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Critique de wartenkaplan


Khomeiny, Sade et Moi" d'Abnousse Shalmani
La femme qui apparait sur la jaquette du livre, est belle, très belle ! le regard,noir et profond, nous commande de la considérer au delà de sa seule apparence. La posture est fière, celle d'une personnalité qui tient tête. Tout au long de la lecture du livre, cette femme se dresse devant nous, les yeux transperçant le mensonge, la brutalité, la vulgarité ou le mépris qui pourraient s'exprimer de chacun de nous.

Abnousse, l'iranienne, veut nous parler de son corps. Et ce corps brûle de cette liberté dont on l'a privé enfant.

Ce corps qui est nié et meurtri par les barbus (hommes) et les corbeaux (femmes), vainqueurs de la Révolution iranienne lors du référendum du 1er avril 1979. A Téhéran, elle subit la tyrannie des mollas de Khomeiny qui exacerbent l'esprit de la 'awra, "la plaie de l'Orient", cette série de règles et de codes qui déterminent la zone privée et publique de chacun des musulmans. Et d'être femme, c'est n'être qu'une ombre dans la sphère publique. "Parce que vous êtes, vous les femmes, des objets dangereux" lui disait le professeur de "religion" à l'école. Elle écrit que dans l'Islam, la femme n'existe pas, ou du moins quand on parle d'elle, c'est en ces termes : "La femme a un genre dont la tromperie est immense" (Coran 12/28). Elle doivent cacher leur corps car "le corps est sale, le corps est dangereux, le corps est l'ennemi de la foi véritable"

Elle le découvrira, ce corps, à Paris, où sa famille, en désaccord avec la république islamique, s'exile.

En France ce long travail sur son corps commence par la découverte des livres de Pierre Louÿs. Puis, elle lira des oeuvres libertines anonymes ou secondaires, telles que Thérèse philosophe. Enfin elle découvre Sade "le divin marquis" et c'est le choc, l'inimaginable, l'effroi, le no limit, aller jusqu'au bout du bout, jouir dans la douleur, souffrir dans la jouissance. le lire jusqu'à l'écoeurement...pour être libre. Enfin !
Ce corps qu'elle veut libre issu d'un esprit libre : "c'est parce que les protagonistes de Thérèse philosophe se sont libérés des entraves du corps qu'ils sont capables de raisonner..." Et elle ajoute "Il y a dans la construction du roman libertin une clef qui ouvre la porte de l'esprit"
Le corps et l'esprit. le corps par l'esprit. le corps sans esprit n'est rien. "La parole et le cul" écrit-elle à la fin du livre.
Elle écrit qu'elle a été une très jolie petite fille qui aimait s'exhiber nue comme souvent les enfants aiment faire et que d'avoir lu les livres érotiques de Pierre Louÿs l'a définitivement rendu femme après une adolescence douloureuse marquée par une précocité qui l'a éloigné des autres.
Abnousse Shahmani va au-delà du fait iranien et islamiste pour déchirer tous les voiles cachées de notre société occidentales. Les lepénistes sont des barbus. Tout comme les trotskistes qui n'aiment pas la femme qu'elle est. La journée de la Jupe avec Adjani la passionne. Mais elle n'a pas d'illusions sur l'issue des Printemps arabes : les islamistes triompheront.

Ses mots pourfendent la religion, toutes les religions qui drapent ce corps honteux dans les voiles et les préjugés.

"Je me demandais si je pouvais continuer comme ça. A ressembler à une femme ! Juste à une femme ! "

Ce livre est un témoignage et une réflexion profonde sur la femme, son corps et l'esprit qui le façonne. Sa plume percute, même si elle n'a pas fait oeuvre d'une brillante littérature. Souvent elle se répète, amplifie inutilement, parfois s'aventure dans des situations ou des pensées qui n'ont que très peu à voir avec le sujet. Mais quel souffle ! Jusqu'à l'excès sans doute, mais peut-on le lui reprocher quand on vient de l'Iran de Khomeiny. Elle forme de jolies phrases qui parfois meurent dans la confusion. Mais elle écrit avec une outrance qui lui va bien. Sa prose est jubilatoire.
Toutefois, elle prend un "sacré" risque. Une fatwa contre elle pourrait être lancée depuis l'Iran.
Souvenons-nous de Salman Rushdi et ses "versets sataniques".

Les militaires masculins n'ont pas d'imagination. leurs bombes tuent. Abnousse, elle, sait comment déstabiliser un régime islamiste : "Bombardez les pays des barbus avec des livres libertins du XVIIIe français"

Ô ! Divine Marquise !
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