Muf ! Mouiii… Bah ! Bof ! Héééé ! Tiens, tiens !
Rassurez-vous, je ne me suis pas métamorphosé en une caricature de ce cher Achille Talon pour vous donner mon ressenti sur La Tempête. Mais cette suite d'onomatopée traduit assez bien l'évolution de ce ressenti au cours de ma lecture.
J'ai commencé par être déçu. La raison en est que j'avais placé très haut mes attentes sur cette pièce, simplement parce qu'elle a été regroupée avec le Songe d'une Nuit d'Été dans le sous-groupe des Fééries. Et il faut savoir que je place le Songe au panthéon de toutes les pièces de théâtre produite dans la galaxie (c'est assurément mon goût pour les littératures de l'imaginaire qui s'exprime). Prospero et Caliban étaient comme des noms mythologiques et j'allais enfin découvrir leur Edda.
Comme souvent quand on attend trop de quelque chose, on est un brin désappointé quand ce quelque chose advient. Très subjectivement, ma joie présumée est retombée comme un soufflé, mais il m'est difficile de reconnaître pourquoi. Peut-être un manque de féerie justement, peut-être un Prospero que j'ai trouvé plus fade et gentil qu'attendu, peut-être un abus d'éléments de farce qui se ressemblent.
Une fois retombé sur Terre cependant, le plaisir de lire Shakespeare est enfin ressorti du bois où il s'était endormi. William savait ne pas assommer son auditoire par des tirades à rallonge, simplement en introduisant au milieu de courts dialogues qui, s'il n'apporte rien en eux-mêmes, permettent de souffler et de ne pas oublier qu'on n'écoute pas une thèse mais bien une histoire avec des gens. William était un as pour les dialogues à plusieurs voix : un couple qui discute (par exemple Alonzo et Gonzalo), un autre couple qui moque le premier (Sébastien et Antonio). William manie bien la multiplicité des personnages. William glisse sa culture en citant du Montaigne et imitant du Marlowe (non, non, je n'ai pas trouvé ça tout seul ; j'ai seulement lu les notes de François-Victor Hugo, le traducteur).
Comme dans le Songe, tout est bien qui finit bien à la fin. Je n'ai pas pu m'empêcher de rapprocher la clémence de Prospero de celle d'Auguste dans Cinna de Corneille. Il avait pourtant toutes les raisons et toute la puissance de pratiquer une vengeance d'une profonde cruauté. Mais non, il reste soft. Impressionnant !
Même si mon plaisir effectif n'a pas été à la hauteur de celui espéré, j'ai quand même passé un bon moment. Et je devais de toute façon la lire afin de pouvoir attaquer armé le roman fantasy de Poul Anderson Tempête d'une Nuit d'Été qui, comme son titre l'indique, s'inspire des deux fééries de Shakespeare.
Challenge Théâtre 2017-2018
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Alors qu'il était duc de Milan, Prospero a laissé les rênes à son frère, Antonio, pour mieux se consacrer à ses recherches sur la magie. Ce dernier a jeté Prospero et sa fille dans un bateau pourri en espérant qu'ils ne survivraient pas. Mais ils ont trouvé refuge sur une île.
Ariel, un esprit des éléments, prisonnier de Prospero, fait souffler une tempête sur le bateau du roi Alonzo qui revient du mariage de sa fille, en compagnie d'Antonio. Les occupants du navire sont dispersés sur la plage de l'île de Prospero qui va vouloir se venger en utilisant ses pouvoirs magiques.
C'est une histoire de vengeance, d'amour, de magie et de pardon, une pièce légère et joyeuse.
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Extraits :
Acte I Scène 2 :
Prospéro à Miranda :
Mon art, repose ici.
Et toi, essuie tes yeux, console-toi,
Car l'horrible spectacle de ce naufrage
Qui éveilla ta compassion, si vertueuse,
Mon art, ma clairvoyance l'ont réglé
Si précautionneusement que pas une âme
N'en a pâti ; et que sur ce vaisseau
Où l'on criait si fort et que tu vis sombrer
Personne n'a perdu pas même un cheveu.
Ton oncle, quand un jour il fut passé maître
Dans l'art de satisfaire ou de rejeter les requêtes,
Favorisant un tel, empêchant tel autre
De se pousser trop haut, eh bien, il fit siens mes hommes,
Il les changea, il en fit d'autres êtres,
Il eut la clef du clerc comme du bureau,
Il fit de tous les coeurs, partout dans l'Etat,
Les cordes de sa musique, bref, il devint
Li lierre qui couvrit mon tronc princier,
Et en tarit la sève...
[...]
Fais bien attention, je te prie !
Comme je négligeais les choses du monde,
Tout à cette retraite dont j'attendais
Le perfectionnement de mon esprit
Par cette science qui, d'être trop secrète,
Passe certes l'entendement des gens du commun,
J'éveillai dans mon frère, ce déloyal,
Sa mauvaise nature ; ma confiance même,
Comme celle d'un trop bon père, fit naître en lui
En sens inverse, une traîtrise égale
A cette fois qui n'avait pas de bornes,
Hélas, non, pas de bornes ! Et lui, le maître
Ainsi de tout, prérogatives, revenus,
Et qui mentait si bien qu'à force de mentir
Il corrompit sa mémoire elle-même
Qui l'assura qu'était vrai son mensonge,
Lui, donc, ne douta plus qu'il était le duc
Donc il avait les dehors, le pouvoir,
Et, ambitieusement, de plus en plus...
[...]
Miranda
Mais comment se fait-il
Qu'on ne nous ait pas tués, cette nuit-là ?
Prospéro
Bonne question, ma fille. Mon récit
Y incite, c'est sûr. Ils n'osèrent pas, mon aimée,
Mon peuple m'aimait trop. Ils se gardèrent
De teindre leur méfait de sang, ils voulurent peindre
Un horrible projet de belles couleurs,
Bref, ils nous ont jetés dans une barque
Et conduit à des lieues au large, où attendait
Par leurs soins un rafiot, coque pourrie,
Sans voilure, sans mâts, et que les rats même
Avaient abandonnée, d'instinct. Là ils nous laissèrent
A pleurer dans la mer qui, en retour,
Nous hurlait ses clameurs ; à gémir dans les vents
Dont la pitié, c'était de gémir de même
Mais sans trop nous secouer, comme avec amour.
Miranda
Las, quelle gêne
Je dus être pour vous !
Prospéro
Tu fus un ange,
C'est toi qui me sauvas. Tu souriais,
Forte d'une assurance venue des cieux,
Alors que moi j'agrémentais la mer
D'un supplément de sel avec les larmes
Que mon fardeau m'arrachait. C'est toi
Qui me mis coeur au ventre, qui me donnas
L'énergie d'affronter ce qui allait suivre.
Acte II Scène 1
Alonso
Tais-toi, de grâce ! Tes discours ne me sont de rien.
Gonzalo
J'en crois aisément Votre Grandeur. Et je ne parlais de la sorte que pour donner occasion de plaisanter à ces gentilshommes, qui ont la rate si sensible et primesautière que c'est leur habitude de rire à propos de rien.
Antonio
De rien, en effet, puisque c'est de vous que nous rions.
Gonzalo
De moi qui ne suis rien auprès de vous pour le persiflage, en effet. Si bien que vous pouvez continuer de rire à propos de rien.
Antonio
Voilà qui est porter un bon coup !
[...]
Ariel qui chante à l'oreille de Gonzalo
Pendant que tu dors ici
D'autres veillent, qui ont ourdi
Un complot contre ta vie.
Si tu tiens à ton existence
Réveille-toi, prends conscience.
Debout, debout !
Acte II Scène 2
Stéphano
Si tu es bien Trinculo, sors de là-dessous. Je vais te tirer par tes jambes les plus courtes... Si jambes de Trinculo il y a, il faut que ce soit celles-là. (Il le tire de sous le manteau) Trinculo ! Du pur Trinculo, ma parole ! Comment t'y es-tu pris pour te faire l'étron de ce rejeton de la lune ? Est-ce qu'il chierait des Trinculos ?
Acte III Scène 1
Ferdinand
Il est des exercices bien éprouvants
Mais dont pourtant la durée rehausse
Un plaisir qu'on y trouve ; des abaissements
Que l'on endure sans déchoir ; et d'extrêmes misères
Qui peuvent enrichir. Cette basse besogne
Me serait aussi accablante qu'odieuse
Si la maîtresse que je sers ne donnait vie
A la mort même, et ne transformait mon épreuve
En véritables délices.
[...]
Ferdinand
Miranda admirable ! La cime
De mon pouvoir d'admirer ! Miranda l'égale
De tout ce qui au monde a le plus de prix !
J'ai regardé bien des dames avec faveur,
Et bien des fois mon oreille trop prompte
S'est asservie à la musique de leur voix.
Pour diverses vertus j'ai aimé plusieurs femmes,
Jamais pourtant d'un coeur assez comblé
Pour ne pas voir que tel défaut, tel autre,
En combattraient, en désarmaient la grâce.
Mais vous, mais vous ! Parfaite, incomparable,
Vous êtes faite du meilleur de tous les êtres.
Miranda
Je n'en connais aucun autre.
D'aucun visage de femme je n'ai mémoire
Si ce n'est du mien, en miroir. Et je n'ai vu non plus
Aucun être que je puisse nommer un homme
Sauf vous, mon doux ami, et mon cher père.
A quoi ressemble-t-on ailleurs qu'ici,
Je n'en sais rien ; mais ma virginité
En soit témoin, qui est mon seul joyau,
Je ne voudrais d'autre compagnon, dans ce monde,
Que vous ; et je n'imagine aucune figure
Que je puisse aimer, sauf la vôtre... Mais j'ai parlé
Trop impulsivement, et j'en ai oublié
Les prescriptions de mon père.
Ferdinand
De mon état je suis prince, Miranda,
Et je crois même, bien à regret,
Que je suis roi maintenant ; et pas davantage
Fait pour souffrir cette corvée de bois
Que garder sur ma bouche la mouche à viande.
Mais écoute ce que mon âme te déclare.
Dès le premier instant où je t'ai vue
Mon coeur fut à tes pieds. C'est pour te servir
Qu'il m'y retient, ton esclave. Et c'est pour toi
Que je suis ce patient déplaceur de bûches.
Miranda
M'aimez-vous donc ?
Ferdinand
O ciel, ô terre, soyez témoins de ma parole
Et donnez-lui fortune aussi favorable
Que sa pensée est sincère ! Mentirais-je,
Que meurent mes plus hautes espérances !
Oui, je vous aime, je vous estime, je vous honore
Par-dessus tout ce qui existe au monde.
Miranda
Quelle folle je suis !
Pleurer à ce qui me fait tant plaisir !
Prospéro à part
Belle, heureuse rencontre
De coeurs de la qualité la plus rare !
Puisse le Ciel verser toutes ses grâces
Sur ce qui prend naissance entre ces deux êtres !
Acte IV Scène 1
Prospéro
Si j'ai châtié avec trop de rigueur,
Te voici bien dédommagé ! Car moi,
C'est un tiers de ma vie que je te donne,
Sinon sa raison d'être : bien, reçois-la
De mes mains, à nouveau. Toutes ces vexations
N'étaient que pour sonder ton amour, et tu as
Supporté l'épreuve à merveille. Devant le Ciel
Je te confirme donc mon précieux présent.
Oh, Ferdinand,
Ne souris pas que j'aie tant de fierté d'elle !
Tu le découvriras, Miranda passe toutes louanges,
Sa perfection les essouffle.
Acte V Scène 1
Prospéro
Mon entreprise en est à son point critique,
Car mes charmes ne flanchent pas ; et les esprits
M'obéissent ; et le temps porte son fardeau
Sans broncher... Où en est-il, le temps ?
[...]
Ariel
[...] Le roi de Naples
Et son frère et le vôtre continuent
Tous trois de délirer, au grand dam des autres
Qui débordent d'angoisse et de désarroi ;
Et parmi eux surtout
Celui que vous avez appelé, mon maître,
"Le bon vieux seigneur Gonzalo". Celui-là,
Ses pleurs trempent se barbe comme en hiver
L'eau de la pluie ruisselle des toits de chaume.
Vos enchantements les travaillent
Si puissamment que vous en auriez compassion
Si vous pouviez les voir en cette minute.
Prospéro
C'est vraiment là ta pensée, mon esprit ?
Ariel
Ce le serait si j'étais un être humain, monseigneur.
Prospéro
Soit, ce sera la mienne !
Car toi, qui n'es qu'une forme de l'air,
Tu es ému, leur affliction te touche ; et moi
Qui suis de leur espèce et ressens la souffrance
Aussi durement qu'eux, je n'aurais pas
Davantage de compassion ? C'est vrai qu'ils m'ont blessé
Au plus vif, de par leurs grands torts à mon égard,
Mais la part la plus noble de ma raison
Doit vaincre ma colère. Il est plus grand
D'être vertueux que de tirer vengeance.
Pour peu qu'ils se repentent je n'irai pas
Plus loin dans mon dessein, je ne froncerai pas
Le sourcil davantage. Et toi, Ariel,
Tu vas les libérer. Je désamorce mes sortilèges,
Je leur restitue la raison. A nouveau
Ils pourront être eux-mêmes.
Ariel
Je vais les chercher, mon maître.
Prospéro
Mes témoins soyez-vous, elfes des collines,
Des ruisseaux, des étangs paisibles, des bosquets,
Et vous autres aussi qui sans marquer le sable
Pourchassez Neptune en reflux, mais vous enfuyez
Dès que la marée monte ; vous, mes gracieux pantins
Qui tracez sous la lune ces cercles d'herbes
Que les brebis estiment trop amères ; vous qui aimez
Faire croître, à minuit, les champignons
Heureux d'avoir enfin entendu sonner l'heure
Solennelle du couvre-feu ! Fort de votre aide,
Aussi faibles chacun soyez-vous, petits princes,
J'ai éteint le soleil à midi, j'ai sommé
La révolte des vents de porter la guerre
Et son fracas entre le bleu du ciel et la mer verte,
Mettant à feu les voix terribles du tonnerre,
Fendant de Jupiter le plus noueux des chênes
Avec sa propre foudre ; et secouant
Le promontoire le plus massif, et déracinant
Cèdres et pins ! Les tombes, sur mon ordre,
Ont réveillé leurs morts, se sont ouvertes,
Les ont laissé sortir : tel fut mon Art,
Mon Art si redoutable. Et pourtant, voyez-le,
Cette magie primaire, je l'abjure,
Et quand j'aurai requis la musique du ciel,
Ce que je fais, en cet instant, afin
Qu'elle plie sous le charme de ses arpèges
Leurs sens à mon vouloir, je briserai
Ma baguette de magicien, je l'enfouirai
A des coudées sous terre ; et je noierai mon livre
Plus profond que ne peut atteindre aucune sonde.
Prospéro
Qu'une solennelle musique, le grand remède
De l'esprit qui s'égare, te guérisse,
FERDINAND, à Miranda
C’est étrange. Votre père a quelque émotion
qui le travaille fortement.
MIRANDA
Jamais, jusqu’à ce jour,
je ne l’avais vu agité par une aussi violente colère.
PROSPERO
Mon fils, vous avez l’air ému,
comme si vous étiez alarmé… Rassurez-vous, seigneur.
Nos divertissements sont finis. Nos acteurs,
je vous en ai prévenu, étaient tous des esprits ; ils
se sont fondus en air, en air subtil.
Un jour, de même que l’édifice sans base de cette vision,
les tours coiffées de nuées, les magnifiques palais,
les temples solennels, ce globe immense lui-même,
et tout ce qu’il contient, se dissoudront,
sans laisser plus de vapeur à l’horizon que la fête immatérielle
qui vient de s’évanouir ! Nous sommes de l’étoffe
dont sont faits les rêves, et notre petite vie
est enveloppée dans un somme… Monsieur, je suis contrarié…
Passez-moi cette faiblesse… Mon vieux cerveau est troublé…
Ne soyez pas en peine de mon infirmité…
Retirez-vous, s’il vous plaît, dans ma grotte,
et reposez-vous là. Je vais faire un tour ou deux
pour calmer mon âme agitée.
FERDINAND ET MIRANDA
Nous vous souhaitons le repos.
FERDINAND : Entends mon âme qui te parle : à l'instant même où je te vis, mon cœur, volant à ton service, s'y fixa, dès lors ton esclave : c'est pour toi que je suis ce patient porte-bûches.
MIRANDA : Tu m'aimes ?
FERDINAND : O terre ! O cieux ! Soyez en ceci mes témoins, Couronnez mes aveux d'une heureuse fortune si je dis vrai ; sinon, changez en sort funeste le meilleur qui me doive échoir ! Par-dessus tout au monde, par-delà tout extrême, je t'aime, je te révère, je t'honore.
(FERDINAND : Hear my soul speak... The very instant that I saw you, did my heart fly to your service, there resides to make me slave to it, and for your sake am I this patient log-man.
MIRANDA : Do you love me ?
FERDINAND : O heaven... O earth, bear witness to this sound, and crown what I profess with kind event if I speak true... if hollowly, invert what best is boded me to mischief... I, beyond all limit of what else i' th' world, do love, prize, honour you.)
En librairie le 2 juin 2023 et sur https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251454436/hello-plum
Censé répondre aux questions d'un journaliste indiscret désirant recueillir des propos strictement
autobiographiques, Wodehouse, un des maîtres de l'humour anglais, accepte le défi mais glisse rapidement sur sa vie privée pour mieux s'adonner à la digression, art dans lequel il excelle. Il sautille allègrement de la presse aux romans policiers, en passant par les chiens, Shakespeare, les chauffeurs de taxi, Hollywood, le ramassage des escargots, etc.