- Grand-mère, pourquoi les Américains ont-ils envoyé deux bombes atomiques sur le Japon ?
- Parce qu'ils n'en avaient que deux à ce moment-là, dit-elle franchement.
Il se taisait. Je tremblais de froid.
- Tu ne portes qu'un chandail ! cria-t-il.
Il portait un gros manteau de son père. Il l'ouvrit pour que je puisse m'y réchauffer. Bien que son geste m'ait étonnée, je m'appuyai contre sa poitrine. La chaleur courait dans mon corps. Couverte du manteau, je restais immobile. J'entendais le vent souffler doucement dans les feuilles de bambous. La tranquillité et la paix étaient entre nous et autour de nous. Le temps s'arrêtait.
Je voyais les boutons de camélias, bien tenus par les calices. C'étaient les camélias qui fleurissent en hiver. Dans la campagne près de Tokyo, quand il neigeait, je trouvais les fleurs dans le bois de bambous. Le blanc de la neige, le vert des feuilles de bambous et le rouge des camélias.
C'était une beauté sereine et solitaire.
Le 15 août, après ces deux bombes atomiques, l'empereur Hirohito déclara la défaite du Japon à la radio. Je ne comprenais pas ce qu'il disait : sa voix n'était pas claire. Je croyais qu'il nous ordonnait de faire gyokusai. On se mît à pleurer devant la radio en répétant : " La guerre est finie ! ". Pourtant, ce que je ressentais à ces mots, ce n'était pas le soulagement ni la joie, mais c'était le regret de ne pouvoir nous battre jusqu'à la mort.
A Nagasaki, depuis le dernier bombardement, on voyait des avions ennemis passer au-dessus de nous. On commençait à évacuer des personnes âgées et des enfants de la ville. Pourtant, personne ne pouvait prévoir que notre ville serait la prochaine victime de la bombe atomique.
Même sans la guerre, on peut devenir fou.
La conversation entre eux ressemblait à un interrogatoire de police : ma mère voulait connaître chaque détail alors que mon père en disait le moins possible.
Ma mère tenait à la maison. C'est une vieille maison entourée d'une haie d'arbustes. Derrière, un jardin avec un petit bassin rond et un potager. Au coin, quelques arbres. Parmi eux, mes parents avaient planté des camélias peu après l'achat de la maison. C'était ma mère qui aimait les camélias.
Le rouge des camélias est aussi vif que le vert des feuilles. Les fleurs tombent à la fin de la saison, une à une, sans perdre leur forme : corolle, étamines et pistil restent toujours ensemble. Ma mère ramassait les fleurs par terre, encore fraîches, et les jetait dans le bassin. Les fleurs rouges au cœur jaune flottaient sur l'eau pendant quelques jours.
-La justice, donc, n'est pas importante ?
-Il n'y a pas de justice. Il y a seulement la vérité.
Couverte du manteau, je restais immobile. J'entendais le vent souffler doucement dans les feuilles de bambous. La tranquillité et la paix était entre nous et autour de nous. Le temps s'arrêtait.
Je voyais des boutons de camélias, bien tenus par les calices. C'étaient des camélias qui fleurissent en hiver. Dans la campagne près de Tokyo, quand il neigeait, je trouvais les fleurs dans le bois de bambous. Le blanc de la neige, le vert des feuilles de bambous et le rouge des camélias. C'était une beauté sereine et solitaire.
Ce matin, j’ai vu un jeune travailleur fouetter le dos d’un Coréen jusqu’au sang. Il l’accusait d’avoir volé de la nourriture. J’ai saisi le jeune travailleur par les bras et je lui ai dit : « Tout le monde a faim. Pardonnez-lui, s’il vous plaît. » Le Coréen s’est défendu : « J’ai toujours faim, mais ce n’est pas moi qui ai volé. » J’ai demandé alors à ce jeune travailleur qui semblait avoir le même âge que moi : « Vous l’avez vu voler ? » Il m’a répondu, très fâché : « Non, mais il était là-bas ! Il n’y avait que lui, ce Coréen. C’est une preuve suffisante ! » J’ai insisté : « Ce n’en est pas une et ce n’est pas nécessaire de fouetter quelqu’un de toute façon. » Aussitôt après, le travailleur en a parlé au commandant. On m’a ordonné d’aller le voir. Il m’a dit : « Tu dois lui obéir. Il travaille ici depuis plus longtemps que toi, il est plus âgé que toi et tu n’es qu’un étudiant. C’est clair. Nous nous battons contre les Américains pour l’unité et la paix en Asie. Pour l’unité, l’ordre est très important. Comprends-tu ? » Je lui ai dit : « Je voulais dire simplement la vérité. Ce garçon coréen disait qu’il n’avait pas volé et le travailleur ne l’avait pas vu voler. » Au lieu de me laisser finir, le commandant m’a donné un coup sur le bras gauche avec un bâton, ajoutant : « Tu n’as pas encore compris ! Ce n’est pas le temps de chercher la vérité. C’est l’unité qu’on doit chercher. Pour l’unité, il faut obéir aux ordres. Si tout est bien ordonné et bien respecté, la paix arrivera automatiquement. Donc tu dois obéir aux ordres. C’est tout. Va-t’en ! »