Citations sur Piégée (36)
« Le couloir de l’aéroport était d’une importance majeure. Des caméras de surveillance y étaient disséminées, grâce auxquelles les douaniers observaient les passagers ; il valait mieux éviter toute action suspecte, comme de se précipiter aux toilettes à peine sortie de l’avion, ou de s’asseoir quelque part pour fouiller dans son bagage à main. Et, bien sûr, il ne fallait surtout pas regarder autour de soi ou montrer qu’on avait remarqué les caméras. Avoir peur dans un aéroport c’est légitime au départ, pas à l’arrivée. »
Agla se leva à son tour et Sonja la suivit jusqu'à la porte sans un mot. Lorsqu'elle l'eut refermée derrière elle, elle s'appuya contre le battant, s’attendant à éclater en larmes. S’attendant à être submergée par une vague de tristesse. Mais c'est un autre sentiment qui l’envahit, et il lui fallut un certain temps pour l'identifier. La liberté. Une putain de liberté dans tout ce qu'elle avait de plus impitoyable.
On doit faire bloc, maintenir le niveau ! Faire connaître le Pérou. Le Pérou, y a que ça de vrai ! Il faut que les gens sachent qui est l'original et qui sont les copies. Nous avons une responsabilité envers l'avenir, n'oublie jamais ça !
C'était à croire que les appartements trop souvent délaissés finissaient par s'ennuyer. L'air lourd, les rideaux à demi tirés, un fin voile de poussière recouvrant tout. Agla pouvait presque palper cet ennui lorsqu'elle rentrait à la maison.
Alors qu'elle gravissait les douze marches qui menaient au cabinet d'avocat de Thorgeir, Sonja sourit avec amertume en se rappelant sa naïveté lors de sa première visite. Optimiste, elle avait sincèrement cru qu'il voulait l'aider. S'il y avait bien une chose qu'elle enseignerait à son fils, c'était que, s'il avait un jour des ennuis et qu'un inconnu se proposait de voler à son secours, mieux valait décliner l'offre. Elle lui apprendrait à ne compter que sur lui-même, à s'en sortir tout seul, et avant tout à ne pas s'attirer d'ennuis nécessitant un soutien extérieur.
Ce n’était pas la première fois qu’elle surveillait cette maison. À ses débuts, elle avait beaucoup observé les allées et venues depuis sa voiture, tentant de reconstituer dans sa tête le planning de l’animal et de son maître.
Le rythme cardiaque de Sonja s’accéléra de nouveau dès qu’elle quitta l’appareil. À chaque atterrissage à Keflavík, elle avait la sensation que son cœur cherchait à s’échapper de sa poitrine. Elle s’était souvent demandé où la police l’attendrait si elle avait été mise au courant. À la sortie de l’avion ? En réalité, il y avait de fortes chances pour qu’elle ne soit arrêtée qu’en traversant la zone des douanes. C’était là que l’on pénétrait vraiment en Islande.
À présent, il savait préparer six plats. Le lundi, c'était poisson et pommes de terre à l'eau, le mardi, côtelettes panées, le mercredi, tête de mouton bouillie, le jeudi, un pavé de saumon à poêler, le vendredi, des œufs sur le plat et du thé, et le samedi un gigot d'agneau dont il mangeait les restes le dimanche.
Si seulement elle n’avait pas été aussi naïve. Si seulement elle avait su que c’était ainsi qu’on se faisait prendre au piège.
L’épouse du président, un violoniste célèbre qui se rendait à Londres chaque semaine, sans oublier la jolie femme d’affaires qui prenait l’avion plusieurs fois par mois. Il tombait invariablement sous son charme. Petite, plutôt menue, elle avait néanmoins une prestance de star de cinéma. À chaque fois qu’il l’apercevait, il se demandait si cela tenait à son élégance, ou bien s’il s’agissait d’autre chose.