Fuki-no-tô est le quatrième volet de la série “L'ombre du chardon”, dont j'avais beaucoup aimé Azami et Hôzuki et un peu moins Suisen. Ici on fait la connaissance d'Atsuko, la femme de l'amant du Mitsuko d'Azami et de Hôzuki.
Le dit amant et sa femme sont un des nombreux couples mariés « sex-less » au Japon. Une fois « la reproduction » assurée, à ce qu'il parait c'est une situation des plus normales, que la femme semble assumer sans grands problèmes, quand à l'homme, il va tout simplement voir ailleurs.
Atsuko, fermière, qui se cherche une assistante, embauche une vieille amie d'enfance Fukiko, en instant de divorce. Elle aussi suite à un mariage sex-less, le mari déjà occupé ailleurs, le quitte sans histoires, mais c'est un peu plus compliqué que ça.....
Aki Shimazaki aborde dans ce tome avec pudeur un sujet encore très tabou au Japon, aussi bien au niveau familial, social que du monde du travail. A la page 96-97 la petite histoire que raconte Fukiko à Atsuko résume l'essence de ce livre. Dénier sa propre nature, indubitablement résulte à la perdre à jamais.
Comme dans tout ses livres l'écriture est simple, limpide, on y retrouve l'attachement
aux symboles, aux signes, à la destinée.
Le fuki-no-tô, ce végétal voisin de la rhubarbe m'a encore une fois conquise !
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Atsuko est une femme heureuse, son mari qui lui a été infidèle est revenu à de meilleurs sentiments. Il a quitté sa maîtresse et son travail en ville pour rejoindre sa famille à la campagne et a créé une revue dans la petite ville voisine de l'exploitation agricole biologique de sa femme. Un bonheur conjugal et familial retrouvé, bientôt perturbé par l'arrivée à la ferme d'une employée, Fukiko, qui n'est autre qu'une amie de lycée d'Atsuko, toujours amoureuse d'elle...
Dans fuki-no-tô, avec délicatesse et subtilité, Aki Shimazaki aborde l'épineux problème de l'homosexualité au Japon. Un pays où semble-t-il se déclarer homosexuel ne va pas de soi. On se souvient des tourments de Mishima face à son homosexualité traduits dans l'admirable Confession d'un masque. Sans avoir la violence du livre de Mishima Fuki-no-tô montre, soixante-dix ans après, la persistance du poids de la société japonaise traditionnelle normative dans la sphère la plus intime de l'individu, sa sexualité.
« Une personne qui porte un masque s'expose à [un] danger. C'est ce que je ressens lorsque je vois du théâtre nô. ... Fukiko tourne la tête vers la fenêtre. Je réfléchis. Son masque est jeté après tant d'années. Elle aura besoin de temps pour se remettre de cette longue période où elle essayait d'être « normale ».
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Je poursuis ma lecture enthousiaste de cette auteure japonaise, tout récemment découverte...j'emprunte tout ce qui est disponible à ma médiathèque... toujours dans le plus franc désordre [ce qui ne nuit en rien à la compréhension des textes !!]...je termine donc le 4ème tome de "L'Ombre du chardon "...
"fuki-no-tô": "tige florale de pétasite"...titre -symbole de cette nouvelle fiction...[je me suis bien sûr précipitée pour voir l'aspect de cette espèce... il y en a de multiples sortes... plantes médicinales précieuses, qui offrent aussi des floraisons...diverses.... Les pétasites du Japon ont des feuilles géantes, et poussent au bord de l'eau; elles soignent les allergies, les migraines , etc ]
Revenons aux thématiques de notre histoire....
Atsuko, élevé comme un garçon par son père, reprend la petite ferme biologique qu'il gérait, qui avait été son rêve et qui devient celui de sa fille unique... Son mari, après une infidélité qu'il regrette, agit pour recoller son couple et sa famille....Il quitte son travail de rédacteur dans une revue importante...Ce qui le passionne depuis des années. Il quitte la ville... rejoint son épouse dans la ferme paternelle, fonde sa propre revue "Azami" [= "Chardon"], nom choisi par leur fille...et donne de temps en temps un coup de main dans les travaux de la terre...Mais franchement, il n'est guère doué pour cela !!
Toutefois, Atsuko déborde d'activité et se décide à embaucher une "aide" pour la seconder...et quelle ne fût pas sa surprise de retrouver à cette occasion, une amie très chère de jeunesse... entrain de divorcer.
Des évocations du passé, des questionnements sur leur séparation brutale... Elles ne fréquentaient pas le même lycée, mais se croisaient, échangeaient discussions, réflexions philosophiques sur un joli cahier commun, leur principal canal de communication, si précieux et original dans la construction de cette amitié adolescente... Ce cahier-mémoire resurgira...et nous révélera la naissance de cette amitié féminine... qui était déjà plus... pour l'une, Fukiko !
Cette dernière lui avoue qu'elle s'est mariée pour prouver à ses parents (et peut-être à elle-même) qu'elle était normale...
l'homosexualité étant vivement condamnée et jugée comme un comportement déviant , comme dans des tas d'autres sociétés...dont la nôtre!! Les normes sociales japonaises étant prégnantes, même draconiennes... il faut faire "comme si"...
L'arrivée de cette amie, ses confidences vont chambouler, bouleverser l'existence d'Atsuko...et l'obliger à analyser sapropre nature.... C'est l'occasion pour l'auteure de parler des sujets délicats de l'homosexualité au Japon, de l'identité sexuelle, mais aussi de la sexualité, en général... Comme ces accommodements conjugaux officieux, où hormis le mariage, les enfants...si un couple traverse des périodes de sex-less, le mari (bien sûr !!) est autorisé tacitement d'aller voir d'autres femmes !!
Ces deux femmes, amies, mères de famille accomplies, mais qui, lorsqu'elles se retrouvent, réalisent qu'elles se sont trompées de vie, que toutes jeunes, inconsciemment ou ne pouvant pas le formuler, étaient déjà vraiment éprises l'une de l'autre...Elles aiment leurs enfants, respectent leurs époux, mais prennent conscience que l'essentiel de ce qu'elles sont est "ailleurs"...
Des retrouvailles qui seront une révolution pour chacune... Un texte tout en finesse sur des sujets délicats...l'auteure a le courage et le talent de traiter tout cela avec délicatesse et sans idées préconçues !...
En plus de ces thèmes centraux, ce roman est aussi un très bel hommage à la terre, et aux travaux qui s'y rattachent .Une sympathique revisite de la fable du "Rat des champs et du rat des villes" !!
"Franchement, je ne déteste pas du tout l'agriculture. Au contraire, je crois que c'est un des domaines les plus intéressants. Cultiver des légumes, des fruits, des fleurs, ce n'est pas comme fabriquer des objets artificiels. Tout ce qu'on fait pousser est consommé et retourne finalement dans la terre, comme nos cendres. "(p. 82)
Un roman surprenant , quelque peu différent... qui n'est pas mon texte préféré, mais dont la lecture reste belle et très subtile...
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Quatrième volume de la pentalogie "L'ombre du chardon" qui m'a énormément plu, tout comme les trois premiers. Dans ce récit, le personnage consacré est Atsuko, la femme de Mitsuo. Elle est heureuse avec sa ferme biologique qu'elle s'est créé. Sa petite entreprise fonctionne bien, à t-elle point qu'elle a besoin de quelqu'un pour l'aider. Après plusieurs candidates, elle rencontre Fukiko. En la voyant, elle reconnaît son amie d'enfance avec qui elle avait lié une amitié très forte. Son amie est une très belle femme. Au début, elle craint que son mari n'en tombe amoureux mais finalement tout autre chose va bouleverser sa vie.
Une très belle histoire, bien menée, bien écrite. Un roman sensible, délicat et serein.
Je vous le conseille bien volontiers.
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Aki Shimazaki choisit la retenue pour dire le débordement, scrute la nature comme reflet du paysage intime, et touche à l’essentiel du sentiment amoureux.
Lire la critique sur le site : Telerama
Avec "Fuki-no-tô" (Actes Sud), Aki Shimazaki emmène le lecteur à la campagne dans une petite ferme bio exploitée par Atsuko, femme mariée et mère de deux enfants. L'arrivée d'une nouvelle employée sur l'exploitation va l'obliger à défricher la nature de ses désirs.
Lire la critique sur le site : Culturebox
L'auteure montréalaise d'origine japonaise Aki Shimazaki poursuit son exploration des sentiments dans ce petit roman poétique et contemplatif niché au coeur de la campagne nippone.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Je flâne dans le bosquet de bambous.
C’est le début de mars. À l’ombre, il reste encore de la neige ici et là. Je marche lentement sur la terre humide. Les camélias rouges au cœur jaune apparaissent entre les vieux bambous vert grisâtre. C’est une beauté simple et sereine que j’adore depuis mon enfance.
J’ai hérité de mon père ce terrain avec la maison et les champs situés plus haut. Je m’attache à cet endroit sauvage et tranquille et j’aimerais bien le laisser tel quel. Malgré tout, il est temps de le nettoyer afin de faire pousser de nouveaux bambous. Sinon il deviendra un fourré impénétrable et l'opération me coûtera finalement très cher. Il faut agir bientôt.
Grâce aux renseignements que le vieux couple nous a donné sur le ferry, nous pourrons visiter des coins peu connus mais superbes. Ce sera plus intime qu'avec un groupe.
Si j'étais avec Mitsuo, qui s'ennuie facilement dans les endroits trop tranquilles, ce ne serait pas la même chose. En fait, je planifiais pour lui une excursion organisée afin qu'il s'amuse à bavarder avec les autres touristes.
Au-dessus de nous volent bruyamment des goélands. Fukiko trébuche sur une pierre. Je la saisis par le bras. Il n'y a personne qui puisse nous voir. Nous marchons main dans la main. Ce geste nous vient spontanément. Ce n'est pas notre habitude, à Mitsuo et moi. Je lève la tête et contemple les oiseaux. A ce moment passe dans ma tête un morceau de Bach joué aux grandes orgues.
« Ce soir encore, ton oreiller est baigné de larmes.
À qui rêves-tu ? Viens, viens vers moi.
Je m’appelle Azami. Je suis la fleur qui berce la nuit.
Pleure, pleure dans mes bras. L’aube est loin encore. »
Ne te fais pas de drôles d'idées, s'il te plaît. Seulement, je souhaite avoir une relation amicale avec toi, comme deux amies. Je cherchais quelqu'un avec qui je puisse librement échanger des pensées. Puisque je suis un peu réservée et maladroite dans mes propos, je préfère les communications écrites. (p. 80)
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Savez-vous quelle romancière japonaise écrit en français des livres superbes traduits dans le monde entier mais ne viendra sans doute jamais en parler à la télé ?
« Tsubaki » de Aki Shimazaki, c'est à lire en poche chez Babel.