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Critique de Marmara


Nous recevons chaque jour un tel flot d'informations. L'une n'est pas sitôt transmise que déjà on nous en assène une autre, et toutes vont se perdre dans les méandres de notre mémoire.
Quoi de mieux que le silence de sa chambre, et un aparté de quelques heures avec un auteur, pour entendre la souffrance ; l'entendre, et surtout disposer du temps nécessaire pour "entrer en empathie".
Dans ce roman, "Elle court, elle court l'infirmière", Eva Silvio, Jmlyr sur babelio, évoque les souffrances qu'elle a ressenties en tant qu'infirmière en EHPAD. La souffrance physique, mais pire encore, la souffrance morale. Elle évoque cet état d'épuisement qui ne peut que s'installer lorsqu'un métier devient un chemin de croix. Lorsque chaque tâche, toilette, prise de tension, médication, transmission et j'en passe, doit être exécutée au pas de charge...Et que dire de la souffrance morale, celle qui insidieusement la ronge, et à juste titre, car comment composer avec un sentiment d'inutilité, lorsque l'on est déjà allé bien au-delà de ses forces... douze minutes et pas une de plus lui sont imparties pour la toilette d'une personne âgée. Douze minutes pour un corps déjà meurtri par les années. On voudrait ne pas y croire. Et puis, pas le temps de parler, de réconforter, de briser un instant le mur de solitude, la faute au personnel en sous effectif, Il faut faire au plus vite, ainsi en a décidé l'ARS. Alors Eva l'infirmière, pétrie de conscience et d'humanité, a mal à l'âme, et le lecteur aussi... Mais Eva l'écrivaine n'ignore pas qu'elle soumet à son lecteur une lecture difficile. Alors elle l'allège, évoque les souvenirs du passé, et d'une plume infiniment tendre, nous parle de son grand-père, de ses deux grand-mères, "ces deux petites grand-mères au bidou gélatineux", et aussi de son amie Dorothéa, "cette autre moi d'un autre pays". Comme c'est joliment dit...
Mais les choses doivent être dites. Alors l'auteure revient sur toutes ces personnes âgées qui ne sont plus que des numéros, elle revient sur le manque d'égard dont elles font l'objet, sur leur fin de vie si triste et tellement déshumanisée... Et comme nul ne peut ni ne doit supporter l'insupportable, l'infirmière s'en ira. Non, elle ne changera pas les conditions de vie de nos ainés. Elle a compris que le combat est perdu. Elle a compris qu'elle s'escrimait à lutter contre des moulins à vent. Alors, que faire. Leur dire adieu, bien malgré elle :

"Au revoir, les résidents, ou plutôt adieu ! Demain vous aurez sûrement oublié qui je suis, et c'est tant mieux. Bonne année à tous, et gardez la santé, gardez-la bien serrée dans vos petits bras fatigués, et tant pis si vos pensées ont foutu le camp. Moi aussi, je fous le camp, même si, comme votre mémoire, j'aurais bien aimé rester"

Mon Dieu quelle impuissance ! Quelle impuissance face à l'indifférence et à l'inertie de nos dirigeants ! N'aies aucun regret. Eva. Tu as fais tout ce qui était en ton pouvoir...
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