Tout est contraste à Alger. La journée, la haine; le soir, la douceur.
Ta vie à toi tenait maintenant dans le fond d'un carton. A se cogner aux quatre coins : partir, rentrer,manger, dormir... Une routine épuisante qui te tuait à petit feu.
[ Incipit ]
Tu disais : "Là-bas, c'est tellement beau. C'est impossible à dire. Faut y avoir été." Mais moi, je n'étais pas encore née. Si bien qu'à force, je me suis inventé un Alger, pour te suivre pas à pas, quand tu racontais ton histoire...
J'ai mis mes images sur tes mots.
Il faut t'endurcir... La vie est rude, tu sais...
- Tiens, c'est pour descendre chez l'épicier, que j'manque de tout, que j'ai pu d'poivrons, ni de merguez... Ah ! Et fine la semoule ! Pas les macaronis que tu m'avais ramenés la dernière fois...
- Mais maman, j'avais dix ans !!
- Manatche ! Une semoule énorme qui m'a bu tout le jus du couscous, que les carottes elles-z-avaient que les yeux pour pieurer !!
[ Extrait de l'introduction de l'auteur(e), Anne Sibran. ]
C'est un peu la même chose de raconter d'un homme ce qu'il aurait pu être, et de décrire une ville où on n'est jamais allé. Il y a un sentiment intérieur, une sorte d'orientation instinctive, au juger. J'ai reconstruit Alger avec le souvenir de la voix de mon père, et ce nuage bleuté qui coupait en deux le salon. J'ai utilisé aussi des cartes postales anciennes. Je les voulais un peu sombres, imprécises, pour me laisser des libertés, des vérités plus importantes que le regard.