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Critique de Latulu


Gros coup de coeur pour ce recueil de nouvelles d'urban fantasy.

De nos jours, naissent des enfants différents qui en grandissant portent des marques physiques détonantes. Plus grands, le visage au traits félins et une pratique de la magie à divers degrés en font bien vite des aberrations aux yeux de la majorité des hommes. Traités comme des animaux, enfermés dans des centres ou condamnés à se cacher et à vivre de menues rapines, ces enfants devenus adolescents vont trouver en la personne de Shade, un meneur singulier. Commence alors pour eux un exode vers une terre promise : Frontier, le territoire des enfants Fae.

Sur plusieurs nouvelles, Léa Silhol tisse la genèse de Frontier, la ville, le territoire, le refuge ou encore le rêve de ces jeunes, selon chacune des histoires qui nous sont contées.
Elle emprunte au folklore du Petit Peuple, à la religion, au shamanisme et aux combats des minorités pour créer sa propre mythologie.
Parce qu'ils sont une nouvelle minorité au sein de la race humaine, ces enfants différents se verront attribués de nombreux noms : les changelings, Fae, coucou (en référence à l'oiseau qui utilise le nid d'autres oiseaux pour y laisser ses oeufs) mais tous auront la même connotation : l'étranger, la monstruosité.

La construction du recueil peut parfois dérouter car les histoires ne s'enchaînent pas de façon chronologique. Nous démarrons sur la route, par la fugue de deux enfants pour terminer au coeur de la cité mystique. En chemin, à travers les douze nouvelles qui composent le recueil, la conteuse nous montrera le destin de quelques-uns de ces « coucous ».
Et j'ai adoré. Je n'ai pas pu fermer le livre avant d'avoir dévoré chacune des nouvelles.

La plume de Léa Silhol est belle. Il est souvent difficile d'approfondir la psychologie des personnages sur le format nouvelle. Ici, l'auteure prêtera aux Faes une attitude froide, presque détachée. Ce sont leurs actions qui nous dévoileront leurs pensées. Pas d'introspection intérieure mais des non-dits et des vécus qui s'expriment dans les attitudes. La quatrième de couverture nous informe que Léa Silhol écrit au couteau et en cela, elle tranche dans le vif, le rythme ne faiblit pas, on sent dans les actions l'urgence de vivre.

On ne peut qu'adhérer au souffle de révolte et au rêve utopique de ces adolescents qui, loin de faire profil bas et de se soumettre au génocide annoncé, restent fiers et rebelles face à l'oppression.
Shade, Jay, Fallen et Ash, ne plieront pas en dépit des difficultés. Là où certains auteurs forcent le trait du pathétique sur la nature humaine, Léa Silhol évite l'écueil et nous donne à lire une histoire de survivants mais aussi d'humains qui refusent d'être des moutons et de condamner aveuglément un peuple. Elle mêle astucieusement, ci et là, quelques portraits d'hommes et de femmes qui vont choisir de dire non.
Ainsi, la jeune Need qui tourne le dos à ses parents et s'enfuit avec son petit frère jusqu'à trouver Frontier. Elle argumentera que ce qui les définit n'est pas qu'elle est humaine et lui un Fae mais qu'ils sont frère et soeur en premier lieu et que leur amour fraternel est la seule définition qui importe.
Certains personnages auront des actions plus discrètes mais tout aussi courageuses : une infirmière qui risque la perte de son emploi pour soigner un Fae, une jeune fille interrogée comme témoin qui refuse de dénoncer un Fae pour des actes qu'il n'a pas commis.

Dans ces histoires, ce sont l'humanité et la Faëry qui se confrontent mais également l'humanité qui se dévoile, toute en nuances, dans ce qu'elle a de plus abjecte mais aussi et surtout dans ce qu'elle a de plus beau. Loin des clichés sur l'oppression d'un peuple, l'auteure livre un recueil d'espoir, pour les Faes et pour l'homme.

J'ai lu son ouvrage d'une traite et me suis sentie triste, une fois la dernière page tournée, de devoir quitter cet univers. Il m'a été difficile d'écrire un avis sur ce recueil tant il a été vecteur d'émotions troubles.

Au moment de rédiger cette chronique, j'ai appris que l'auteure avait publié un roman « Possession Point » se situant dans le monde de Frontier dont l'histoire fait écho à une des nouvelles et leurs deux protagonistes Jay et Candle. Je suis ravie de pouvoir bientôt encore marcher sur le Seuil de Frontier.
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