Un roman doux, subtil. La narratrice se dévoile plus qu'elle ne le pense à travers ses recherches sur
Buster Keaton et, par esprit d'escalier, vers son demi-frère, plutôt, le fils du second mari de sa mère. Henri, tel est son prénom.
Portraits croisés de deux « amochés » ? non, de deux personnages hors du commun.
Keaton, le petit garçon qui, suite à une chute mémorable, se voit surnommer Buster. Il fera de la chute son art et deviendra une grande star du muet. Henri, prognathe au développement mental interrompu, tenu d'une main très ferme par son père qui, chaque soir, dort dans un harnachement bizarre.
Ils ont plusieurs choses en commun. Un père omniprésent et aimant malgré ce qu'ils infligent à leurs enfants. Les deux se trouvent toujours sous le regard des autres. Leur fragilité qu'ils cachent mais qui est si présente et si visible, leur solitude au milieu des autres de par leurs différences. Leur propre normalité qui nous questionne sur nos normes. Ils ont également ce que
Florence Seyvos appelle « petit noyau réfractaire » et qui s'appelle dignité, qui est leur beauté humaine.
Tandis que Buster ira de contrats en contrats, de films en films, ce que fera le mieux Henri, c'est attendre. C'est ce que lui dit tout le temps son père : attends.
Puis, le destin de Buster déclinera tandis qu'Henri entrera dans un CAT et prendra son indépendance.
Florence Seyvos évoque ce frère qu'elle aime, qu'elle protège sans aucune sensiblerie mais avec beaucoup de sensibilité. Elle attire notre regard sur
Buster Keaton qui, pour moi, n'était qu'un rigolo du muet, sans plus. Un beau roman profond et humain sur l'attention que nous portons aux autres, notre regard sur les différences, que j'ai aimé lire.