AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Yves Bonnefoy (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070393206
226 pages
Gallimard (30/11/-1)
4.04/5   216 notes
Résumé :
WILLIAM SHAKESPEARE
Jules César
Brutus
Préférez-vous César vivant, et mourir esclaves, ou César mort, et tous vivre libres ? César m'aimait, je le pleure.
Il connut le succès, je m'en réjouis. Il fut vaillant, je l'honore. Mais il fut ambitieux et je l'ai tué. Pour son amitié, des larmes. Pour sa fortune, un souvenir joyeux. Pour sa valeur, du respect. Et pour son ambition, la mort. Qui parmi vous est assez vil pour accepter d'être esc... >Voir plus
Que lire après Jules CésarVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (29) Voir plus Ajouter une critique
4,04

sur 216 notes
5
14 avis
4
11 avis
3
3 avis
2
0 avis
1
0 avis
Voici encore une bien belle tragédie historique de William Shakespeare qui tient toutes ses promesses. Personnellement j'ai adoré l'ambivalence qui caractérise presque tous les personnages principaux de cette pièce.

Cela en fait une pièce très subtile, tout en nuances. Certes, on retrouve chez Cassius, notamment en début de pièce, quelque chose du machiavélisme du Iago d'Othello, de Richard III ou encore du Maure de Titus Andronicus, mais l'auteur s'attache à justement le réhabiliter en en faisant un personnage certes envieux mais non dénué de qualités réelles et positives.

L'ambiguïté est encore plus affirmée et de façon croisée et symétrique entre Brutus — le traitre — d'une part et Octave — le sauveur — d'autre part. On a en effet de la peine à considérer Brutus comme un sale type et Octave comme un type bien.

Que dire enfin du somptueux personnage d'Antoine dont le discours funèbre auprès de la dépouille De César est un modèle de sophisme d'une roublardise délicieuse.

En somme, le seul qui soit vraiment très discret et d'un intérêt moindre dans cette pièce c'est… Jules César lui même ! On le voit en effet très peu, mais, du peu que l'on voit de lui, Shakespeare s'attache là encore à en faire un personnage très humain, comme tous les autres, avec ses bons et ses mauvais penchants.

Le fait que Shakespeare se soit énormément basé sur les sources antiques comme Plutarque et qu'il y soit globalement resté très fidèle, imprime une rythme particulier à la pièce qui n'est pas comme à l'ordinaire dans les tragédies une apothéose au cinquième acte, si possible baignée de sang.

Ici, le point d'orgue se situe au tout début de l'Acte III et sépare donc la pièce en deux moments très distincts : tout d'abord la conspiration contre César sous la houlette de Cassius et ensuite la contre conspiration contre les conjurés organisée par Antoine.

On retrouve dans cette tragédie bon nombre des ferments, des ficelles du scénario d'un Star Wars, par exemple. Brutus et Cassius, à eux deux, présentent à peu près les pulsions contradictoires qui animent un Dark Vador. Antoine a sûrement quelque chose d'un jeune Luke Skywalker, Portia, l'épouse de Brutus possède elle aussi certains traits de la Princesse Amidala, etc.

En somme, une trame historique aménagée pour en faire un support scénique admirable. Shakespeare ne cède à aucune facilité et l'ensemble de la pièce est remarquablement écrit. Certes on n'y trouve pas de ces tirades sensationnelles comme dans Hamlet, Macbeth, Richard III ou encore La Tempête, mais ce Jules César m'a beaucoup plu et je le place assez haut dans mon palmarès personnel des oeuvres de son auteur. Ceci dit, souvenez-vous que ce n'est que mon avis, c'est-à-dire, très peu de chose.
Commenter  J’apprécie          1005
Représentée en 1599, écrite sans doute la même année, la pièce est publiée pour la première fois en 1623, le texte est jugé excellent par les spécialistes avec peu de coquilles et de passages controversés. La pièce n'est pas aisée à caractérisée : tragédie basée sur des faits historiques, elle échappe en partie au genre du drame historique, de la chronique, pour se diriger vers la tragédie, sans en être complètement une. Elle est souvent qualifiée de « pièce de transition ». L'enchaînement des événements historiques est surtout vu à travers le retentissement qu'il a sur les personnages, auteurs et témoins, l'essentiel est la façon dont ils vivent et ressentent l'action, comment elle les transforme, le moment essentiel étant le meurtre de César.

Shakespeare, pour bâtir la trame de sa pièce, s'est largement inspiré de la traduction anglaise que North a effectué à partir de la traduction faite par Amyot des Vies des hommes illustres de Plutarque. Il suit de près sa source, la modifiant surtout pour resserrer l'action de son drame.

Au premier acte, César vient de rentrer après sa victoire sur Pompée. Il est au sommet de la puissance. Certains sénateurs romains craignent qu'il ne veuille devenir roi et enterrer définitivement la vieille république. Un devin met en garde César : il doit se méfier des Ides de Mars. César se rend aux jeux, où Antoine lui propose la couronne, que César refuse. Devant la menace, Cassius, qui mène les conjurés projette de gagner à leur cause Brutus, un proche de César, qui passe pour un modèle de vertu républicaine et qui donnerait un grand poids à la conjuration.

A l'acte deux, les conjurés amenés par Cassius se rendent chez Brutus, qui finit par se ranger à leurs raisons, le meurtre est décidé et organisé. César hésite à sortir, sa femme Calpurnia, qui a fait des rêves prémonitoires, veut l'en dissuader. Il cède dans un premier temps, mais Décius, l'un des conjurés, le fait changer d'avis. César se dirige vers le Sénat entouré par ceux qui veulent l'assassiner.

Au troisième acte, le meurtre à lieu. le population est terrifiée et partagée devant cet acte dont elle ne comprend pas les tenants et les aboutissants. Brutus se propose de parler à la foule pour expliquer l'acte des conjurés et rassurer tout le monde. Les gens se rendent à ses raisons. Mais il permet à Marc Antoine de parler à sa suite pour faire l'éloge de César. Ce dernier retourne le peuple, et le déchaîne contre les meurtriers de César.

Au quatrième acte, Antoine et Octave, à qui ils se sont adjoint pour un temps Lépide, prononcent les exécutions et proscriptions et préparent la guerre. Dans le camps des conjurés, une dispute éclate entre Brutus et Cassius. Ils finissent par se réconcilier et à décider le plan de bataille à venir. Brutus, seul dans sa tante, voit le spectre de César.

Au cinquième acte, le dénouement tragique arrive. Octave et Antoine sont vainqueurs, Cassius, puis Brutus se suicident.

La pièce est riche et complexe, elle comprend de très nombreux personnages, plus ou moins épisodiques pour certains. Elle se passe en deux journées, séparées par un temps indéterminé : celle de la préparation du meurtre, et des deux discours, puis celle de la bataille finale. A l'intérieur de ces deux moments, tout est extrêmement condensé.

Les caractères de tous les personnages sont très précisément dessinés : César, au faîte de sa puissance, inflexible, mais affectueux avec ceux qu'il aime, sensible aux présages, physiquement fragile (épileptique, sourd d'une oreille) reste une énigme : voulait-il vraiment devenir roi ? Ou les conjurés ont-ils anticipé un péril qui n'avait pas lieu d'être ? Brutus, honnête jusqu'à l'excès, jusqu'à la naïveté, se laisse un peu manoeuvrer par Cassius pour entrer dans la conjuration. Il provoque au final la guerre civile et ouvre la porte à la prise de pouvoir par le triumvirat, et porte dans sa conscience la mort de César. Cassius, envieux et peu scrupuleux, est un ami sincère. Tous ont leur petitesse et leur grandeur. La discordance entre les valeurs, les principes, qui poussent à l'action et les résultats de cette dernière, définissent l'essence même de la tragédie, qui met en valeur une forme d'impuissance humaine, sans intervention divine comme dans les tragédies antiques.

La question du pouvoir en semblerait presque au second plan, même si évidemment elle est présente. C'est l'incapacité de la foule, du nombre, à décider, à penser, à prendre la direction des événements, alors qu'ils en ont la possibilité, qui me frappe dans la pièce. le peuple romain ne sait que penser du meurtre, il suit dans un premier temps Brutus, avec de céder au discours faisant appel aux sentiments et à la flatterie d'Antoine. Un rien à un moment donné, fait pencher la balance.

Une pièce passionnante, même si difficile à représenter.
Commenter  J’apprécie          244
D'un tout autre niveau que Titus Andronicus! Les trois premiers actes sont extraordinaires, et j'ai eu l'impression que c'était la meilleure pièce de Shakespeare que je lisais depuis la grande époque de mes découvertes de la Tempête, Roméo et Juliette, Macbeth, Othello...

L'écriture est un régal, et l'on retrouve tous ces personnages perpétuellement philosophes et poètes, qui font le succès et l'intemporalité du grand William. le contenu déjoue encore mes prévisions : Je ne connaissais César et Brutus que par le fameux "Tu Quoque Filii!", et pensais assister à une tragédie père/fils tourmentée. Ce n'est pas vraiment ça : Tout un groupe de conjurés veut faire tomber Jules César, avec des motivations diverses, qui relèvent en fait du théorique. Ils contestent surtout sa persona omnipotente divine, mégalomane, le culte autour de lui, et développent tout un argumentaire autour du tyran à défaire qui, comme d'habitude, multiplie les citations toujours magistrales en 2018. Ils agissent par prévention, dans le but d'éviter une ascension trop écrasante et il y a somme toute peu d'exemples concrets d'exactions injustes de César qui les pousseraient à l'insurrection... Mais quoi de plus normal, chez Shakespeare, qu'une conjuration métaphysique?

César est représenté par ailleurs de façon comique, certains critiques le qualifient de sénile, mais ses rares apparitions (car le personnage demeurera secondaire dans la présence) le laissent davantage paraître sur le déclin que détenteur de velléités autoritaires à empêcher! Brutus, lui, est dépeint comme influencé et entraîné progressivement dans le groupe par Cassius, mais véritablement préoccupé par le bien de Rome... Lorsqu'il décide, contre Cassius, de laisser Antoine en vie, on se doute de la suite de la tragédie qui va s'accomplir. Un certain nombre de scènes sont très marquantes, comme les discussions des conjurés, particulièrement la réunion nocturne sous les étoiles chez Brutus, le meurtre, les répliques d'Antoine pleurant César ou s'adressant au peuple... À ce dernier sujet, il y a un passage fameux où l'on voit la plèbe agir totalement en girouette sous l'effet d'un orateur! le parallèle avec notre époque et les médias de masse est inévitable...

En bref, j'ai adoré, et retrouvé William Shakespeare par rapport à Titus Andronicus, même si les actes IV et V sont moins marqués par le trait de génie. Cette révolution purement d'ordre intellectuel, et qui aboutit évidemment au chaos, est un spectacle toujours stimulant.
Commenter  J’apprécie          260
À quoi se reconnaissent les grands auteurs?
Une réponse pourrait être leur capacité de créer des personnages dont la richesse les rend difficiles à interpréter.
En tout cas cela se vérifie bien dans cette tragédie du grand Will, qui n'est pas la plus connue. Elle ne m'a pas fait un effet très marquant, même si je dois reconnaître qu'elle magnifiquement construite et évocatrice.
C'est la mise en scène de l'assassinat de César. Mais ce qui le plus montré, ce sont les motivations et parfois les hésitations des conjurés, ainsi que les conséquences du meurtre.
J'ai été surpris que Brutus, souvent présenté comme le pire des traîtres, soit ici décrit comme le personnage le plus noble et le plus moral. Ses motivations dans l'assassinat sont le bien public: il faut barrer la route à la tyrannie. Il ne donne aucun motif personnel à son acte. Au contraire, il regrette d'avoir à accomplir ce qu'il considère comme son devoir. Cette complexité des motifs d'action se retrouve dans d'autres protagonistes comme Cassius et Antoine. Par opposition la populace est simplement versatile et suit le dernier qui parle.
Et au final, bien sûr, les conjurés sont vaincus et l'autocratie l'emporte en la personne d'Octave.
Se trouvent donc combinées dans cette pièce les complexités des personnalités et de l'action politique. En croyant sincèrement abattre la tyrannie, on génère le chaos et on n'empêche rien. Une vision lucide, pessimiste éventuellement, des actions des hommes, qui s'applique à l'Antiquité romaine, et sans doute aussi à l'Angleterre élisabéthaine.
Les passages poétiques sont peut-être moins nombreux dans cette tragédie que dans d'autres, mais ils servent l'action.
C'est à lire évidemment et à aller voir si possible. Si vous connaissez de bonnes adaptations à voir le net, n'hésitez pas à les signaler.
Commenter  J’apprécie          272
Histoire mythique que celle de Jules César, amant de Cléopâtre, reine d'Egypte, avec laquelle il a eu son unique fils : Césarion. En effet, il n'a pas eu d'enfant avec son épouse Calpurnia. On ne parle pas de Jules César sans évoquer Brutus l'un de ses meurtriers. Ici Shakespeare a évité toute allusion à cette paternité supposée dont Servilia serait la mère d'après Suétone (Jules César, 82).
Cette tragédie ne se déroule que sur quelques jours, le temps de mettre en place l'attentat contre César et de poursuivre les agresseurs. Pas de Cléopâtre donc, mais un César et un Brutus au premier plan. C'est d'ailleurs lui-même qui a sa place en quatrième de couverture puisque c'est une de ses répliques qui est mise en avant. Réplique que j'avais cochée, tant elle est forte et émouvante à la fois et qui fera partie de mes citations.
J'aurais dû lire ce livre avant Antoine et Cléopâtre, mais à l'époque je ne le possédais pas encore, donc lecteur, tu sauras dans quel ordre lire ces deux tragédies si le coeur t'en dit. Bien mieux écrit (ou traduit) qu'Antoine et Cléopâtre, Jules César se lit vite et passionne rapidement. En effet, il n'y a pas de temps mort, on démarre par le complot orchestré par Marcus Brutus, Cassius, Casca, Trébonius, Ligarius, Décius Brutus, Métellus Cimber et Cinna qui s'opposaient à ce que César puisse hériter de la couronne de Rome, qu'il avait pourtant lui-même refusé par trois fois alors que Marc-Antoine la lui tendait. Bien entendu, nul ne prêtera suffisamment attention au Devin qui les priera de craindre les Ides de Mars, expression bien connu depuis. Ce qui est bien connu de tous arrivera, César périra sous les coups de poignards de ses assaillants. Ses amis s'engageront alors dans une terrible vendetta qui n'épargnera personne.
La préface d'Yves Bonnefoy est réellement très intéressante mais je vous conseille de la lire après la tragédie. En effet, il y a des extraits du roman qui sont expliqués plus en détails et qui sont très importants. Aussi est-il préférable de ne pas savoir en avance ce qui va se passer pour ne pas gâcher notre bon plaisir de lecture. Yves Bonnefoy ajoute des petites touches historiques et corrige même certaines erreurs.


Place maintenant comme d'habitude à quelques citations :

Acte 1 scène 1 :
Un ouvrier : Je ne vis que pour mon alêne. Les artisans, les femmes, je ne me mêle pas de leurs affaires : et pourtant je les tiens tous en haleine. Je suis le chirurgien des vieilles godasses. Oui, monsieur. Si elles trépassent, qu'on me les passe ! Ah, combien d'hommes ont passé sur le travail de mes mains ! Jamais plus élégants n'ont marché sur de la vache !

Acte 1 scène 3 :
Casca : N'êtes-vous pas ému, quand tout l'ordre du monde tremble, porte déjointe ? O Cicéron, j'ai vu des ouragans dont les vents pleins de cris fendaient le tronc nouveau des chênes. J'ai vu, parfois, l'ambitieux océan se gonfler, de rage, d'écume, jusqu'à toucher les nuées menaçantes. Mais jamais avant cette nuit, jamais jusqu'à présent je n'avais traversé de tempête de feu… Soit la discorde est dans le ciel et le déchire, soit le monde trop insolent a irrité les dieux, qui lui envoient mort et désastre.

Acte 2 scène 2 :
Calpurnia : César, je n'ai jamais cru aux présages, mais aujourd'hui ils m'effrayent. Un homme est là qui, à ce que nous avons vu et entendu, ajoute de terribles merveilles vues par le guet. Une lionne a mis bas dans la rue, des tombes ont bâillé et vomi leurs morts, et des soldats en feu ont heurté dans les nues les farouches rangées de leurs bataillons. le brouillard de leur sang couvrit le Capitole, le bruit de leur combat transperça le ciel, et l'on a entendu leurs chevaux hennir, leurs mourants geindre et des spectres glapir et siffler dans nos rues ! O César ! Tout cela dépasse la nature et me fait peur !
Acte 3 scène 1 : César vient d'être assassiné :
Antoine : Oh César, il est vrai que je t'aimais, et ton esprit, s'il nous contemple maintenant, ne s'afflige-t-il pas, bien plus que de ta mort, de voir ton cher Antoine avec tes adversaires faisant sa paix, serrant leurs doigts sanglants, ô très noble ! et cela devant ton corps ? Si j'avais autant d'yeux que toi de blessures, et pleurais aussi fort que ton sang coule, cela me siérait mieux que de venir ainsi faire amitié avec tes ennemis. Pardonne-moi, César. Ici tu fus aux abois, brave cerf, ici tu es tombé. Et voici tes chasseurs, souillés de ta dépouille, empourprés de ta mort. Monde, tu as été la forêt de ce cerf, et lui, c'était ton coeur. Ah, que tu sembles, pauvre bête abattue, le hallali d'une chasse de princes !

Antoine : Ô peu de terre ensanglantée, pardonne-moi si je suis aussi humble avec ces bouchers ! Tu es la ruine de l'homme le plus noble qui fut jamais dans le cours des temps. Malheur à qui versa ton sang précieux ! Sur tes plaies, ces bouches muettes, mais qui ouvrent leurs lèvres de rubis pour réclamer le secours de ma voix, je prophétise qu'une malédiction va fondre sur les hommes. Domestiques fureurs, âpres guerres civiles vont désoler la terre d'Italie. Sang et ruine seront monnaie si courante, les spectacles affreux si familiers que les mères n'auront plus qu'un sourire quand leurs enfants seront écartelés par les mains de la guerre. Toute pitié s'étouffera dans le pli de l'horrible, et l'âme De César en quête de vengeance, avec Até surgie brûlante de l'Enfer, criera : « Pas de quartier ! » de sa voix de monarque, lâchant sur nos pays ses chiens de combat. Ô puanteur qu'exhalera ce crime sur la terre chargée de débris de corps implorant sépulture !

Acte 3 scène 2 :
Brutus (extrait quatrième de couverture) : Romains, mes concitoyens, mes amis ! Ecoutez-moi plaider ma cause, et taisez-vous pour mieux entendre je vous prie. Je vous demande de me croire sur l'honneur. Et d'avoir égard à mon honneur pour me croire. Jurez-moi dans votre sagesse. Et pour juger le mieux possible, tenez vos sens en éveil. S'il y a parmi vous quelque vrai ami De César, eh bien, qu'il sache que l'amour que Brutus portait à César n'était pas moindre que le sien. Et s'il demande pourquoi Brutus s'est dressé contre César, voici ma réponse : je n'aimais pas César moins, j'aimais Rome davantage. Préférez-vous César vivant, et mourir esclaves, ou César mort, et tous vivre libres ? César m'aimait, je le pleure. Il connut le succès, je m'en réjouis. Il fut vaillant, je l'honore. Mais il fut ambitieux et je l'ai tué. Pour son amitié, des larmes. Pour sa fortune, un souvenir joyeux. Pour sa valeur, du respect. Et pour son ambition, la mort. Qui parmi vous est assez vil pour accepter d'être esclave ? Si un tel homme existe, qu'il parle. Car lui, je l'ai offensé. Qui est assez grossier pour ne pas désirer d'être un Romain ? Si un tel homme existe, qu'il parle. Car lui, je l'ai offensé. Qui est abject au point de ne pas aimer son pays ? Si un tel homme existe, qu'il parle. Car lui, je l'ai offensé. Je m'arrête et j'attends.

Antoine : Si vous avez des pleurs, préparez-vous à les répandre. Vous connaissez ce manteau. Je me souviens de la première fois que César l'a porté. C'était un soir d'été, sous sa tente, le jour de la défaite des Nerviens. Voyez-le, maintenant. Ici a pénétré la dague de Cassius. Ici, cette déchirure, c'est de Casca, le fourbe. Et là, Brutus, le bien-aimé, a frappé. Quand il retira son fer maudit, voyez comment le sang De César s'est jeté à sa suite, au-dehors, pour se convaincre que c'était bien Brutus qui avait frappé. Car César le tenait pour son ange, vous le savez : jugez, ô dieux, comme il devait l'aimer. Certes ce fut l'atteinte la plus cruelle. Quand César eut compris, l'ingratitude, plus forte que les bras perfides, l'a vaincu. C'est alors qu'a cédé son vaste coeur. Dans son manteau il a caché sa face, et sous la statue même de Pompée, qui ne cessait de répandre du sang, le grand César est tombé. Quelle chute, citoyens ! Moi, vous, nous tous sommes tombés avec lui, sous la sanguinaire trahison… Mais vous pleurez. Je vois que la pitié vous a touchés au coeur. Ô pieuses larmes ! Et de notre César pourtant, âmes aimantes, vous ne pleurez que le manteau blessé. Mais voyez-le lui-même, ici, navré par la main des traîtres ! (Il arrache le manteau).

Acte 4 scène 1 :
Antoine : Je compte plus de jours que vous, Octave ! Si pour nous libérer de la calomnie nous plaçons sur lui tant d'honneurs, c'est pour qu'il les transporte comme l'âne, tiré, poussé, suant et gémissant, porte l'or où nous le voulons. Mais quand Lépide aura mis en lieu sûr notre trésor, nous le déchargerons pour qu'il s'en aille, comme l'âne au repos, paître au pré communal en remuant les oreilles.

Commenter  J’apprécie          40


critiques presse (1)
LeMonde
28 août 2018
Portée par une rhétorique complexe sous son apparente simplicité, cette tragédie qui annonce Hamlet, à travers le personnage d’Antoine, tremble des « frissons nouveaux » d’une époque à venir, à quelque siècle que l’on soit.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (70) Voir plus Ajouter une citation
ANTOINE : Le mal que font les hommes survit après eux,
Le bien est souvent enterré avec leurs os ;
Qu'il en soit ainsi pour César. Le noble Brutus
Vous a dit que César était ambitieux.
Si cela est vrai, la faute était cruelle,
Et cruellement César en a payé le prix.
Ici, avec la permission de Brutus et des autres,
Car Brutus est un homme honorable,
Comme ils le sont tous, tous des hommes honorables,
Je viens parler des funérailles de César.
Il fut mon ami, fidèle et juste envers moi ;
Mais Brutus dit qu'il fut ambitieux,
Et Brutus est un homme honorable.
Il ramena bien des captifs chez nous à Rome,
Dont les rançons remplirent les coffres publics ;
Était-ce là chez César preuve d'ambition ?
Quand les pauvres pleuraient, César versait des larmes :
L'ambition devrait être d'une plus rude étoffe,
Pourtant Brutus dit qu'il fut ambitieux,
Et Brutus est un homme honorable.
Tous vous m'avez vu, le jour des lupercales,
Trois fois lui présenter la couronne royale,
Qu'il refusa trois fois. Était-ce de l'ambition ?
Pourtant Brutus dit qu'il fut ambitieux,
Et pour sûr c'est un homme honorable.
Je ne parle pas pour contredire Brutus,
Mais je suis ici pour dire ce que je sais.
Vous l'aimiez tous jadis, non sans cause,
Quelle cause alors vous empêche de le pleurer ?
Ô jugement, tu t'es réfugié chez les bêtes brutes,
Et les hommes ont perdu leur raison ! Excusez-moi,
Mon cœur est là dans le cercueil, avec César,
Et je dois me taire jusqu'à ce qu'il me revienne.
[…]
Hier encore, un mot de César pouvait
Défier le monde. Maintenant il gît là,
Et même le plus pauvre lui refuse le respect.
Ô mes amis, s'il me prenait l'envie d'exciter
Vos cœurs et vos esprits à la rébellion et à la rage,
Je ferais offense à Brutus, et offense à Cassius,
Qui, vous le savez tous, sont des hommes honorables.
Je ne veux pas leur faire offense. J'aime mieux choisir
De faire offense aux morts, offense à moi et à vous,
Plutôt que de faire offense à des hommes si honorables.
Mais voici un parchemin, avec le sceau de César,
Je l'ai trouvé dans son bureau, ce sont ses volontés :
Il suffirait que le peuple entende ce testament,
Que, pardonnez-moi, je ne prétends pas lire,
Et tous courraient baiser les plaies de César mort,
Et tremper leurs mouchoirs dans son sang sacré,
Oui, mendier en souvenir un seul de ses cheveux,
Pour, en mourant, l'inscrire dans leurs volontés,
Et le transmettre comme un riche héritage
À leur postérité.
[…]
Soyez patients, doux amis, je ne dois pas les lire.
Il n'est pas bon que vous sachiez combien César vous aimait :
Vous n'êtes pas de bois, vous n'êtes pas de pierre, mais des hommes,
Et quel homme, entendant les volontés de César,
Ne s'enflammerait pas, ne deviendrait pas fou ?
Mieux vaut que vous ignoriez être ses héritiers,
Car si vous le saviez, oh ! que n'adviendrait-il pas ?

Acte III, Scène 2.
Commenter  J’apprécie          692
Ah, mon ami, il enjambe ce monde étroit
Comme un colosse, et nous, hommes obscurs,
Passons sous ses énormes jambes, et alentour
Cherchons des yeux nos tombes sans honneur.
L’homme peut décider de son destin, parfois,
La faute, cher Brutus, n’est guère dans nos astres
Si nous sommes esclaves, mais en nous.
Brutus. César. Qu’y aurait-il dans ce « César » ?
Pourquoi ce nom retiendrait-il plus que le vôtre ?
Ecrivez-les ensemble : le vôtre est aussi beau ;
Prononcez-les, il résonne aussi bien,
Et pesez-les, il est aussi lourd, et chargez-les
D’invoquer les démons : Brutus vaudra César
Alors ! Au nom de tous les dieux !
De quelle viande a donc mangé César
Qu’il devienne si grand ? Ô siècle, siècle vil !
Rome, tu as perdu le meilleur de ton sang !
Quand a-t-on vu à Rome, et depuis le déluge,
Une époque qui n’eût de glorieux qu’un seul homme,
Et qui eût jadis, parlant de Rome :
Il n’y a qu’un seul homme en ces vastes murs ?
Mais est-ce Rome encor ? Grande, trop grande Rome
S’il n’y a plus en Rome qu’un Romain !
Ah ! vous et moi nous tenons de nos pères
Qu’il y eût un Brutus jadis… Un qui n’eût pas
Plus volontiers souffert que l’enfer tienne Rome,
Ou qu’y paraisse un roi !
(CASSIUS, Acte I, scène 2)
Commenter  J’apprécie          120
Non, non, pas de serment ! Si le regard des hommes
Et notre âme souffrante et l’injure du temps
Sont des motifs trop faibles, brisons là
Et regagnons chacun notre lit paresseux.
La tyrannie cependant, arrogante,
Ira toujours, tuant au hasard. Mais s’ils ont,
Et je n’en doute pas, assez d’ardeur
Pour enflammer les pleutres, pour durcir
Le cœur faible de femmes, alors, concitoyens,
Nous faut-il un autre éperon que notre cause
Pour nous remettre debout ? Et d’autres liens
Que la parole de Romains surs et discrets
Qui ne failleront pas ? Pas de serment,
Sinon, faite à l’honneur par l’honneur même,
La promesse de triompher ou de périr.
Aux prêtres de jurer, aux pleutres et aux fourbes,
Aux carcasses débiles, aux âmes préparées
A souffrir l’injustice. Hommes douteux,
Ils jureront pour des causes mauvaises. Quant à nous,
Préservons la vertu de notre action
Et l’ardeur invincible de nos esprits
De cette idée que notre cause ou notre tâche
Exige le serment. Chaque goutte de sang
Que chaque Romain porte, et noblement,
N’est-elle pas frappée de bâtardise
S’il parjure un seul mot d’une promesse faite ?
(BRUTUS, Acte II, scène 1)
Commenter  J’apprécie          120
— La foi naïve et simple est sans artifice,
— mais les hommes creux sont comme certains chevaux fougueux au premier abord ;
— ils promettent par leur allure vaillante la plus belle ardeur ; mais, dès qu’il leur faut endurer l’éperon sanglant,
— ils laissent tomber leur crinière, et, ainsi que des haridelles trompeuses,
— succombent à l’épreuve.

(Brutus à Lucilius ; scène XI)
Commenter  J’apprécie          340
Un ouvrier : Je ne vis que pour mon alêne. Les artisans, les femmes, je ne me mêle pas de leurs affaires : et pourtant je les tiens tous en haleine. Je suis le chirurgien des vieilles godasses. Oui, monsieur. Si elles trépassent, qu’on me les passe ! Ah, combien d’hommes ont passé sur le travail de mes mains ! Jamais plus élégants n’ont marché sur de la vache !

Casca : N’êtes-vous pas ému, quand tout l’ordre du monde tremble, porte déjointe ? O Cicéron, j’ai vu des ouragans dont les vents pleins de cris fendaient le tronc nouveau des chênes. J’ai vu, parfois, l’ambitieux océan se gonfler, de rage, d’écume, jusqu’à toucher les nuées menaçantes. Mais jamais avant cette nuit, jamais jusqu’à présent je n’avais traversé de tempête de feu… Soit la discorde est dans le ciel et le déchire, soit le monde trop insolent a irrité les dieux, qui lui envoient mort et désastre.

Calpurnia : César, je n’ai jamais cru aux présages, mais aujourd’hui ils m’effrayent. Un homme est là qui, à ce que nous avons vu et entendu, ajoute de terribles merveilles vues par le guet. Une lionne a mis bas dans la rue, des tombes ont bâillé et vomi leurs morts, et des soldats en feu ont heurté dans les nues les farouches rangées de leurs bataillons. Le brouillard de leur sang couvrit le Capitole, le bruit de leur combat transperça le ciel, et l’on a entendu leurs chevaux hennir, leurs mourants geindre et des spectres glapir et siffler dans nos rues ! O César ! Tout cela dépasse la nature et me fait peur !

Antoine : Oh César, il est vrai que je t’aimais, et ton esprit, s’il nous contemple maintenant, ne s’afflige-t-il pas, bien plus que de ta mort, de voir ton cher Antoine avec tes adversaires faisant sa paix, serrant leurs doigts sanglants, ô très noble ! et cela devant ton corps ? Si j’avais autant d’yeux que toi de blessures, et pleurais aussi fort que ton sang coule, cela me siérait mieux que de venir ainsi faire amitié avec tes ennemis. Pardonne-moi, César. Ici tu fus aux abois, brave cerf, ici tu es tombé. Et voici tes chasseurs, souillés de ta dépouille, empourprés de ta mort. Monde, tu as été la forêt de ce cerf, et lui, c’était ton cœur. Ah, que tu sembles, pauvre bête abattue, le hallali d’une chasse de princes !

Antoine : Ô peu de terre ensanglantée, pardonne-moi si je suis aussi humble avec ces bouchers ! Tu es la ruine de l’homme le plus noble qui fut jamais dans le cours des temps. Malheur à qui versa ton sang précieux ! Sur tes plaies, ces bouches muettes, mais qui ouvrent leurs lèvres de rubis pour réclamer le secours de ma voix, je prophétise qu’une malédiction va fondre sur les hommes. Domestiques fureurs, âpres guerres civiles vont désoler la terre d’Italie. Sang et ruine seront monnaie si courante, les spectacles affreux si familiers que les mères n’auront plus qu’un sourire quand leurs enfants seront écartelés par les mains de la guerre. Toute pitié s’étouffera dans le pli de l’horrible, et l’âme de César en quête de vengeance, avec Até surgie brûlante de l’Enfer, criera : « Pas de quartier ! » de sa voix de monarque, lâchant sur nos pays ses chiens de combat. Ô puanteur qu’exhalera ce crime sur la terre chargée de débris de corps implorant sépulture !

Brutus (extrait quatrième de couverture) : Romains, mes concitoyens, mes amis ! Ecoutez-moi plaider ma cause, et taisez-vous pour mieux entendre je vous prie. Je vous demande de me croire sur l’honneur. Et d’avoir égard à mon honneur pour me croire. Jurez-moi dans votre sagesse. Et pour juger le mieux possible, tenez vos sens en éveil. S’il y a parmi vous quelque vrai ami de César, eh bien, qu’il sache que l’amour que Brutus portait à César n’était pas moindre que le sien. Et s’il demande pourquoi Brutus s’est dressé contre César, voici ma réponse : je n’aimais pas César moins, j’aimais Rome davantage. Préférez-vous César vivant, et mourir esclaves, ou César mort, et tous vivre libres ? César m’aimait, je le pleure. Il connut le succès, je m’en réjouis. Il fut vaillant, je l’honore. Mais il fut ambitieux et je l’ai tué. Pour son amitié, des larmes. Pour sa fortune, un souvenir joyeux. Pour sa valeur, du respect. Et pour son ambition, la mort. Qui parmi vous est assez vil pour accepter d’être esclave ? Si un tel homme existe, qu’il parle. Car lui, je l’ai offensé. Qui est assez grossier pour ne pas désirer d’être un Romain ? Si un tel homme existe, qu’il parle. Car lui, je l’ai offensé. Qui est abject au point de ne pas aimer son pays ? Si un tel homme existe, qu’il parle. Car lui, je l’ai offensé. Je m’arrête et j’attends.

Antoine : Si vous avez des pleurs, préparez-vous à les répandre. Vous connaissez ce manteau. Je me souviens de la première fois que César l’a porté. C’était un soir d’été, sous sa tente, le jour de la défaite des Nerviens. Voyez-le, maintenant. Ici a pénétré la dague de Cassius. Ici, cette déchirure, c’est de Casca, le fourbe. Et là, Brutus, le bien-aimé, a frappé. Quand il retira son fer maudit, voyez comment le sang de César s’est jeté à sa suite, au-dehors, pour se convaincre que c’était bien Brutus qui avait frappé. Car César le tenait pour son ange, vous le savez : jugez, ô dieux, comme il devait l’aimer. Certes ce fut l’atteinte la plus cruelle. Quand César eut compris, l’ingratitude, plus forte que les bras perfides, l’a vaincu. C’est alors qu’a cédé son vaste cœur. Dans son manteau il a caché sa face, et sous la statue même de Pompée, qui ne cessait de répandre du sang, le grand César est tombé. Quelle chute, citoyens ! Moi, vous, nous tous sommes tombés avec lui, sous la sanguinaire trahison… Mais vous pleurez. Je vois que la pitié vous a touchés au cœur. Ô pieuses larmes ! Et de notre César pourtant, âmes aimantes, vous ne pleurez que le manteau blessé. Mais voyez-le lui-même, ici, navré par la main des traîtres ! (Il arrache le manteau).

Antoine : Je compte plus de jours que vous, Octave ! Si pour nous libérer de la calomnie nous plaçons sur lui tant d’honneurs, c’est pour qu’il les transporte comme l’âne, tiré, poussé, suant et gémissant, porte l’or où nous le voulons. Mais quand Lépide aura mis en lieu sûr notre trésor, nous le déchargerons pour qu’il s’en aille, comme l’âne au repos, paître au pré communal en remuant les oreilles.
Commenter  J’apprécie          10

Videos de William Shakespeare (373) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de William Shakespeare
En Europe comme aux États-Unis, la pièce "Macbeth" de William Shakespeare est entourée de superstitions, au point d'être devenue maudite. Mais d'où vient cette malédiction présumée ?
#theatre #culture #art #shakespeare #macbeth
_____________
Retrouvez-nous sur : Facebook : https://fr-fr.facebook.com/franceculture Twitter : https://twitter.com/franceculture Instagram : https://www.instagram.com/franceculture TikTok : https://www.tiktok.com/@franceculture Twitch : https://www.twitch.tv/franceculture
Et abonnez-vous à la newsletter Culture Prime : https://www.cultureprime.fr/
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature anglaise et anglo-saxonne>Littérature dramatique anglaise (128)
autres livres classés : théâtreVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (737) Voir plus



Quiz Voir plus

Roméo et Juliette

"Roméo et Juliette" est une comédie.

Vrai
Faux

10 questions
1990 lecteurs ont répondu
Thème : Roméo et Juliette de William ShakespeareCréer un quiz sur ce livre

{* *}