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Grand (et gros) classique de la littérature chinoise, un incontournable !

En 1937, le Japon envahit une partie de la Chine, dont la ville de Pékin où vit la famille Qi.
Du patriarche de 80 ans à son arrière petit-fils, tous habitent la même maison, située dans un hutong, une ruelle comprenant plusieurs habitations ayant des espaces communs. Lao She nous fait partager, pendant les 8 ans que dura l'occupation japonaise, le quotidien de cette petite collectivité, échantillon représentatif du tissu social de Pékin.

La guerre, comme toujours, est flanquée de son cortège de privations et de cruautés : la faim, le froid, l'injustice, la torture, la trahison, la barbarie, la peur...
Mais malgré les drames engendrés par le conflit, la vie s'écoule.

Entre résistance et collaboration, respect des traditions et modernité, les habitants du hutong se divisent. Certains se révèlent délateurs, opportunistes, avides de pouvoir ou d'honneurs dérisoires, dans un pays où les relations sociales sont primordiales.

L'importance des coutumes, qui se traduit par des codes sociaux et des rituels rigides, freine largement la résistance de la population à l'oppression japonaise.

Bien que les sentiments nationalistes se renforcent face à l'envahisseur, la résistance chinoise est le plus souvent passive, non exprimée, et tend essentiellement à assurer la survie.

Pourtant, les jeunes générations, plus individualistes, s'affranchissent du fatalisme de leurs aînés et s'engagent dans la lutte.
Ruixuan, le fils aîné du vieux Qi, fait le lien entre un passé figé et un avenir incertain.

Grâce à ses descriptions précises des modes de vie, des relations sociales, et des mentalités chinoises, Lao She nous introduit dans la vie de ses personnages. Son style est fluide, limpide et surtout très vivant, car empreint d'humour et de dérision.
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«Lorsqu'on devient le sujet d'un pays qui a perdu son indépendance, on ne sait plus comment se comporter, on ne sait plus que penser.»

Au début du roman, c'est avec satisfaction que le vieux Qi regarde sa vie: sa famille n'a fait que croître, préservée des deuils, et les voilà quatre générations sous un même toit. Il se sent un peu semblable à l'un des vieux arbres de la cour, dont toutes les branches ont déjà donné nombre de fleurs et de feuilles, et il aspire à jouir d'une existence paisible débarrassée des soucis matériels.
Mais nous sommes en 1937, Pékin tombe entre les mains des Japonais et l'occupation de la ville par une puissance étrangère va bouleverser la vie quotidienne du vieil homme et de ceux qui l'entourent.
L'occupation vient sinistrement perturber le jeu social; la risible comédie de moeurs que Lao She prend visiblement plaisir à représenter, avec notamment sa peinture du ridicule des arrivistes sans scrupules, peut virer à la tragédie quand ils se transforment en collabos, délateurs. Elle divise la société chinoise, la ruelle où vit le vieux monsieur Qi, sa famille, entre ceux qui partent se battre, ceux qui subissent, avec plus ou moins de petites résistances quand ils le peuvent, et ceux qui collaborent. Elle place son petit fils, Ruixan, devant des dilemmes douloureux: il voudrait quitter Pékin, aller se battre contre ceux qui envahissent son pays, mais il doit assurer la subsistance, voir le bien-être de quatre générations sous le même toit, et il ne veut pas se compromettre avec l'envahisseur... Elle nous rend cet univers pékinois beaucoup plus proche que ce à quoi on s'attend lorsqu'on ouvre un roman asiatique tant les préoccupations des Chinois sous occupation japonaise peuvent parfois nous faire penser à ce qu'on a pu lire sur les Français pendant l'occupation allemande.
Un roman qui m'a bien intéressé, très instructif sur une réalité historique que je connais mal, sur la vie à Pékin en 1937, dans une ruelle offrant une diversité sociale que Lao She évoque avec talent.
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Le tome 1 des quatre générations sous le même toit est facile à lire intéressant, pour connaitre l'état d'esprit de pékinois différent pendant l'occupation japonaise durant la dernière guerre mondiale.
Le genre des comportements de Pékinois ressemble aux comportements des français pendant l'occupation allemande. Lao She utilise des formules lapidaires et efficaces pour caractériser ses personnages.
Après la lecture du Tome1, le titre m'étonne ; il y a quatre générations sous le même toit, mais il n'y a pratiquement aucune relation ou complicité intergénérationnelle dans cette famille. Lao She montre le cheminement de très individualiste de ses personnages, car à part entre les frères, il n'y a jamais de discussion entre les membres de la famille Qi. Les tomes suivants montreront certainement le contraire...
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« Quatre générations sous un même toit » est un roman de l'écrivain chinois Lao She. Écrit entre 1940 et 1942, édité au Mercure de France en 1996 dans une traduction française réalisée par Jing-Yi Xiao, ce livre de 551 pages est le premier des trois tomes d'un roman-fleuve (100 chapitres pour près de 1000 pages) qui décrit la vie de trois familles vivant à Pékin dans l'étroite ruelle du Petit-Bercail (un des multiples hutong de Pékin) sous l'occupation japonaise de 1937-1945.

Dans ce premier tome (34 chapitres), le lecteur découvrira la vie quotidienne de ces familles et de leurs voisins (au total, plus de 30 personnes) avec des détails d'un réalisme saisissant. Incroyablement vivante, cette fresque -centrée sur Pékin et ayant en toile de fond la patrie et la conduite à tenir face à l'occupant japonais- dépeint avec un humour mordant (« lire le journal, voilà le passe-temps favori des Pékinois. Non seulement ils y apprennent beaucoup de choses mais ils peuvent l'utiliser pour se couvrir le visage quand ils sont de mauvaise humeur ») et dans un style simple et émouvant la famine, ses souffrances et ses conséquences sur ces familles, à savoir la résignation, la résistance (passive ou active) ou la collaboration avec l'ennemi. Devant les « misères » de l'occupation, les Chinois s'organisent, avec leurs coutumes, leur politesse, et l'éternel respect de l'étiquette (« essuyer sa sueur sur son pantalon ! Quel geste vulgaire »), dont on sait la part qu'elle tient dans leur société. Dans ce hutong de Pékin (qui est un personnage à part entière, avec ses détritus, son odeur, ses cerisiers en fleurs, ses sophoras et les mouvements de celles et ceux qui s'y attardent), la famille Qi rassemble sous un même taudis quatre générations : bien vite, à la faveur des évènements, ce microcosme est partagé devant la conduite à tenir : héros, victimes impuissantes, crapules, tous trouveront leur place au prix de compromissions, de confrontations ou d'adhérences plus ou moins durables.

Lao She oppose le bien et le mal. Loin de dénoncer, l'écrivain laisse le lecteur se faire une opinion ; il l'aide en parsemant les dialogues et les descriptions de réflexions politiques, morales, historiques et philosophiques, fidèle en cela à la tradition du roman chinois classique. Quelle est la part de fiction et la part de l'Histoire dans cette longue narration? Difficile à dire. Mais, en tous cas, Lao She dissèque, analyse et nous montre ce que furent les motivations, les atermoiements et les engagements de chacun, sans jamais dénoncer ou blâmer les uns ou les autres. En grattant sous cette couche protectrice (Lao She craignait, à juste titre, pour sa survie dans une Chine gagnée par la Révolution Culturelle et par le fanatisme naissant de ses premiers Gardes Rouges), le lecteur sentira le mépris sincère de l'écrivain pour les travers de comportement de ses semblables : égoïsme, peur et choix délibéré de préserver un petit confort personnel. Émouvant, sincère, réaliste, détaillé jusqu'à l'excès, délicat et profondément humain, empreint par endroits d'une certaine poésie (Peiping -ancien nom de Pékin- c'est la « ville pacifique par excellence, avec ses lacs et ses collines, son palais impérial, ses terrasses et ses autels, ses temples et ses monastères, ses résidences et ses parcs, son mur-écran aux 9 dragons multicolores, ses vieux thuyas, ses saules vert émeraude, ses ponts de marbre blanc ... »), « Quatre générations sous un même toit » aurait pu être une perle.

Mais l'ouvrage m'a paru trop long (tout pouvait être dit en 200 pages), sans réel temps forts (à l'exception de l'emprisonnement et du retour d'un des protagonistes) et trop caricatural (que ce soit vis-à-vis des Japonais dont il dénonce la cupidité et l'imbécilité, des Mandchous qu'il fait passer pour des gens raffinés ou des Chinois dont il glorifie la patriotisme et l'envie de prendre en main leur destin). le roman est par ailleurs truffé d'invraisemblances (un exemple, les Japonais sont invisibles ; ils ouvrent ou ferment les portes de la ville quand bon leur semble, et ils organisent quelques défilés, un point c'est tout) et il est d'un idéalisme naïf, pour ne pas dire béat, l'auteur ne dénonçant les choses et les faits qu'à fleuret moucheté, à de rares exceptions près (page 435 « la Chine avait une culture très ancienne, mais malheureusement, elle commençait à être moisie et un peu pourrie par endroits »). Dommage : je mets donc 3 étoiles.
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Voici un grand classique de la littérature chinoise en trois tomes.

Cette saga est très dense et permet de découvrir la Chine et plus particulièrement Pékin sous l'occupation japonaise des années 30. Les pages sont minées d'une foule de personnages, tous plus attachants les uns que les autres, car très personnifiés avec une vie palpitante et très riche de rebondissements. On comprend très bien la difficulté de leurs vies sous occupation étrangère : les privations, les arrestations arbitraires... Chaque personnage a une place importante et forme partie d'un tout : les quatre générations et leurs voisins de quartier, certains à la botte des japonais et épiant la moindre incartade de son prochain.

Une très belle écriture, je me suis laissée porter jusqu'à la dernière page malgré parfois quelques longueurs.
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Premier volume de l'oeuvre de Lao She.
J'ai envie de commencer cette chronique par la raison, les raisons qui m'ont amené à acheter pour les lire, les trois volumes de ce classique, grand classique (édition Poche Folio).
Première raison, c'est du hasard.
Deuxième raison, je cherche de l'exotisme, et me tourne vers les auteurs de l'Asie que je connais un peu, pas beaucoup, mais quand même.
Troisième raison, je cherche un roman long, avec une belle histoire, voire, de belles histoires, oui, quelque chose qui traine en longueur (ce qui ne veut pas dire l'ennui) et donc sur une période longue aussi.
Quatrième raison, je ne veux ni du suspense, ni du, comment disent les Occidentaux ces temps-ci … ah oui du « feel good », ni du « fast food », ca se ressemble un peu, non ?...Je veux du réalisme, de l'authentique, quelque chose d'ancré dans un contexte socio-historico-politique, bref un truc qui dérange, qui décoiffe, qui t'apprend sur une vraie histoire, qui te remet dans des contextes politiques, et qui te rappelle que des gens se sont battus pour des choses limites nommables aujourd'hui comme la liberté, la fraternité, l'égalité.
Quatre raisons pour lire quatre générations.
Un peu compliqué pour les premières pages, il m'a été plusieurs fois nécessaire de reprendre les deux pages où les personnages et leur filiation sont décrits précisément (merci à l'éditeur), les noms et prénoms, ce n'est pas simple au départ, mais on s'y fait, et alors là, j'ai eu l'impression d'avoir été embarquée au sens littéral, de naviguer gentiment.
Un premier tome empli d'humanité. Même s'il faut lire une centaine de pages, même deux centaines, les personnages deviennent de plus en plus profonds, alors soit dans l'ignominie, soit dans la main tendue, le coeur ouvert. Cette lecture est formidable car les comportements décrits dans un contexte très précis et que Lao She met en scène très pudiquement, soit, l'invasion japonaise de la Chine à partir de juillet 1937, et très pudiquement évoque les arrestations, les exécutions, les tortures, les souffrances, les délations, les trahisons, ces comportements sont universels, aussi bien dans le temps que dans l'espace. Mais, j'aime dans cette lecture, le rapport à la géographie de Peiping (Pékin), les vieilles ruelles, l'architecture des maisons traditionnelles, le rapport à la nature, les arbres, les fleurs, leurs parfums, tout ce qui a disparu avec la modernisation contemporaine de la ville.
Car si chaque personnage de ce livre peut trouver ici et maintenant son correspondant (le courageux, le lâche, le pur, le corrompu, le raté, etc…) ce livre est un hymne à une ville disparue, un mode de vie éteint, un amour de l'autre volatile.
L'écriture est directe, comme l'objectif de son auteur, mais riche dans sa volonté de précision, variée, entre les descriptions et les dialogues, elle donne à la lecture une fluidité très agréable.
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Un roman universel, une grande réflexion sur les implications morales de nos actions en situation de guerre.

Ici, pendant la guerre sino japonaise entre 1937 et 1945, la ville de Pékin est occupée. Nous suivons principalement la famille Qi, qui regroupe, selon la tradition, quatre générations sous un même toit.
On évolue à la frontière entre ce style de vie traditionnel et la modernité. Lao She nous décrit sa ville, son architecture et sa géographie, ses maisons sur cours. Mais aussi les changements plus ou moins flagrants qu'apportent les nouvelles générations, la Chine est maintenant une république nationaliste depuis 1912, les "seigneurs de la guerre" perdent de leur influence, les jeunes vont au cinéma et choisissent de vivre dans leurs propres logements.
Comme dans beaucoup de romans sur cette période, je suis impressionnées des changements survenus sur les mentalité et les styles de vie en une seule génération… Dans Terre Chinoise de Pearl Buck chaque tome se centrant sur une génération nous décrivent aussi un style de vie radicalement différent…

Mais la grande réflexion et ce qui fait, à mon sens la profondeur de ce roman est la question du devoirs et de la loyauté envers son pays face à l'occupation:

Résister? Au péril de sa vie et de la sécurité de sa famille? Au risque de tout perdre?

Collaborer? Maintenant que l'envahisseur est entré, faut-il s'adapter et faire en sorte que les choses se passent au mieux dans cette nouvelle configuration politique, en pliant face aux exigences de l'ennemi?

Résister à bas bruit, en restant avec sa famille et sans faire de vague? Mais cette forme de résistance passive en est-elle vraiment une? N'est-elle pas une des causes de la défaite?

Ces réflexions nous rappellent qu'il est bien difficile d'imaginer quelle aurait été notre attitude en temps de guerre? Universel.


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Ce premier tome (sur 3) nous dévoile le quotidien d'un quartier plutôt pauvre de Pékin au début de la seconde guerre sino-japonaise (1937-1945), et c'est à travers les yeux de ses habitants, la famille Qi en particulier, que nous vivons la chute et l'humiliation de l'un des plus puissants empire de l'histoire (même si la Chine avaient déjà beaucoup perdu de sa superbe au début de cette guerre).

J'ai beaucoup aimé ce premier volume qui nous fait faire connaissance avec les habitants du quartier, habitants dont l'occupation japonaise de leur patrie va les entrainer à réagir de façons différentes. Certains vont se faire héros agissant pour la défense du pays, d'autres héros en paroles mais n'osant ou ne pouvant agir, d'autres n'hésitant pas à se vendre à l'occupant pour obtenir un peu de pouvoir ou encore d'autres ne se souciant pas vraiment de ce qui se passe en dehors de leur maison. Ça peut paraitre un peu long, mais la diversité des personnalités et donc des points de vu ainsi que l'enchainement des événements font passer relativement rapidement ces 700 pages ''d'introduction'' du quartier, de ses habitants et de l'occupation japonaise. Je fais une pause d'un livre et j'enchaine avec le deuxième tome.
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Vivre dans un hutong est une expérience particulière. Sorte d'oasis au milieu de la ville, ce type d'habitat n'existe pas vraiment dans notre occident.

Sur fond d'occupation japonaise, on évolue dans un décor de théâtre, avec des personnages dont certains sont caricaturaux, d'autres, plus complexes, sont partagés. Une étude psychologique des ressorts de l'âme humaine. Qu'est-ce que le nationalisme? En quoi les chinois sont-ils différents de nous? Leur histoire, leur culture, peuvent-elles expliquer les événements actuels? Car il faut bien se l'avouer, nous connaissons beaucoup moins bien la Chine que les États-Unis. Nous ne connaîtrions sans doute pas Hua Mulan, qui a fait l'objet de dizaines d'oeuvres en Chine, si Disney n'en avait fait un film!

On navigue entre rire et tragédie. Tristesse lorsque les enfants des écoles, tête basse, viennent défiler place Tian An Men sous le regard méprisant des japonais. Rire lorsque le médecin 'occidental' se fait payer très cher pour prescrire au final... une bonne vieille poudre chinoise traditionnelle, qui guérit tout.

Ces 700 pages se lisent facilement grâce à une construction bien pensée, dont le fil conducteur pourrait être l'opposition entre lâcheté, égoïsme, insouciance, et solidarité. Les descriptions physiques et psychologiques impitoyables des personnages contrastent avec celles, pleines de poésie, des différents logements et des quelques arbres qui font du hutong un lieu aussi magique que prosaïque. Les comparaisons sont très imagées, et les dialogues souvent savoureux, alternant avec les méditations des personnages.

Il me semble que nous n'avons guère de romans comparables dans la littérature française, et encore moins américaine. le seul qui me soit venu à l'esprit est l'immeuble Yacoubian... dont l'auteur, Alaa El-Aswany, est égyptien. Mais si je me trompe, je ne demande qu'à être contredite!
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Deuxième lecture de ce gros roman rédigé entre 1942 et 1944 par un écrivain d'origine mandchoue et né à Pékin en 1899. Lao She (titre respectueux de « vieux professeur » donné par les disciples à leur maître) campe ici le portrait de plusieurs familles pékinoises, à partir du 7 juillet 1937, date de l'occupation de Pékin par les Japonais.

Le Pékin d'antan est le personnage central du roman, avec ses vieux quartiers aujourd'hui disparus, ces ruelles nommées « hutongs » dont il ne subsiste à peu près rien mais qui, à l'époque, abritaient un petit monde grouillant de familles de tous niveaux sociaux. Ici, nous sommes dans la ruelle du Petit-Bercail, en forme de coloquinte ou de gourde, avec long col, une première cour comme un buste féminin, resserrement à la taille et ventre rond. On dirait un corps de femme. Elle abrite la famille Qi, celle qui justifie le titre, regroupant un arrière-grand père de 75 ans, ses enfants et petits enfants, les petits derniers encore tout jeunes. C'est sur l'aîné des petits-fils, Ruixan, professeur dévoué et homme responsable, que repose le bien-être de la famille. Son plus jeune frère, Ruiquan, romantique et patriote, est parti pour se battre. le puîné, Ruifeng, est un jeune homme opportuniste qui veut réussir, y compris en jouant la carte de la collaboration.
Autour des Qi, plusieurs familles se côtoient, poète torturé par les Japonais dont les deux fils meurent, l'un en tant que héros de guerre. Famille de parvenus lamentables qui cherchent à profiter de la guerre pour obtenir un poste de fonctionnaire, couple de chanteurs d'opéra, tireur de pousse, barbier, tapissier. le petit monde de la ruelle est complexe et dans l'ensemble on s'entend bien, même si un jour on dénonce son voisin pour obtenir des faveurs de l'ennemi...

On assiste à un spectacle lamentable : l'organisation par le petit-fils collabo au défilé de l'école pour « célébrer » la fête nationale, et en même temps la prise de Baoding par l'ennemi. Honte, « perte de face », les professeurs refusent de venir encadrer le défilé, les élèves baissent la tête, déchiquettent les drapeaux en papier, ceux du Japon, qu'on leur a mis dans les mains, triste défilé d'ombres honteuses...

Lao She évoque de façon indirecte les horreurs de la guerre, ici ni effusion de sang ni massacres mais un peuple chinois décrit comme doux et pacifique, non préparé à de hauts faits d'armes malgré des héroïsmes ponctuels, des gens qui veulent simplement vivre et jouir de petits plaisirs en toute quiétude. Pourtant, les vilenies, indépendantes de l'occupant, sont évoquées au détour d'une phrase : enlèvement et viol d'une femme devenue concubine malgré elle, jeunes filles du collabo Guan proposées comme monnaie d'échange pour l'obtention d'un poste, violence conjugale exercée par le tireur de pousse.

Le foisonnement de personnages, tous évoqués à traits précis et acteurs d'anecdotes vivantes, fait de ce texte un roman vivant et incroyablement réaliste. Nous y découvrons une Chine aux valeurs ancestrales mais aussi un jeu de relations extrêmement complexe, encore vivace aujourd'hui. Et une dénonciation des autoritarismes d'État, un plaidoyer pour la dignité des petites gens et le respect des hommes de paix et des érudits. Il est remarquable que certains personnages se récitent ou savent citer des passages entiers de textes très anciens, datant de plusieurs siècles.

L'auteur, Lao She, a été « suicidé » en 1966...

Aujourd'hui encore, on peut écouter des Chinois raconter combien ils ont souffert de cette guerre et la haine du Japonais reste très vivace.





Annexe:
Lin Daiyu, personnage du roman de Cao Xuejin, le Rêve dans le pavillon rouge, type de la beauté d'apparence fragile

Lin Daiyu (林黛玉, Lín Dàiyù, « Lin Jade sombre », récit IIN 1, aussi appelé soeurette Lin. Plus jeune cousine de Jia Baoyu, elle est aussi son premier amour. Fille d'un mandarin de Yangzhou nommé Lin Ruhai (林如海, Lín Rúhǎi, « Lin Tel que Mer ») et de Dame Jia Min (贾敏 / 賈敏, Jiǎ Mǐn, « Lin Tel que Mer »), tante paternelle de Baoyu. Elle est maladive (souffre notamment d'une maladie respiratoire) mais extrêmement belle. le roman à proprement parler débute au récit III avec l'arrivée de Daiyu au Palais de la Gloire, peu après le décès de sa mère. Émotionnellement fragile, sujette aux crises de jalousie, Daiyu est néanmoins une poète et musicienne accomplie. le roman la désigne comme l'une des Douze Belles de Jinling et fait d'elle une fille seule, fière et finalement une figure tragique. Daiyu est la réincarnation d'une fleur du récit-cadre : la merveilleuse plante aux Perles pourpres. Elle descend dans le monde des humains pour s'acquitter de sa dette (qu'elle paiera en larmes) envers le Roc déifié, Baoyu, pour l'avoir arrosée dans une réincarnation précédente.

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