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Critique de horline


Posséder un pousse-pousse ne paraît pas être un rêve utopique en soi. Mais dans la société chinoise des années vingt traversée par de multiples lignes de démarcation sociale puissamment ressenties, c'est presque inaccessible pour un jeune homme pauvre issu du milieu rural. Lao She s'acharne à le montrer dans le pousse-pousse, récit qui se lit comme un conte dans lequel la justice triomphante n'a pas l'intention de toquer à la porte du récit.
Tous les éléments introduisant la narration invitent en effet à emprunter le chemin de la fable : un héros au visage lisse et au tempérament presque unidimensionnel, des phrases à la densité rapide, un récit fulgurant où les faits sont définis par leur signification dans le déroulement de l'intrigue.
Mais nullement besoin de merveilleux pour raconter comment le déterminisme au sein de la société chinoise confisque les rêves adolescents, même les plus humbles. Sous la plume de Lao She, la société est cruelle, et la ville, Pékin, une broyeuse d'existence. «La robustesse et l'honnêteté foncière d'un campagnard» offrent peu de réconfort face aux instincts carnassiers de la ville, elles permettent de retarder tout au plus les déceptions d'adultes.
L'abnégation dont fait preuve Siang-Tse ne trouve pas plus de grâce aux yeux de l'auteur chinois qui avec des mots durs y voit l'autre cause de ses échecs récurrents. Bien que la préface défende le roman de toute vision politique, Lao She n'hésite pas à dénoncer frontalement l'individualisme du jeune homme qui, dans sa volonté de s'en sortir uniquement par ses propres moyens, précipite les catastrophes.
Et pourtant, c'est ce qui fait de Siang-Tse un véritable héros de littérature, son obstination à défier l'ordre social en essayant de maintenir sa petite vie debout est admirable. Si l'auteur dans sa volonté de témoigner et non de séduire propose une peinture réaliste saisissante_les descriptions même les plus prosaïques sont captivantes_, les immenses sacrifices consentis par notre jeune tireur pour parvenir à ses fins le rendent attachant. Et ce, malgré son caractère bougon et les désillusions qui s'abattent sur lui.
Très bon moment de lecture.

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