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Critique de Sachenka


Nin-Gal est le quatrième tome de la série « le palais des vases brisés ». C'est toujours rassurant de retrouver des personnages connus (qui nous ont fait vivre des émotions et auxquels on s'intéresse), ses repères. Ils forment une grande famille, et lire un énième tome d'une série est un peu comme des retrouvailles : on découvre ce que sont devenus les uns et les autres. Et le style de l'auteur y est pour beaucoup. En effet, David Shahar aime ses personnages mais il ne les épargne pas. Certains meurent, oui, mais je veux surtout dire qu'ils sont humains par-dessus tout. Ils sont attachants, mesquins, déconnectés, innocents, égocentriques, etc. Drôles, aussi. Parfois à la limite de la caricature mais on connaît tous quelqu'un dans notre entourage qui agit comme ceci ou comme cela. C'est un peu ça, le vrai monde.

Pour en revenir à Nin-Gal, le narrateur se fait particulièrement présent, du moins plus que dans les tomes précédents. Aharon Dan lui demande se remettre une enveloppe à une de ses connaissances, Thomas Astor, pendant son futur séjour à Paris. Cette commission, les propos qu'échangent les deux hommes, je crois que c'est la première fois que je remarque le narrateur interagir autant de première main, si je puis m'exprimer ainsi.

Après tout, dans les tomes précédents, tout ce qu'on sait du narrateur provient de ses rares réflexions, de ses quelques représentations du monde qui l'entoure (la rue des Prophètes, son voisin qu'il admire Gabriel Louria, etc.). le reste n'était que description, scènes de vie quotidienne des gens de son quartier. Je me disais donc « enfin, nous allons en découvrir plus sur ce narrateur ! » Surtout qu'il rencontre dans la capitale française un ancien camarade d'école, Eryk Wissotzky. Hélas… Ce n'est qu'une excuse de plus pour nous ramener à de vieux souvenirs, au passé. Après l'intermède de Paris, le narrateur disparaît à nouveau pour céder la place à son petit monde de Jérusalem. Anastasia Wissotzky et ses problèmes financière, Léa Himmelsachs qui commence à se faire une réputation d'intellectuelle et qui entame une carrière de critique artistique, sa fille Nin-Gal qui attire toutes les convoitises, et tant d'autres…

Bref, je suis un peu agacé d'en savoir si peu sur le narrateur. Je ne peux m'empêcher de faire le parralèlle avec l'oeuvre de Marcel Proust : une saga étalée sur plusieurs tomes, une description des moeurs de l'époque, un narrateur mystérieux dont l'identité demeure floue… Bien sur, au niveau du style et de l'impact sur la littérature, on est complètement ailleurs. Mais, là où je veux en venir, c'est que le narrateur du Temps perdu interragit avec les autres personnages, nous fait part de ses émotions, de ses rêves, de ses espoirs les plus fous. Il joue un rôle dans l'intrigue et ne se contente pas d'en dresser le portrait. Ici, dans les différents tomes du Palais des vases brisés, niet, rien de tout cela. Et ça devient lassant, j'ai toujours l'impression qu'il manque quelque chose.

Autre élément problématique : les repères spatio-temporels. le tome précédent se déroulait essentiellement au milieu des années 30, lors des émeutes de Jérusalem. Dans Nin-Gal, c'est plus flou. On fait beaucoup référence à ces années (surtout en souvenirs) mais également à la guerre des Six-Jours (qui a eu lieu une trentaine d'années plus tard). Ça donne l'impression que le spersonnages ne vieillissent jamais, qu'ils sont intemporels, éternels… Mais surtout qu'on n'arrive pas à cadrer l'histoire, les histoires racontées.

À cela s'ajoute une grande quantité d'informations. Que ce soit sur des événements précis (et de type local), des grands auteurs connus (par exemple, Ezra Pound et TS Eliot), des régionnalismes, le fonctionnement d'un kibboutz, ça en donne le vertige. C'est un peu aussi dans ce sens que David Shahar rejoint un peu Proust. le fait que j'ai attendu quelques semaines entre la lecture de chacun des tomes n'a pas aidé. Parfois, je me demandais si un détail glissé par l'auteur était une preuve de plus de son érudition ou bien un élément mentionné précédemment et que j'avais oublié. Une fois passé ce désagrément mineur, je ne peux qu'apprécier le travail de l'auteur d'avoir su créer un monde aussi complet et complexe, aussi réaliste que possible jusque dans ses moindres détails. Un monde vrai.
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