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Critique de Nastasia-B


S'il est bien une tragédie de Shakespeare qui, parmi les fameuses, divise les commentateurs, c'est bien le Roi Lear. En effet, l'écrivaine Simone Weil juge que c'est sa meilleure ; Samuel Taylor Coleridge, John Keats ou encore Victor Hugo lui trouvent des qualités inégalées.

En revanche, André Gide écrivit à son propos : « peu s'en faut que je ne trouve cette pièce exécrable ; de toutes les grandes tragédies de Shakespeare, la moins bonne, et de beaucoup. » Léon Tolstoï — nous apprend la notice de l'édition de la Pléiade —, s'est acharné à dénoncer ses défauts. Etc., etc., etc.

Donc, en soi, quel que puisse être votre avis à son propos, vous trouverez toujours une grosse pointure pour aller dans votre sens et une autre pour dire exactement le contraire. Tenez-vous-le pour dit. En ce qui me concerne, il s'agissait de la treizième pièce de l'auteur que je découvrais et je ne peux pas dire que le nombre 13 m'ait particulièrement porté chance…

En effet, je ne suis pas loin de me placer du côté de Gide et de Tolstoï, quoique je puisse lui trouver également quelques élans intéressants, à de rares moments. Je suis cependant loin, très loin, à des années-lumières d'avoir éprouvé les délices de la Tempête, d'Othello, d'Hamlet, de Macbeth ou même de Jules César.

Le thème fort de la pièce — ou du moins l'un des thèmes forts — me semble être la dénonciation de l'hypocrisie et des faux-semblants qui fourmillaient à l'époque, principalement à la cour des rois (car les paysans ne s'embarrassaient pas trop de prendre des gants), et qui, de nos jours, fourmillent un peu partout. Dire clairement ce que l'on pense, sans sucre ajouté, est, de nos jours comme à l'époque, une activité très faiblement lucrative et pour laquelle on recueille fort peu de lauriers, quand bien même l'on énoncerait une vérité indéniable ou l'on formulerait un avis touchant de sincérité.

Certes, certes, mais j'ai trouvé ça gros dès le départ : un roi (un bon roi comme dans les contes de fées) ayant trois filles (même remarque). La première est flatteuse, la seconde est flatteuse mais pas la troisième, paf !, précisément, est toute différente et se fait chasser du royaume pour cette raison-là. Bigre ! Suis-je chez Shakespeare ou chez les frères Grimm ? (Sans blague, dans l'album jeunesse Un Amour bon comme le sel, c'est exactement cela.)

Et puis il y a aussi le gentil comte Gloucester, fidèle et brave et tout et tout. Lui aussi il a un gentil fils d'un côté et un méchant fils de l'autre. Pffff... bon là, je commence à m'ennuyer ferme…

Alors évidemment, le gentil fils, il ne voit rien venir et il se fait entourlouper par le méchant, méchant fils. Les deux filles flatteuses du roi, sitôt qu'elles ont l'héritage, elles deviennent méchantes, méchantes avec le bon gentil roi, qui s'est dépouillé pour elles (façon Père Goriot) et qui, du coup, en devient fou, car dans les tréfonds de son coeur, c'était la benjamine sa préférée et ça lui a un peu troué la rate qu'elle ne lui fasse pas les jolis compliments qu'il attendait avant de recevoir sa galette. Re-pfffff (idem)…

Et comme une tragédie de Shakespeare ne serait pas vraiment une tragédie de Shakespeare s'il n'y avait une grosse flagrante révoltante injustice, donc, le gentil pauvre vieux comte Gloucester se fait éclater les deux yeux à cause du méchant, méchant fils, ingrat, arriviste et félon. Il devra se traîner sur les routes en pleurant le sang, guidé par son gentil, gentil fils (façon Œdipe et Antigone, vous voyez le genre).

Et puis, c'est la guerre, et puis c'est la folie des vieux, et puis c'est la pluie, la tempête, tout sur la tête pendant des heures comme vache qui pisse, et puis c'est les fous qui disent des choses sensées et les raisonnables qui disent des folies, et puis c'est l'animosité, et puis c'est les trahisons à n'en plus finir, et puis c'est les vengeances, et puis c'est la mort, et vas-y que ça tombe comme des mouches, encore plus que la pluie. Et puis…

… c'est la fin et je suis bien contente d'en avoir fini parce que le Lear, le délire, le collyre, la lyre, le lire ou le pas lire, le relire et pâlir, moi, j'en avais plein la tirelire et je ne savais plus quoi penser de mon avis sur Lear : l'abolear ? l'ensevelear ? ou tout au contraire l'exprimer au risque de le salear ? de l'amolear ? de le démolear ? de l'avilear ?

Bref, le Lear, sans chercher à le reluire ni à le dépolir, j'ai très faiblement apprécié : trop caricatural, trop manichéen, trop deus ex-machinéen à mon goût, surtout quand je considère la force et la subtilité qu'il déploie ailleurs dans d'autres pièces, ça me chiffonne un peu, je dois dire. Mais, une fois encore, une fois pour toutes, ce n'est que mon avis, un malheureux petit avis, léger comme une plume d'oiseau (lear) et qui sera balayé au premier souffle de la tempête.
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