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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
C'est avec une certaine appréhension que j'ai commencé ma lecture du Dragon Griaule. En effet, outre le sujet des dragons qui est un thème qui m'intéresse au plus haut point comme vous pouvez vous en douter, la couverture m'avait littéralement tapé dans l'oeil. Hop, achat, triple dédicace, place de choix dans la PàL. Et du coup grosse pression. Je craignais que le bouquin ne soit pas à la hauteur de mes attentes, qu'il ne me plaise pas, que le style de l'auteur me donne envie de fuir en courant dans la direction opposée ou que sais-je d'autre qui aurait pu me faire regretter mon acquisition et devoir ranger ce superbe objet dans ma bibliothèque en sanglotant " t'es beau mais t'es nul".

Force est de constater que mes craintes étaient infondées : le Dragon Griaule est un sans faute. L'écriture / la traduction sont parfaites, la narration prenante et très construite, explorant différentes facettes du dragon et de la population qui vit alentour. Des six textes présentés, je serais bien en peine d'en choisir un préféré, tellement chacun est original.

Mais qui est donc ce fameux Griaule ? C'est un dragon gigantesque pétrifié il y a fort longtemps par un magicien qui tenta de le tuer. Mais Griaule n'est pas mort. Son corps ancré au milieu d'une vallée sud américaine fait partie du paysage à présent. Quant à son esprit, il distille son venin à la population établie alentours.

"En 1853, dans un lointain pays du Sud, en un monde séparé du nôtre par la plus infime marge de possibilité, la vallée de Carbonales, une région fertile entourant la cité de Teocinte et réputée pour sa production d'argent, d'acajou et d'indigo, était placée sous la domination d'un dragon nommé Griaule." [L'homme qui peignit le Dragon Griaule]

Au travers de six récits, rassemblés dans un même recueil pour la première fois, Shepard nous conte la terrible influence de ce dragon fabuleux et effrayant qui n'a d'égal que sa taille impressionnante.

L'homme qui peignit Griaule. Vaste entreprise de peindre les écailles du dragon millénaire qui inflige sa néfaste influence sur les habitants, dans le but de le faire mourir à petit feu, empoisonné par les toxines de la peinture.

"Quoi que un peu là de s'émerveiller de tout, Méric ne put s'empêcher de tomber en arrêt devant l'oeil. Large de soixante-dix pieds et haut de cinquante, il était protégé pas une membrane opaque et luisante, étrangement vierge d'algue et de lichens; derrière laquelle on devinait des masses de couleur. Alors que le soleil rougeoyant achevait de sombrer entre deux lointaines collines, cette membrane frémit puis s'ouvrit en son centre. Avec la lenteur cérémonieuse d'un rideau de théâtre, les deux moitiés s'écartèrent pour révéler la lumière de l'humeur aqueuse." [L'homme qui peignit le dragon Griaule]

La fille du chasseur d'écailles. Catherine a grandi en dormant tout contre les écailles du dragon. Suites à certains concours de circonstances malheureuses, elle se retrouve littéralement à l'intérieur du dragon. L'atmosphère de cette nouvelle est aussi moite et brûlante que les organes internes de la bête.

Le père des pierres. Un homme tue l'amant de sa fille, une espèce d'illuminé qui a créé un secte dont le culte tourne autour du dragon. L'histoire est racontée du point de vue de l'avocat du meurtrier. La ligne de défense de l'accusé est de mettre en cause le dragon qui, par son influence pernicieuse, l'a poussé à commettre ce crime.

La Maison du Menteur est une auberge qui porte ce nom car son propriétaire dit l'avoir construite avec du bois prélevé sur le dos du dragon. Ce que personne ne croit. Hota, qui a fuit sa ville d'origine après en avoir tué un dignitaire, vit dans cette auberge. Un jour, il rencontre une étrange femme sur le dos du dragon ...

Si vous n'avez pas lu le recueil : possibles spoilers dans les deux paragraphes suivants.

L'écaille de Taborin. George Taborin fait l'acquisition d'un morceau d'écaille de dragon, lors d'une de ses visites à Teocinte, ville limitrophe du monstre. Il rencontre la prostituée Sylvia à qui il promet l'écaille si elle lui consacre quelques semaines de bon temps. Un jour il frotte l'écaille et se retrouve en compagnie de Sylvia projeté dans une sorte de savane, semblant venue d'un autre temps.

" Nous l'avons toujours sous-estimé. En le débitant en pièces et en transportant celles-ci aux quatre coins du monde, nous avons fait exactement ce qu'il souhaitait. Désormais, il règne que la terre tout entière". [L'écaille de Taborin]

Le crâne. Griaule est mort et ses restes ont été dispersés aux quatre coins du monde ... Son crâne défie le temps et les hommes au milieu d'une jungle. Une communauté d'illuminés vit à ses alentours, guidé par une jeune fille qui semble agir sous l'influence du dragon.

" de toutes les choses que j'avais vues, le crâne était la première qui parût en mesure d'ébranler ma vision du monde. Sa taille et son apparence incroyable, les décorations barbares dont l'homme et la nature l'avaient orné au fil des siècles, ces graffiti de mousse et de lichen, ces enluminures de jade laiteux et d'onyx noir, ces crocs gainés de vert-de-gris, cette gueule recouverte d'arabesques fanées, appliquées par quelque tribu disparue depuis des lustres, tout cela éclairé par la lueur mouvante des torches ... à un instant donné, je croyais découvrir le visage grotesque d'un clown, un gigantesque masque de mardi gras en papier mâché, l'instant d'après je frémissais de terreur, persuadé qu'il allait s'animer et hurler. "[Le crâne]

Le thème récurrent des nouvelles est l'influence qu'exerce le dragon sur les hommes. Suggérée dans la première nouvelle, elle monte crescendo au fil des cinq suivantes. La question est : ce que fait cet homme ou cette femme est-il dicté par sa propre volonté ou par celle du dragon ? Voilà une bien étrange - et passionnante -façon de métaphoriser le concept du libre examen.

Dans sa postface, Shepard parle de métaphore politique, en pensant en particulier à administration Reagan pour la première nouvelle. Cela m'a un peu échappé à la lecture, sauf dans la dernière nouvelle où l'on n'est plus dans la métaphore mais dans la réalité. Cela dit, au final, on parle bien de la même chose.

Parlant de la postface, elle est tout à fait éclairante sur la genèse du dragon dans l'esprit de l'auteur et de chacune des nouvelles. Shepard nous propose un travail assez personnel sur ce qu'il a mis dans ces textes, au fil des années. Et d'en venir à la conclusion :

"Je pense à présent que je n'en aurai jamais fini avec Griaule."


Lien : http://ledragongalactique.bl..
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En Résumé : J'ai passé un excellent moment avec ce livre qui nous offre six textes sur Griaule et son influence. Chaque texte est vraiment dense, bien construit et travaillé le tout porté par des personnages vraiment complexes et possédant chacun une psychologie propre. L'auteur à travers ces textes nous fait réfléchir sur notre libre arbitre et nous offre une critique intéressant d'un point de vue sociale et politique. le tout est porté par une plume vraiment intenses, soigné et jamais lourde ou ennuyeuse, un véritable régal. Seule petit hic une nouvelle que j'ai trouvé un ton en dessous des autres.

Retrouvez ma chronique complète sur mon blog.
Lien : http://www.blog-o-livre.com/..
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Le dragon Griaule, c'est un recueil paru en 2011 aux éditions le Bélial (puis chez « j'ai lu » en poche), initialement une exclusivité française.
Il réunit six nouvelles de Lucius Shepard:
L'Homme qui peignit le dragon Griaule (1984), La Fille du chasseur d'écailles (1988), le Père des pierres (1989), La Maison du Menteur (2003), L'Ecaille de Taborin (2010), et le Crâne (2011).
Prix des imaginales 2011.

Le mot pour définir ce recueil est véritablement: inclassable. C'est un éditeur de littérature de l'imaginaire qui l'a sorti en France, et l'édition de poche est classé comme « Fantasy », mais autant le dire tout de suite: les lecteurs de Fantasy habituelle ne trouveront pas forcément leur bonheur. Avis aux fans de dragons: ce n'est pas ce que vous croyez.

Ici, c'est le contexte qui est inhabituel: Un immense dragon, de 2 km de long et 200 mètres de haut, a été pétrifié par un mage lors d'un lointain âge antique. Depuis lors, les hommes ont construit des villes aux abords de ses flancs, nourrit des mythes et des croyances autour du dragon pétrifié, dont beaucoup pensent qu'il exerce encore une influence sur les hommes, une vague domination qui suit ses propres buts.

Ce contexte va être un fil rouge, prétexte dans chaque nouvelle à explorer les nuances de l'homme, de son organisation de couple, en village, en société, de la politique. Et bien que le contexte soit fantasque, les thématiques développées dans chaque nouvelle sont très modernes. le dragon permet en réalité à l'auteur d'explorer l'homme et ses facettes.

De plus, l'écriture de Lucius Shepard est très intéressante; lyrique, dense mais aussi directe et dynamique, elle est, d'une manière plus générale, hypnotique; d'ailleurs, quand on termine une nouvelle, on est pas toujours bien capable de raconter ce que l'on a lu.

La quatrième de couverture nous dit: « souvent comparé à Hemingway ou à Garcia Marquez pour la fluidité de son style et la richesse de ses univers, Lucius Shepard fait partie de ces écrivains majeurs qui échouent à toute tentative de la classification ».
Et c'est justement ce que j'ai aimé, cette originalité.

Avec ce recueil vous n'aurez pas l'appréciation de lire un « énième » livre de Fantasy, puisque ce n'en est pas vraiment un.

Belle plume, originalité de traitement des thèmes, du bel ouvrage.
Il faut souligner le magnifique travail de traduction, comme toujours, de Jean-Daniel Brèque.

Finalement le recueil du Dragon Griaule n'aura pas contenu l'exclusivité des textes qui lui sont consacrés, puisque aux éditions le Bélial encore, est sorti en 2013 le livre « Le Calice du Dragon », soit un an avant le décès de l'auteur (1943-2014).
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La fantasy à un sommet d'écriture, au service d'une puissante fable politique contemporaine.

Lucius Shepard crée cet assemblage romanesque à partir d'une nouvelle de 1984, "L'homme qui peignit le dragon Griaule", dans laquelle un dragon extrêmement puissant, long de plusieurs kilomètres, a été paralysé au cours d'une ancienne bataille, quasiment dans la nuit des temps, devenant ainsi peu à peu à la fois un très encombrant élément du paysage (sur lequel poussent arbres, fleurs ou mousses) et une source pernicieuse d'influence, psychologique ou magique, sur les habitants voisins.

La métaphore, si elle peut effrayer de prime abord (et particulièrement le lecteur non aficionado de "fantasy à dragons"), est superbement conduite et écrite par Shepard (et traduite avec finesse et justesse par Jean-Daniel Brèque). Un peu comme chez Yves et Ada Rémy, une fois la prémisse fantastique installée, elle devient toujours plus discrète, laissant le récit se concentrer sur situations et personnages. On explorera ainsi la faune qui vit dans le dragon, et les curieux adorateurs humains qui y évoluent, dans "La fille du chasseur d'écailles" (1988), au style encore plus abouti que dans la nouvelle initiale, puis la manière dont l'influence du dragon se développe dans les esprits des humains avoisinants et peut même "être utilisée", dans "Le Père des pierres" (1989) (qui constitue aussi une nouvelle policière au brio machiavélique), avant de revenir sur les desseins et les plans de ce dragon emprisonné, dans "La Maison du Menteur" (2003) et dans "L'Écaille de Taburin" (2010). "Le Crâne" (2011), conclusion - provisoire ? - de cette histoire au très long cours, renoue, dans un Guatemala contemporain cher à l'auteur et à peine dissimulé, avec la fable politique incisive du début du cycle, en forme d'apothéose cette fois.

"Une fois franchie la porte, qui donnait sur un couloir éclairé par une mosaïque de mousse lumineuse évoquant des veines d'un minerai bleu-vert courant dans les lambris de teck, sa peur monta d'un cran. Il était sûr de sentir l'influence de Griaule ; à chaque pas, la présence du dragon était de plus en plus prégnante. Comme une aura d'intemporalité, ou plutôt l'impression que le temps lui-même était moins majestueux, moins élémentaire que le dragon, que ce n'était qu'une donnée que celui-ci maîtrisait totalement, comme s'il avait sur les éons la plus absolue des perspectives. Et ces murs, ces veines de mousse... il avait l'impression que leur configuration reflétait celle des pensées de Griaule. On eût dit qu'il s'aventurait dans les entrailles du dragon, dans quelque boyau pétrifié, et il fut frappé par la justesse de cette observation : cet antique bâtiment, aligné de tout temps avec Griaule, était peut-être entré en résonance avec lui, jusqu'à devenir un analogue de son corps assujetti à son contrôle."

En tant que nouvelles isolées, "Le Père des pierres" et "Le Crâne" (et dans une légèrement moindre mesure, "L'homme qui peignit le dragon Griaule") seraient déjà des réussites majeures. La continuité subtile, les effets de contraste et de résonance à travers le temps et les personnages, permis par l'assemblage des six longues nouvelles, construisent un grand roman à facettes.

Il justifie a posteriori l'ambition de Shepard, dévoilée dans une postface fouillée : "L'idée d'un gigantesque dragon paralysé (...), dominant le monde qui l'entoure grâce à ses pouvoirs mentaux, un monstre vicieux irradiant ses pensées vengeresses et faisant de nous les jouets de sa volonté... voilà qui m'apparaissait comme une métaphore appropriée pour l'administration Reagan, qui s'affairait alors à proclamer qu'un jour nouveau se levait sur notre patrie, à dévaster l'Amérique centrale et à réduire en pièces notre constitution. Cela explique le contenu politique qu'on pourra lire en filigrane dans ces récits. Dans un sens, le cycle de Griaule tourne autour de deux bestioles, un dragon et un président mentalement handicapé dont l'avatar est un monstre immortel... ou vice versa."
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Celui qui a été élu plus gros lézard de toute la SFFF réussit à terroriser tout le monde en ne bougeant pas d'une écaille, endormi qu'il est depuis des millénaires sous des couches de forêts et de rocaille. Tantôt révéré ou craint comme un dieu, Griaule est la source même de toutes les horreurs qui sont perpétrées dans la vallée, tout le monde le sait. C'est cette influence néfaste, cette noirceur qu'il instille dans chaque âme…

Dans son recueil de nouvelles qui forment un véritable roman, Lucius Shepard personnifie le Pouvoir avec un P comme « Abusif » à condition que le mot « Abusif » commence par un P. Une entité à la taille improbable, impossible à dater, légendaire dont est issu le mal absolu… et les projets plus ou moins obscurs qu'elle a pour chaque homme et chaque femme dans le coin. Ambition affichée : tu peux pas lutter. Une chouille d'ambition politique dans la fantasy de Shepard ? NAAAAAAAAAAAAAN…

Ce qui a définitivement fait chavirer mon coeur, c'est l'imaginaire incroyable de l'auteur et cette atmosphère malsaine de dingue… Il n'y a pas vraiment de chute dans ses nouvelles, et certaines étaient même difficilement accessibles au début, mais je les ai dévorées parce que j'étais pleinement immergée dans son monde.
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Un livre de fantasy philosophique vraiment original. Une écriture excellente. Je ne suis pas une grande fan de nouvelles mais celles-ci sont assez conséquente pour que le sujet soit correctement développé et ne laissent pas le lecteur sur sa faim. J'ai vraiment apprécié.
Lien : https://www.facebook.com/532..
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