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EAN : 978B0092KW9JE
(06/01/2011)
5/5   2 notes
Résumé :
What links the following people?

Sigmund Freud. Henry James. Mark Twain. Helen Keller. Charlie Chaplin. Sir Derek Jacobi. Mark Rylance.

They've all asked the same question: did Shakespeare really write Shakespeare?

For centuries, conspiracy theories have raged. Now the celebrated author of 1599 addresses the biggest question in literary history: was Shakespeare the single genius behind the greatest works in the English la... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
"Mais si Marlowe a écrit l'oeuvre de Shakespeare, qui a donc écrit l'oeuvre de Marlowe ?"
(W. Allen)

Sacré Woody ! Certes, sa réflexion fait sourire, mais elle est en réalité très profonde. Elle met même pour ainsi dire directement le doigt dans la plaie.
Si vous prenez trois pièces de l'époque élisabéthaine sur le même thème, disons "la magie", il n'est pas nécessaire d'être un spécialiste pour s'apercevoir que "La Tempête" de Shakespeare, "Faust" de Marlowe et "L'Alchimiste" de Jonson sont tout à fait différentes. Pas seulement par leur "style" et leur vocabulaire, mais surtout et avant tout dans l'esprit.
La véritable question sera donc : comment l'idée que Marlowe ou Jonson ont écrit les pièces de Shakespeare a seulement pu effleurer l'esprit de quelqu'un ? Ou, plus précisément, pourquoi certains pensent que ce n'est pas Shakespeare qui a écrit Shakespeare ?

That is the question, et voilà sur quoi se penche James Shapiro dans ce pétillant essai. Lui-même un stratfordien convaincu, il sait rester impartial et prendre une distance nécessaire pour nous proposer une remarquable excursion (à la fois amusante et érudite, comme il est dans ses habitudes) aux sources de la controverse shakespearienne. Il ne perd pas de temps avec des petits pions comme Marlowe, Derby ou Florio, et se consacre directement aux deux adversaires de taille : Bacon et Oxford.
Le titre est particulièrement bien choisi, car il ne fait pas référence uniquement à Will de Stratford, mais aussi à son testament qui a mené à beaucoup de spéculations.
Comment est-il possible qu'un génie littéraire de la trempe de Shakespeare n'y mentionne pas le moindre livre, le moindre manuscrit ? Comment ce poète au coeur immense a-t-il pu léguer à sa chère femme seulement leur "deuxième meilleur lit" ? C'est tout ? Comment ce péquenot du Warwickshire (prétendument) sans éducation, négociant impitoyable qui exigeait (parfois très durement, il faut le dire) le remboursement de ses prêts, pouvait être en même temps l'un des plus grands auteurs de la Renaissance, voire de tous les temps ? Mais la réalité est différente, et plus vous apprenez sur l'homme de Stratford et sur son époque, et plus vous vous rendez compte à quel point.

Il est intéressant que jusqu'au 18ème siècle, Shakespeare jouissait du privilège d'exister en tant que Shakespeare. Personne ne se posait des questions sur la paternité de ses oeuvres, éditées et organisées par ses amis dans le "First Folio", publié sept ans après sa mort. Il est célébré sous son nom, et un mémorial à Stratford est érigé à sa mémoire. Personne ne pense alors à garder les "documents" ou chercher des témoignages, et quand on pense à interroger sa petite-fille Elisabeth, sa dernière descendante, il est déjà trop tard. de l'homme de Stratford ne restent plus que ses écrits, et quelques allusions dans l'oeuvre de ses contemporains.
Et ce sont précisément ces écrits hors du commun, mis en contraste avec des documents trouvés, qui mèneront un siècle plus tard à la fameuse controverse.

La période romantique est particulièrement riche en événements. le profil du Cygne d'Avon divinisé par des bardolâtres ne correspond pas toujours aux documents qui refont surface dans les archives (concernant surtout les activités lucratives du Barde), alors d'un côté elle regorge littéralement de forgeries et faux de toutes sortes - lettres privées (y compris celle de la reine Elisabeth), journaux (y compris celui de Shakespeare) et "notes en marge", habilement créés notamment par W. H. Ireland et J. P. Collier - et d'autre part on s'interroge déjà si ce n'était pas plutôt quelque noble aristocrate qui a décidé de publier anonymement sous la couverture du nom de Shakespeare.
On pense d'abord au philosophe Francis Bacon, lord Verulam. Passionnante théorie véhiculée par la brillante Américaine au destin tragique, Delia Bacon (le nom est une coïncidence), remplie de chiffres secrets, messages codés et ingénieuses machines à décoder. Elle trouve pourtant ses partisans (entre autres Mark Twain ou Helen Keller), et on finance un voyage en Angleterre à la recherche des manuscrits originaux de Bacon, dont l'emplacement exact serait habilement encodé dans les textes du Barde. Hélas, la cachette est vide !
Tandis que Delia finit ses jours à l'asile psychiatrique, un nouveau candidat est proposé : Edward de Vere, comte d'Oxford. Une théorie du complot royal parfaitement illustrée dans le film "Anonymous" de Roland Emmerich (à voir surtout pour les beaux costumes), qui gagne de nombreux partisans. Faut-il s'en étonner ? Oxford, lui-même poète à ses heures perdues, semble être un homme idéal pour incarner l'idée moderne que toutes les oeuvres littéraires sont en partie autobiographiques. Soutenue par la psychanalyse freudienne et les nouvelles approches critiques venues d'Allemagne dans les années 30, la théorie oxfordienne gagne du terrain, et propose un nombre impressionnant d'ouvrages sur l'interprétation "autobiographique" des pièces et sonnets de Shakespeare.
Une théorie jamais rejetée, d'ailleurs, soutenue (parmi d'autres) par l'acteur Derek Jacobi. Pour l'anecdote, deux véritables procès juridiques (1987, 1988) "Shakespeare vs. Oxford" ont eu lieu à la demande des oxfordiens, et par deux fois le jury s'est prononcé en faveur de Shakespeare. Mais l'affaire était suffisamment médiatisée pour qu'on commence à prendre les adversaires au sérieux.
Etrange que personne n'a jamais osé ouvrir la tombe du Barde à la recherche du chaînon manquant. L'épitaphe "Béni soit celui qui épargne ces pierres. Et maudit soit celui qui déplace mes os" rend probablement superstitieux même le plus intrépide des chercheurs. Ceci dit, à quoi bon profaner les tombes, quand on peut recourir au service des médiums ? le livre "Talks with Elizabethans" de Percy Allen - qui a réussi à contacter aussi bien l'esprit de Shakespeare que ceux de Bacon et d'Oxford - contient quelques révélations insoupçonnées de la plus haute importance.

Que faut-il en penser ? le dernier chapitre est consacré au candidat Will de Stratford, et essaie d'assembler le puzzle identitaire par des observations minutieuses des documents trouvés, de la façon de travailler des auteurs élisabéthains, ou des procédés judiciaires ou éditoriaux de l'époque. Les nouvelles technologies permettent des analyses textuelles qui révèlent des informations surprenantes sur le travail collaboratif, et pourront peut-être bientôt élargir le canon shakespearien par les pièces qui font encore hésiter. Ou, au contraire, d'ajouter d'autres noms à côté de celui qu'on connait.
Une enquête tout à fait passionnante, donc, qui explore tous les méandres de cette curieuse question sur la paternité. Mais si vous cherchez une quelconque morale dans toute cette histoire, la meilleure chose que je puisse proposer est de laisser de côté les spéculations, et de vous tourner directement vers les oeuvres de celui qu'on a toujours appelé Shakespeare.
Comme il le dit lui-même dans "Roméo et Juliette" :

"What's in a name ?
That which we call a rose by any other name would smell as sweet". 5/5
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Et voilà le grand spécialiste américain de Shakespeare. Je suis toujours sceptique quand un non anglais parle de Shakespeare, mais après tout, le regard extérieur est peut-être plus juste.
Lui, en l'occurrence, croit dur comme fer que le barde est l'homme de Stratford. Après deux gros chapitres sur les auteurs hypothétiques, Shapiro nous en écrit un troisième (malheureusement beaucoup moins volumineux) sur le résultat de ses recherches et ce qu'il en conclue.
Ses arguments ne sont peut-être pas extrêmement nombreux, mais ils paraissent plus qu'acceptables. A tel point qu'après avoir fini ce livre, on ne sait vraiment plus quoi en penser.
Mais le mystère est fait pour durer, n'est-il pas?
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
De plus en plus de chercheurs s'intéressent à ces découvertes, et élaborent une approche plus sophistiquée. Certes, ça prendra un certain temps, mais les éditeurs et biographes de Shakespeare devraient bientôt pouvoir offrir une vision plus véridique de cette période tardive et collaborative de sa carrière.
Même les chercheurs impartiaux se sentent quelque peu mal à l'aise en réalisant à quel point ces découvertes sur le travail d'équipe transforment toute notre compréhension sur la façon de travailler de Shakespeare, on peut donc seulement imaginer ce que doivent ressentir ceux qui lui nient la paternité de ses oeuvres.
A ce jour, ils ne s'expriment pas vraiment sur le sujet, et il n'est pas difficile de comprendre pourquoi.
Il est tout bonnement impossible d'imaginer un de ces aristocrates ou courtisans travailler plus ou moins à égalité avec une bande de dramaturges de second ordre, en particulier avec Wilkins, qui tenait un pub et très probablement aussi un bordel. Notamment pour les partisans de lord Oxford, ces études attributives sont un cauchemar.
Leur stratégie consistait longtemps dans l'affirmation qu'après la mort d'Oxford en 1604, "ses" pièces non-finies étaient retouchées et complétées par d'autres dramaturges. Les stratfordiens orthodoxes considèrent cette possibilité tout au plus comme un amusant scénario de foire. On est censé imaginer Middleton, Wilkins ou Fletcher venir fouiller dans la propriété de feu Oxford à la recherche des "pièces à trous" afin de les compléter : avec beaucoup de dextérité, Fletcher va s'en approprier trois, les autres se contenteront d'une chacun.
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Il y a une autre anecdote sur Hall et Shakespeare, moins connue qu'elle ne devrait l'être. [...] Le 22 juin 1616, deux mois après la mort de son beau-père, John Hall s'est rendu à l'office de l'archevêque de Canterbury près de St. Paul à Londres, afin de faire homologuer le testament de Shakespeare. Parmi les documents fournis se trouvait "l'inventaire des effets du testateur", c'est à dire, une liste des possessions privées de Shakespeare. Ce que Shakespeare aurait pu posséder (et léguer à ses héritiers) en matière de livres de valeur, manuscrits et lettres serait plutôt noté dans cet inventaire que dans son testament. (Ce qui explique, comme a observé J. Bates, pourquoi les testaments d'éminents élisabéthains - comme celui du grand théologien Richard Hooker, ou celui du poète Samuel Daniel - ne contiennent, tout comme celui de Shakespeare, aucune mention de livres.)
Si l'inventaire que John Hall apporta à Londres avait survécu - ou si, par miracle, il finissait par refaire surface - cela pourrait faire taire ceux qui, sans aucune connaissance des procédés testamentaires élisabéthains, continuent à affirmer que Shakespeare de Stratford ne possédait aucun livre et qu'il était probablement illettré.
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Au moment où elle commença à se questionner sur la paternité des oeuvres de Shakespeare, Delia Bacon était déjà familière des travaux de Francis Bacon, elle lisait et prenait des notes sur leurs copies, et elle s'est liée d'amitié avec l'un des principaux avocats américains de Bacon, le professeur Benjamin Silliman de Yale. Son intérêt était aussi piqué par les conversations avec son vieil ami de New York, Samuel Morse.
Morse, qui était en train d'expérimenter de nouveaux codes pour crypter les messages télégraphiques, lui avait parlé d'un chiffre secret créé par Francis Bacon, quelque chose dont elle ne savait rien et qui a par la suite contribué à développer sa théorie sur la paternité de Bacon, publiant secrètement sous l'identité de Shakespeare.
Les pièces de puzzle commençaient à s'emboîter. Résolvant deux mystères littéraires de longue date d'un seul coup, elle était maintenant en mesure d'expliquer pourquoi la quatrième partie de magnum opus de Bacon, "Instauratio Magna", était incomplète, et les parties manquantes de sa "Nouvelle Philosophie" jamais publiées ou considérées comme perdues. Sa lecture minutieuse des pièces de Shakespeare a révélé que les parties absentes de l'oeuvre de Bacon ont en réalité survécu... sous forme du plus grand oeuvre dramatique de l'ère élisabéthaine.
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