Citations sur Au coeur des forêts (47)
Regarde bien les arbres. Ils savent, comme nous, qu’ils doivent mourir un jour, mais
ils ne pensent qu’à une chose : grandir, monter le plus haut possible.
Je n'avais pas cinq ans le jour ou j'ai entendu pour la première fois mon père parler aux arbres. Ce devait etre à la fin de l'été, quand la foret se couvre de ses couleurs les plus chaudes, de l'or au brun, de la rouille au vermillon, qui sont ses ordinaires parures avant l'hiver.
L'orage arrivait et les grands feuillus se balançaient en gémissant, comme pour appeler l'homme à leur secours. Leur houle formidable me déportait sur le chemin qui sinuait entre les fougères, me poussant aux épaules, me projetant d'un coté et de l'autre, comme sous la poigne terrible de l'ogre aux bottes de sept lieues. Je sentais sa présence dans mon dos et j'avançais de toutes les forces de mes petites jambes en me demandant si je n'allais pas etre emporté loin des miens pour toujours.
Planter pour qui ? Pour quoi ? Je plantais pour la forêt, parce que c'était nécessaire, parce que l'on ne pouvait pas vivre sans arbres, parce que j'en avais moi-même besoin, parce que si l'on coupait, il fallait replanter, c'était une obligation, sans quoi on ne pouvait pas couper, on n'avait pas le droit d'attenter à une si grande patience, une telle oeuvre, une telle force combattue aujourd'hui avec des moyens déloyaux, un tel espoir en l'avenir, un travail sans récompense, gratuit, une telle beauté, de tels mystères inconnus à tant d'hommes et de femmes qui n'avaient jamais observé un arbre.
Un chevreuil a jailli des sous-bois à trente mètres devant nous, puis il a disparu de l'autre côté sans même avoir tourné la tête vers la voiture.
- Pourquoi est-il seul ? a demandé Charlotte.
- On est toujours seul, ai-je répondu.
- ils semblent tellement fragiles ! a remarqué Charlotte
- Ne t'inquiète pas : la force des arbres se trouvent dans leurs racines, non dans ce qu'ils laissent apparaître à l'air libre.
Regarde bien les arbres. Ils savent, comme nous, qu'ils doivent mourir un jour, mais ils ne pensent qu'à une chose : grandir, monter le plus haut possible.
Nous écouterons notre père nous expliquer pourquoi les arbres, dans l'immensité de leur coeur, rêvent d'atteindre le ciel : c'est pour mieux nous hisser vers lui, nous les hommes, si petits, si perdus, si étrangers aux secrets merveilleux de nos vies.
C'est tout un art, une grande patience, que de faire naître le plant de la graine, le protéger pendant deux ans comme un enfant avant de le repiquer, et pouvoir utiliser la troisième année en le mettant bien à l'abri du soleil et du vent.
Est-ce que tu crois possible qu'un peu de l'esprit de ceux qui ont disparu reste présent dans les lieux où ils ont vécu?
Je reverrai enfin Justine au milieu de tant de blanc étendu sous tant de lumière, je lui prendrai la main et nous écouterons notre père nous expliquer pourquoi les arbres, dans l'immensité de leur cœur, rêvent d'atteindre le ciel : c'est pour mieux nous hisser vers lui, nous, les hommes, si petits, si perdus, si étrangers aux secrets merveilleux de nos vies.
Pendant toute mon enfance, en fait, je n'ai jamais soupçonné que le malheur existait.
Pour moi, les arbres étaient des silhouettes tutélaires qui veillaient sur les miens, à l'image de ce père qui ne pliait jamais sous la tempête .
Leurs gesticulations, leurs soupirs, leurs murmures témoignaient seulement d'une présence fidèle et chaleureuse.