Il a su admirablement tirer parti de ses échecs apparents pour élaborer un art de vivre sur lequel il s'est expliqué dans des poèmes , des essais , des lettres. Il eut d'autant plus de mérite à acquérir cette sagesse qu'il a su la trouver dans des malheurs qui lui tombèrent dessus et non par une recherche délibérée.
C'est parce que des formes ne sont pas constantes qu'on ne peut pas ne pas être très attentif à leur nature intérieure.
Souvent des ivrognes me bousculent et m'insultent, et je me réjouis toujours de passer peu à peu incognito. D'habitude, personne ne m'écrit et quand, par hasard, je reçois une lettre, je n'y réponds même pas. J'ai la chance d'avoir coupé presque toute relation avec le monde. Or voici que vous vous remettez à faire mon éloge, mais ce n'est pas du tout ce que je souhaite.
Il fut donc un parfait modèle du lettré chinois: poète, essayiste, peintre, calligraphe, amateur de musique, le contraire du spécialiste.
Il n'y a que les livres pour convenir aux sens et avoir une utilité, pour ne pas s'abîmer quand on les utilise, ne pas s'épuiser quand on y puise, où les sages et les incapables obtiennent quelque chose, chacun en fonction de ses talents, où les êtres bons et intelligents trouvent quelque chose, chacun suivant ses dons, où quelles que soient les différences de talent et de don, chacun retire un gain quand il y a recours.
En peinture, je considère que les hommes, les animaux, les bâtiments, les objets utilitaires ont tous une forme permanente, alors que les montagnes, les pierres, les bambous, les arbres, l'eau, les vagues, la fumée n'ont pas de formes constantes, mais une nature intérieure permanente.
La pensée de Xun Kuang (qui a voulu innover par rapport à Confucius, en élaborant des idées originales et abstruses pour faire montre de son intelligence), conclut Su Dongpo, est faite pour étonner les imbéciles et plaire à ceux qui visent leurs intérêts.
(P16)