie de ne pas chercher à en savoir davantage



Ce n’était pas que ce fût beau,
mais à la fin il y avait là
une certaine forme d’ordre ;
une chose valant la peine d’être apprise
dans cet étroit journal intime de mon esprit,
dans la banalité de l’asile
où le miroir fêlé,
ou était-ce ma propre mort égoïste,
me fixait.
Si j’essayais
de te livrer autre chose,
une chose m’étant externe,
tu ne saisirais pas
que le pire de chacun
peut être, finalement,
un accident d’espoir.
J’ai tâté ma propre tête ;
c’était du verre, un bol renversé.
C’est mesquin
d’enrager dans son propre bol.
Au début c’était privé.
Puis cela m’a dépassé ;
c’était toi, ou ta maison,
ou ta cuisine.
Et si tu te détournes
car il n’y a rien à apprendre ici,
je prendrai mon bol gênant,
avec ses étoiles fissurées qui brillent
comme un mensonge compliqué,
et j’y attacherai une nouvelle peau
comme si j’habillais une orange
ou un soleil étrange.
Ce n’était pas que ce fût beau,
mais j’y ai trouvé de l’ordre.
Il doit y avoir quelque chose de spécial
pour quelqu’un
dans ce genre d’espoir.
Quelque chose que je n’aurais jamais trouvé
dans ce lieu plus plaisant, mon cher,
bien que ta peur soit partagé par tous,
comme un voile invisible tendu entre nous…
et parfois en privé,
ma cuisine, ta cuisine,
mon visage, ton visage.


/ Traduit de l’anglais (États-Unis) par Sabine Huynh
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Poèmes d’amour
                    LA NAGE NUE


extrait 2

L’eau était si claire que l’on pouvait
y lire un livre.
L’eau était si dense que l’on pouvait
y flotter sur les coudes.
Je m’y allonge comme sur un divan.
Je m’y allonge exactement comme
l’Odalisque à la culotte rouge de Matisse.
L’eau était ma fleur étrange.
Imaginez-vous une femme
sans toge ni foulard
sur un canapé aussi profond qu’une tombe.

Les parois de cette grotte
étaient de toutes les nuances de bleu
et tu as dit : « Regarde ! Tes yeux
sont couleur de la mer. Regarde ! tes yeux
sont couleur du ciel. » Et mes yeux
se sont fermés comme si
soudain ils avaient eu honte.


/Traduction de l’anglais (États-Unis) par Sabine Huynh
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Son genre

Je suis sortie, sorcière possédée,
hantant l'air noir, plus courageuse la nuit ;
rêvant le mal, j'ai fait mon chemin
par-dessus les maisons ordinaires, lumière après lumière :
pauvre chose solitaire, avec mes douze doigts, oubliée.
Une femme comme ça n'est pas une femme, vraiment.
J'ai été de son genre.

J'ai trouvé les grottes chaleureuses dans les bois,
je les ai remplies de poêles, de figurines, d'étagères,
de placards, de soieries, d'innombrables biens ;
j'ai préparé le souper pour les vers et les elfes :
pleurnichant, en réarrangeant les mal alignés.
Une femme comme ça est mal comprise.
J'ai été de son genre.

Je suis monté dans ton chariot, conducteur,
j'ai fait signe avec mes bras nus aux villages qui défilaient,
découvrant les dernières routes étincelantes, survivante
là où tes flammes mordent encore ma cuisse
et mes côtes craquent où tes roues s'entortillent.
Une femme comme ça n'a pas honte de mourir.
J'ai été de son genre.
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SA PAREILLE

Je suis sortie, sorcière possédée,
hantant l'air noir, plus hardie la nuit ;
rêvant de faire le mal, au-dessus des banals
pavillons de banlieue, de lumière en lumière :
créature solitaire, à douze doigts et folle.
Ce genre de femme n'est pas tout à fait femme.
J'ai été sa pareille.

J'ai trouvé les grottes chaudes dans les bois,
les ai garnies de poêles, de sculptures, d'étagères,
d'armoires, de soies, de biens innombrables ;
j'ai préparé le bouillon des asticots et des lutins :
me lamentant, j'ai remis de l'ordre dans le fouillis.
Ce genre de femme est incompris.
J'ai été sa pareille.

J'ai roulé dans ton diable, phaéton,
salué de mes bras nus les villages traversés,
assimilant les dernières routes claires, survivante
là où tes flammes mordent encore ma cuisse
et mes côtes craquent sous la force de tes roues.
Ce genre de femme n'a pas honte de mourir.
J'ai été sa pareille.
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Videos de Anne Sexton (65) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Anne Sexton
Anne SEXTON - Vis ou Meurs (DOCUMENTAIRE, 1966) Un documentaire de Richard O. Moore réalisé en 1966 pour la série "USA: Poetry" diffusée sur la National Educational Television. Présence : Anne Sexton, Linda Sexton, Alfred Sexton, Richard O. Moore (voix-off). Traduction : André Léssine (interview, commentaires et poème d'ouverture) ; Sabine Huynh (poèmes extraits de 'Tu vis ou tu meurs. Œuvres poétiques (1960-1969)' aux éditions des femmes - Antoinette Fouque.
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