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Critique de Zebra


« Quatre générations sous un même toit » est un roman de l'écrivain chinois Lao She. Écrit entre 1940 et 1942, édité au Mercure de France en 1996 dans une traduction française réalisée par Jing-Yi Xiao, ce livre de 551 pages est le premier des trois tomes d'un roman-fleuve (100 chapitres pour près de 1000 pages) qui décrit la vie de trois familles vivant à Pékin dans l'étroite ruelle du Petit-Bercail (un des multiples hutong de Pékin) sous l'occupation japonaise de 1937-1945.

Dans ce premier tome (34 chapitres), le lecteur découvrira la vie quotidienne de ces familles et de leurs voisins (au total, plus de 30 personnes) avec des détails d'un réalisme saisissant. Incroyablement vivante, cette fresque -centrée sur Pékin et ayant en toile de fond la patrie et la conduite à tenir face à l'occupant japonais- dépeint avec un humour mordant (« lire le journal, voilà le passe-temps favori des Pékinois. Non seulement ils y apprennent beaucoup de choses mais ils peuvent l'utiliser pour se couvrir le visage quand ils sont de mauvaise humeur ») et dans un style simple et émouvant la famine, ses souffrances et ses conséquences sur ces familles, à savoir la résignation, la résistance (passive ou active) ou la collaboration avec l'ennemi. Devant les « misères » de l'occupation, les Chinois s'organisent, avec leurs coutumes, leur politesse, et l'éternel respect de l'étiquette (« essuyer sa sueur sur son pantalon ! Quel geste vulgaire »), dont on sait la part qu'elle tient dans leur société. Dans ce hutong de Pékin (qui est un personnage à part entière, avec ses détritus, son odeur, ses cerisiers en fleurs, ses sophoras et les mouvements de celles et ceux qui s'y attardent), la famille Qi rassemble sous un même taudis quatre générations : bien vite, à la faveur des évènements, ce microcosme est partagé devant la conduite à tenir : héros, victimes impuissantes, crapules, tous trouveront leur place au prix de compromissions, de confrontations ou d'adhérences plus ou moins durables.

Lao She oppose le bien et le mal. Loin de dénoncer, l'écrivain laisse le lecteur se faire une opinion ; il l'aide en parsemant les dialogues et les descriptions de réflexions politiques, morales, historiques et philosophiques, fidèle en cela à la tradition du roman chinois classique. Quelle est la part de fiction et la part de l'Histoire dans cette longue narration? Difficile à dire. Mais, en tous cas, Lao She dissèque, analyse et nous montre ce que furent les motivations, les atermoiements et les engagements de chacun, sans jamais dénoncer ou blâmer les uns ou les autres. En grattant sous cette couche protectrice (Lao She craignait, à juste titre, pour sa survie dans une Chine gagnée par la Révolution Culturelle et par le fanatisme naissant de ses premiers Gardes Rouges), le lecteur sentira le mépris sincère de l'écrivain pour les travers de comportement de ses semblables : égoïsme, peur et choix délibéré de préserver un petit confort personnel. Émouvant, sincère, réaliste, détaillé jusqu'à l'excès, délicat et profondément humain, empreint par endroits d'une certaine poésie (Peiping -ancien nom de Pékin- c'est la « ville pacifique par excellence, avec ses lacs et ses collines, son palais impérial, ses terrasses et ses autels, ses temples et ses monastères, ses résidences et ses parcs, son mur-écran aux 9 dragons multicolores, ses vieux thuyas, ses saules vert émeraude, ses ponts de marbre blanc ... »), « Quatre générations sous un même toit » aurait pu être une perle.

Mais l'ouvrage m'a paru trop long (tout pouvait être dit en 200 pages), sans réel temps forts (à l'exception de l'emprisonnement et du retour d'un des protagonistes) et trop caricatural (que ce soit vis-à-vis des Japonais dont il dénonce la cupidité et l'imbécilité, des Mandchous qu'il fait passer pour des gens raffinés ou des Chinois dont il glorifie la patriotisme et l'envie de prendre en main leur destin). le roman est par ailleurs truffé d'invraisemblances (un exemple, les Japonais sont invisibles ; ils ouvrent ou ferment les portes de la ville quand bon leur semble, et ils organisent quelques défilés, un point c'est tout) et il est d'un idéalisme naïf, pour ne pas dire béat, l'auteur ne dénonçant les choses et les faits qu'à fleuret moucheté, à de rares exceptions près (page 435 « la Chine avait une culture très ancienne, mais malheureusement, elle commençait à être moisie et un peu pourrie par endroits »). Dommage : je mets donc 3 étoiles.
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