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Bernard Kreiss (Traducteur)
EAN : 9782221112939
588 pages
Robert Laffont (19/03/2009)
4.16/5   188 notes
Résumé :
Le chef-d' oeuvre qui a propulsé Siegfried Lenz au rang des plus grands écrivains allemands contemporains.

Enfermé dans une prison pour jeunes délinquants située sur une île au large de Hambourg, Siggi Jepsen est puni pour avoir rendu copie blanche à une rédaction sur « les joies du devoir ». Ce n'est pas qu'il n'ait rien à dire, bien au contraire... mais il doit tirer le passé de son sommeil. Une fois l'effort accompli, il se met à écrire sans relâch... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (38) Voir plus Ajouter une critique
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“Il valait - il vaut toujours la peine chez nous - de suivre des yeux quelqu'un qui s'eloigne et dont la silhouette se decoupe dans le ciel. C'est tout naturellement qu'on fait halte dans ces cas-la pour concentrer son attention sur les rapports de l'espace et du mouvement. Et chaque fois, on peut se convaincre de la superiorite ecrasante de l'horizon.”

Siegfried Lenz reussit a merveille a reproduire ce plat pays ou il nous transporte. L'Elbe arrivant en mer du Nord par un estuaire ou l'eau et la terre se melangent. L'eau partout et de partout. Les hautes vagues de la mer, blanches sous un ciel noir. Les canaux sous les digues. La pluie qui enfange les sols. Et le vent, le vent qui force a avancer penche, qui s'infiltre entre les couches de vetements et les rainures des murs. Ces descriptions de paysages, de leur nature, auraient suffi a me faire apprecier le livre. Mais il y a plus. Beaucoup plus.

1944. La machine de guerre nazie croule. La fin est previsible, sinon carrement visible. Mais en ses territoires, propres ou conquis, le regime s'acharne. Lenz ecrit l'acharnement contre les artistes “degeneres”. On interdit a un peintre de continuer a peindre. Mais il ne peut s'arreter. Peut-on arreter de respirer? Il peint alors des “peintures invisibles”. Et meme celles-la on les lui prendra, volera, brulera. Lenz s'est inspire de la vie et des vicissitudes d'un artiste reel, Emil Nolde. Nolde avait adhere au parti nazi, c'etait un anti-semite notoire, mais ses oeuvres, expressionnistes, grotesques, aux couleurs truculentes, avaient fini par le designer comme “degenere”. Elles sont confisquees et nombreuses d'elles detruites. Il se retire alors a Seebull dans le nord et produit en cachette des aquarelles qu'il appelle “ses tableaux non-peints”. Dans le livre, Seebull deviendra Rugbull, et Nolde sera denomme Nansen (recouvrant le vrai nom de Nolde, Hansen). Par le personnage du peintre, Lenz rapporte les vacillations de l'artiste, ses deliberations interieures, ses doutes, et nous dispense une etude de la couleur et de la lumiere, a travers les legeres differences de tons, a travers les contrastes de couleurs qui les marient en fin de compte. Comment un artiste se debat pour exprimer son monde, comment il arrive a faire surgir un monde ou personne n'est a sa place, ou les heros ne sont jamais vainqueurs, mais toujours souffrants ou faisant souffrir. Un monde ou les couleurs peuvent donner des frissons. Cette reflexion sur l'art et les debats interieurs de l'artiste suffirait a me faire gouter ce livre. Mais il y a plus, beaucoup plus.

Un peintre est interdit de peinture. C'est un policier rural qui doit le lui annoncer, et le controller, s'assurer qu'il n'enfreint pas l'interdiction. Dans cette region rurale, dans ces petits patelins, tout le monde se connait. le peintre et le policier sont amis, ils ont grandi ensemble et le peintre a meme, dans leur jeunesse, sauve la vie au policier. Mais celui-ci a recu un ordre, et il a le sens du devoir, il s'acharnera a remplir cet ordre a la lettre. Son “devoir”, il l'accomplira fanatiquement. Cela comptera plus que tout, que l'amitie, que la logique, au prix de detruire sa propre famille. Il l'accomplira avec une tenacite aveugle, une obstination rageuse qui continuera meme apres la chute du regime. Il ne peut questionner ses ordres, son “devoir”, qui deviendra sa maladie. Par l'entremise du policier, Lenz s'attaque a la responsabilite, non du regime, non de l'Allemagne, mais de chaque allemand. Il pose le grand dilemme, universel, de tous ceux qui recoivent un ordre, de tous ceux qui accomplissent une mission: ne se doivent-ils pas de jauger cet ordre a l'aune d'une ethique humaine, de valeurs morales? Et comment le faire? Et quel en est le prix? Comment mettre ce prix envisage dans la balance? Qui est capable de peser cela? Combien en seraient, en sont capables? Combien seraient, sont capables de l'assumer? Quand et comment l'indifference, l'inconstance, deviennent lachete?

Et est-ce que la faiblesse humaine peut faire pardonner, absoudre, l'abandon moral? Lenz nous force a reflechir aux responsabilites de chaque homme, qui redoublent en temps de crise. Il suffirait de cela pour me pousser a louanger ce livre. Mais il y a plus.

La lecon d'allemand est la punition d'un jeune delinquant, Siggi (diminutif de Siegfried...), enferme dans une maison de re-education au bord de l'Elbe, en 1954. le pensum qu'il doit ecrire sur “les joies du devoir”. Il ecrit et ecrit, et n'arrete pas d'ecrire. Ses souvenirs. Lenz melange en virtuose ce que Siggi ecrit et ce qui se passe reellement pendant sa detention. le lecteur finira par savoir, en fin de livre, pourquoi il est detenu, quelle est sa faute. Mais le gros des armees de Cesar, le gros du livre, sont les souvenirs d'enfance et de jeunesse que Siggi couche sur le papier. A Rugbull, pres de la mer du Nord, pres de la frontiere denoise. Dechire entre un pere autoritaire a l'extreme, policier imbu de la superiorite de sa charge et mu par un sens du “devoir” exacerbe, jamais mis en cause, jamais mis en question, et un “oncle” peintre, qu'il admire et qui lui octroie le peu de chaleur humaine dont il a besoin. Son pere le somme d'espionner le peintre, alors que ce dernier representera pour lui la generosite, un certain altruisme, et s'aidera de lui pour cacher ses oeuvres. Il l'introduira aux mysteres de la couleur, a la valeur de l'art, et Siggi deviendra un amateur inspire, puis un collectionneur enflamme, frenetique, developpant une phobie malsaine l'amenant apres la fin de la guerre a voler des oeuvres d'art et les cacher, de peur qu'elles ne soient detruites. Siggi aussi developpera donc, malgre lui, un sens de la responsabilite, du devoir, qui annihilera tout concept de faute, toute pensée de culpabilite. Arrete, juge, inculpe, enferme, il ecrira des cahiers entiers sur “les joies du devoir”, beaucoup plus que ne lui demandaient ses maitres, ses geoliers, pour essayer de comprendre ce qu'a signifie dans sa vie le devoir, les differents sens donnes a ce terme par differentes personnes de son entourage et l'influence que cela a eu sur lui, pour le meilleur et pour le pire. Et le lecteur ne sait si compatir ou accuser. Lenz excelle a nuancer le personnage, ses doutes, ses tergiversations, et en fin de compte son acharnement, sa folie. Il excelle a eveiller notre empathie, malgre tout. C'est une victime, qui nous renvoie a l'ancienne interrogation-indignation soulevee par le prophete Jeremie: “les peres ont mange du verjus et les dents des enfants en sont agacees?”. Siggi est le sacrifie qu'ont porte ses parents, la generation de ses parents sur l'autel du devoir. Oui, il est un personnage touchant. Mais Lenz a fait plus que planter un personage. Beaucoup plus.

Ce livre est l'opus magnum de Lenz. Une des plus grandes oeuvres de la literature allemande d'apres guerre. Une ecriture splendide. Majestueuse dans ses descriptions de l'environnement, de la nature. Admirable dans les questions qu'elle souleve, dans le domaine de l'ethique et dans le domaine de l'art. Fastueuse dans la profusion de details de la vie quotidienne, de gestes qu'on arrive a voir, realistes comme des photos prises a l'insu de leurs protagonistes.
Ce livre ne m'a pas ete qu'un plaisir de lecture. Plus que ca. Beaucoup plus.
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En maison de correction, le jeune Siggi Jepsen – probablement un double de l'auteur Siegfried Lenz - est placé en isolement car il n'a pas fait sa leçon, qui était de rédiger une dissertation sur les joies du devoir. Pourtant, les idées ne lui manquaient pas, c'est seulement qu'elles se bousculaient dans sa tête et qu'il n'arrivait pas à y mettre de l'ordre. Maintenant seul, il a tout le temps d'aller de l'avant avec sa dissertation, sa leçon d'allemand. Et c'est ce qu'il fera, même au-delà des jours de punition attribués. C'est cette leçon qui constitue le roman.

Alors qu'il était plus jeune dans le nord de l'Allemagne nazie, son père policier reçoit l'ordre de confisquer les tableaux de Max Ludwig Nansen, considérés comme de l'art dégénéré et dangereux, et d'empêcher l'artiste de poursuivre son oeuvre. Même si le peintre est son ami d'enfance, Jepsen considère qu'il s'agit de son devoir que d'appliquer l'ordre reçut, d'obéir aveuglément, et persécute le peintre. Il va même jusqu'à détruire certaines de ses oeuvres. de son côté, Nansen juge qu'il est de son devoir de résister jusqu'au bout. le jeune Siggi, quant à lui, est d'abord indécis. Mais, pour la première fois, il refuse de suivre la voie de son père et aide l'artiste. Cette dynamique continue même une fois la guerre terminée et le régime nazi passé.

En rédigeant sa dissertation, Siggi Jepsen fait son examen de conscience. Dans cette « Leçon d'allemand », beaucoup de critiques croient que l'auteur Siegfried Lenz fait l'examen de conscience des Allemands. En tout cas, les thèmes du devoir, du combat l'obéissance et la conscience, de la remise en question de l'autorité, qui sont au coeur de l'oeuvre, s'appliquaient très bien à l'Allemagne au lendemain de la Seconde guerre mondiale.

Le début du roman m'a enchanté mais, après un certain temps, quelques longueurs (l'épisode dans la tourbière, celui du frère Klaas ou des jeunes enfants prisonniers de l'eau) m'en ont lassé. Elles n'étaient pas sans pertinence, elles aidaient à mieux cerner Siggi ou d'autres personnages, à mieux comprendre la situation de l'époque, mais elles ne faisaient pas avancer l'intrigue. Heureusement, ces longueurs n'étaient pas si nombreuses ni trop interminables.

Ceci dit, dans l'ensemble, j'ai bien aimé « La leçon d'allemand ». Au-delà des thèmes très forts qu'il véhicule, le roman dégage une ambiance très appropriée. Loin des grandes villes et des théâtres de la guerre, l'action se déroule dans un petit village du nord, près de la mer du Nord. Les digues, des dunes, les arbres tordus, les tourbières, la pluie, la grisaille partout, le vent qui hurle. Tout semble oppresser Siggi et le prédestiner à des moments durs.
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Le 23 août 1941, le peintre Max Ludwig Nansen est frappé par l'interdiction totale de peindre, son amitié avec le brigadier Jens Ole Jepsen, vole en éclats, son ami est chargé de faire appliquer la loi. Siggi devient le complice des deux hommes, le père lui fait promettre de l'aider à pincer Max, le peintre lui confie des toiles pour les cacher.

De ce huis clos naît une oeuvre bouleversante de puissance et de beauté, juste à la frontière avec le Danemark, n'y passe que le vent, et un étrange manteau bleu.

Le peintre Max Ludwig Nansen

"Je voulais qu‘au travers de moi comme peintre, les couleurs se déploient sur la toile, comme la nature les avait créées," Emil Nolde se définissait comme l'homme du nord, l'homme des tempêtes des couleurs, et du poids de l'obscur. Emil Nolde ce très grand artiste sert de modèle à Siegfried Lenz, pour porter le destin de Max Ludwig Nansen.
Le lecteur sera fasciné par lumière translucide qui émane des peintures de Max, comme une annonce des tableaux transparents, invisibles par la magie de l'eau, se déjouant de la stupidité de son interdiction.

Max Ludwig Nansen, déploie les paysages éphémères et les ressauts du vent dans une profusion de couleurs, " le papier s'égouttait... en filaments de lumière rouges, jaunes sulfureux ; de sombres lueurs fleurissaient les crêtes des vagues.p408"

Ce peintre, et sa peinture sont l'essence même du livre, les paysages du nord sont tout au long du texte transfigurés par des descriptions fulgurantes, d'une poésie incandescente.
la tragédie mise en scène dans la Leçon d'Allemand, commence avec l'interdiction faite à Max de peindre, la confiscation de ses toiles, son point d'orgue.

Le jeune Siggi Jespen

Le jeune Siggi, cloîtré sur une île avec d'autres adolescents, purge une peine, la punition du jour, expliquer « les joies du devoir ».

Siegfried Lenz, s'efface pour laisser le lecteur avec Siggi Jespen et sa Leçon d'Allemand. La page laissée blanche, interroge les psychologues ; ce sont les premiers prémices du syndrome Jespen car tout son comportement intrigue chez ce jeune, si différent des autres de la maison de correction.

"Rassemblant alors toutes mes forces, je déblayais pour ainsi dire les ornières qui sillonnaient la plaine de ma mémoire et en retirais toutes les scories pour ne garder de ce bric-à-brac que l'essentiel,
c'est-à-dire mon père et les joies du devoir". " Mon père, l'Éternel exécutant, le scrupuleux exécuteur."

Patiemment, au fil des jours, le bientôt tout jeune adulte, Siggi raconte par le menu, en 570 pages serrées, son enfance entre ces deux hommes. Ses espoirs et ses souffrances, basculant de l'affection de l'un, au respect de sa filiation, avant de prendre le chemin de la liberté. 

Je crains ses silences plein de sous-entendus son mutisme solennel, je le hais aussi, je regarde ses gestes vagues,
je crains oui, je crains cette habitude que nous avons de nous pencher sur nous-mêmes et de renoncer aux mots.
P132

Très tôt on comprend qu'il a pris le parti du peintre, déjouant les pièges tendus par son père, le ridiculisant quand il repeint sans queue ni tête des fragments d'aquarelles. Il soigne ses cachettes comme des repères, gardant avec lui les clés, les clés de son destin comme les clés de ses secrets.

Omniprésent, surveillant, mais pour son propre compte, il sait mentir se moquer rendre ce père ridicule, risible dans son ardeur à obéir, "oui un homme utile doit savoir obéir".

Jens Ole Jepsen

le père de Siggi sera l'unique lauréat des joies du devoir, oscarisé par witwit (petit nom de Siggi que lui donne le peintre), il ramasse par brassées toutes les fleurs du devoir au point d'y sacrifier toute sa famille.

Au delà des hostilités, il ne désarme pas. Il sera seul, peut être, mais ne lâchera rien. L'épisode de la milice est savoureux, comme un point de non retour à sa hantise, son obsession, détruire l'oeuvre d'un dégénéré !

Il brûlera des carnets, des esquisses, des toiles invisibles...
Il livrera Klass son fils, il brûlera le vieux moulin, il dénoncera sa fille exigeant qu'elle brûle la toile où elle danse sur des vagues. Il découvre que ses enfants posaient pour le peintre !.

Sa femme souffla alors à Jens, fixant la raie impeccable de mon père et, comme de juste, elle dit: "parfois je pense que Max devrait se réjouir de cette interdiction.
Quand on voit le genre humanité qu'il peint: ces visages verts, ces yeux mongols, ces corps difformes, toutes ces choses qui viennent d'ailleurs: on sent qu'il est malade. Un visage allemand, on n'en rencontre pas chez lui.
Mais à l'étranger, il est très connu, dit mon père on l'apprécie beaucoup. Parce qu'ils sont eux-mêmes malades, dit ma mère; c'est pour ça qu'ils s'entourent de personnages malades."

Il remplissait sa mission, il pédalait sur cette voie sans issue qui ne le menait jamais qu'à Bleekenwarf, d'éternité en éternité, AMEN.
P14

la richesse de ce roman est sans aucun doute, ses multiples réflexions, ses interrogations, sur le sens qu'il faut donner à la vie, Siggi dépassera ses lubies, le père en dénonçant ses enfants a créé une rupture, que Klass incarne.

Il y aurait tant à dire.
C'est un merveilleux récit, comme Lionnel Duroy on aimerait longer cette voie sans issue, où l'imagination trace des chemins infinis, où les mouettes vous font des lits de plumes et les engoulevents jouent avec la course des vagues.

Un chef d'oeuvre qu'on laisse à regret, avant de replonger dans les couleurs.











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La leçon d'allemand fut pour moi une leçon littéraire. La plume est riche mais sans difficulté de compréhension. La difficulté s'est trouvée ailleurs. 572 pages d'attention, de persévérance et de concentration. D'ailleurs, il m'a fallu une dizaine de jours pour en venir à bout mais en même temps, il m'était impossible de le lâcher. Je voulais absolument connaître l'histoire du jeune Siggi Jepsen, pourquoi il était arrivé dans un centre de rééducation pour délinquants.

1943. le père de Siggi, officier de police, est non seulement chargé de transmettre à son ami d'enfance, le peintre Max Nansen, un ordre du Reich lui interdisant de peindre, mais de le faire appliquer. Un ordre se devant d'être suivi, le devoir interdisant toute considération personnelle, l'officier Jepsen mettra tout en oeuvre pour faire appliquer la loi. Il infligera au peintre une surveillance constante de jour comme de nuit, au point que cela en deviendra une obsession maladive.

Pour Siggi, le peintre Nansen qui est également son oncle, devient très vite une seconde figure paternelle avec laquelle il peut se libérer de ses craintes, parler sans retenue et surtout observer la naissance des tableaux. Personnages de la vie de tous les jours, figures expressives décuplées par une richesse de couleurs qui donnent toute l'intensité aux scènes décrites.

Tiraillé entre son père qui lui ordonne d'être son espion personnel et entre le peintre à qui il voue une admiration sans borne, Siggi sera témoin, comme nous lecteurs, de scènes difficiles, de la mort, de conversations malsaines, de tensions quasi constantes et n'aura plus qu'un seul désir : préserver les tableaux de la folie grandissante de son père.

Ce très beau roman est fort singulier dans sa conception car il est constitué de très nombreuses descriptions. Siggi nous raconte son histoire en détaillant chaque pièce, chaque paysage, chaque scène, sans rien omettre. Il prépare le lecteur à bien visualiser les lieux, comme si c'était des tableaux. En fait, il nous aide à aborder la lecture des tableaux de sa vie.

Un livre qui demande donc une attention soutenue. Mais l'histoire de ce jeune Siggi, autant éprouvante qu'émouvante, est tellement belle, le sujet du livre et le contexte sont si intéressants, que je ne peux que le recommander.

Et pour ceux qui s'intéressent à la petite histoire, après la lecture, je me suis interrogée sur l'existence réelle ou non du peintre. Après une brève recherche sur Internet, j'ai pu lire que l'auteur s'est inspiré de la vie d'Emil Nolde, pour le peintre Max Nansen. Un article du journal le Monde, en 2019, reprend  d'ailleurs :

« 63 ans après sa mort, Emil Nolde est sommé de rendre des comptes. A titre posthume. Celui qui a été le peintre le plus populaire de la République de Weimar avant de devenir le symbole de « l'art dégénéré » pour les nazis puis, après la seconde guerre mondiale, une icône de la modernité, est en train de tomber de son piédestal. 
(...)
Peu après sa mort, la Fondation avait présenté dans une salle spéciale Les Tableaux non peints, série d'aquarelles réalisées alors qu'il lui était interdit d'exercer par les nazis. Surtout, le roman La Leçon d'allemand, de Siegfried Lenz, publié en 1968 et devenu un classique de la littérature allemande, a fait de ces Tableaux non peints un symbole de la résistance artistique face à la tyrannie : le livre, qui s'inspire de la vie d'Emil Nolde, raconte les déboires d'un certain Max Ludwig Nansen sous le nazisme, contraint de peindre des « peintures invisibles ».
 
Intéressant, non ?
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Il y a l'eau, omniprésente, l'Elbe, les canaux, la mer, la pluie, les tempêtes, il y a la terre, les digues, la tourbe, les chemins creux, au point ou parfois tout semble se mélanger et puis de la couleur, partout, celles du ciel et des peintures de Max.

Siggi, jeune homme d'une dizaine d'années, sera tiraillé entre l'obéissance au père Jens Ole Jepsen, officier de police, homme de devoir, qui doit surveiller leur ami Max Ludwig Nansen pour lui interdire de peindre, et son admiration pour les peintures de son ami et voisin Max.

Le sens du devoir, si important dans la morale du citoyen du Nord de l'Allemagne dans les années 1940, est ici poussé à l'excès par un père qui veut montrer qu'il est irréprochable et ne sera pas pris en défaut à cause de son amitié pour le peintre.
A un moment donné, l'officier de police surprend l'artiste avec un carnet de croquis mais qui n'est rempli que de pages blanches. L'artiste lui confesse alors qu'il y a fait plusieurs dessins invisibles. L'officier confisque immédiatement le carnet.

Max le peintre lui, serait inspiré d'Emil Nolde, peintre très connu en Allemagne, moins en France mais qui a fait l'objet d'une première belle exposition au Grand Palais à Paris en 2008. Il y avait notamment une peinture de l'Elbe avec des jaunes sublimes - qui malheureusement ne sont pas du tout les mêmes dans le catalogue de l'exposition –qui correspondrait bien à la vue qu'a Siggi de l'Elbe lorsqu'il est enfermé dans une maison de correction pour ne pas avoir réussi à répondre à un devoir sur « les joies du devoir ».

Un très beau livre, très émouvant.

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Citations et extraits (52) Voir plus Ajouter une citation
Je m'écrasai sur la table et me dégageai légèrement. Mon visage reposait sur la carte marine toute bleue, baignant dans les océans sur lesquels je régnais en rêve et où je rééditais les grandes batailles navales de l'histoire : c'est là que j'avais vécu Lepanto et Trafalgar, c'est là que Skagerrate s'était déroulé une seconde fois et Scapa Flow et Orkney et les duels de Falkland ; et maintenant j'allais à la dérive, toutes voiles avalées, dans les eaux où j'avais connu tant de triomphes imaginaires.
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Chez nous, celui qui tend l'oreille par un soir venteux d'automne en apprend plus que ce qu'il s'attendait à apprendre, plus que ce qu'il désirait savoir : on surprend toujours quelque palabre au profond des haies, l'air charrie toujours des rumeurs singulières et celui qui consacre son attention aux voix ou aux portes qui claquent n'est jamais déçu.
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Elle fixa la raie impeccable de mon père et, comme de juste, elle dit: parfois je pense que Max devrait se réjouir de cette interdiction.
Quand on voit le genre humanité qu'il peint:
ces visages verts, ces yeux mongols, ces corps difformes,
toutes ces choses qui viennent d'ailleurs:
on sent qu'il est malade.
Un visage allemand, on n'en rencontre pas chez lui.
Mais à l'étranger, il est très connu, dit mon père on l'apprécie beaucoup.
Parce qu'ils sont eux-mêmes malades, dit ma mère;
c'est pour ça qu'ils s'entourent d'images de malades.
P223.
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Deux millions de mouettes se lèvent en un vol strident,
forment au-dessus de la presqu'île un nuage d'argent qui monte et descend,
et dont l'indignation se traduit par une vaste rumeur d' ailes froissées,
un nuage qui tourne, se dissocie et se reforme,
avec des claquements secs suivis d'une pluie de plumes blanches ou,
pour le dire mieux,
d'une neige de duvet qui couvre la vallée entre les dunes, un lit moelleux et tiède.
p 58
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Mais peut-on parler de vent : ce souffle du nord-ouest se lançait rageusement à l’assaut des fermes, des haies, des rangées d’arbres ; ses charges tumultueuses, ses embuscades mettaient à rude épreuve la résistance de toute chose et façonnaient le paysage à leur image : un paysage noir et venteux, tordu, échevelé et plein de significations ambiguës
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Coup de coeur d'Isabelle Leclerc, librairie L'imagigraphe - Salon du livre 2015 avec lecteurs.com .Lecteurs.com, partenaire du Salon du livre de Paris 2015, a proposé à des libraires de partager leurs coups de c?ur format poche. En partenariat avec parislibairies.fr. Isabelle Leclerc de la librairie L'Imagigraphe, Paris 11ème nous parle du livre La Leçon d?allemand de Siegfried Lenz, Pavillons poche. http://www.lecteurs.com/livre/la-lecon-dallemand/245865
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