Les créatures avaient été fabriquées plusieurs années avant la Catastrophe à partir d'ADN d'oiseaux préhistoriques. Elles répondaient à une commande d'une milice para-militaire appelée "Tuniques Noires", qui en avait fait son emblème. la doctrine de ce groupe était simple : les humains génétiquement modifiés, appelés "HGM", étaient inférieurs aux humains "purs" (...)
Jewell n'en resta pas là. Elle accéléra, rattrapa un des cétacés, passa ses bras autour du corps de l'animal et se laissa entraîner. Ainsi accrochée, elle remonta à contre-courant la rue de Lyon. Sa "monture" plongea, slaloma entre les caracasses de véhicules, puis refit surface près du "patineur de la Bastille", autrefois appelé "Génie de la Liberté".
Il était midi. Le soleil illuminait la façade sombre de la Tour Montparnasse cernée par les flots. Des ptérosaures s'envolaient des derniers étages et rejoignaient la mer en suivant une spirale descendante autour du gratte-ciel. Ils ressemblaient à des chauves-souris géantes avec leurs ailes membraneuses. Leur bec était long et armé de dents redoutables.
Quand la sculpture avait été achevée, tous les deux s’étaient assis sur le lit, face à elle, dans un silence presque religieux. Océane avait tremblé en se reconnaissant.
- C’est moi... avait-elle bredouillé. C’est mon portrait dans la terre.
Puis avec une moue triste :
- Je serai toujours un fantôme pour toi. Tu ne pourras jamais toucher mes mains ou mon visage.
- Tu as de la chance.
- Je peux te les faire découvrir, si tu le souhaites.
- Me les faire découvrir ?
Jewell se pencha et l’embrassa.
- Qu’est-ce que tu as... fait ? bredouilla le garçon.
- Je t’ai dit « je t’aime », à ma manière.
Thanos la dévisagea, se pencha et l’embrassa à son tour, maladroitement. Puis il recula et tous deux se sourirent.
- Tu accepterais d’embarquer avec moi ? demanda l’êtrephine.
- Oui...
C’est difficile de ne pas avoir de parents, mais facile de s’en inventer.
L’êtrephine eut un pincement au cœur. Océane avait été sa sauveuse et allait devenir celle des enfants. Comme elle aurait aimé la voir ! Comme elle aurait aimé découvrir les traits de celle qui avait passé dix années seul avec Thanos ! Thanos et ses yeux dorés qui l’attiraient tant...
Jewell s’impatientait dans le creux du bosquet où elle s’était réfugiée. La brume s’était levée depuis une heure, et toujours pas de Loula ni de Vega en vue. Elle pouvait distinguer les barreaux métalliques que Thanos et elle avaient empruntés pour descendre des remparts.
« Où es-tu, Thanos ? se demandait-elle. »
- J’ai eu de la chance de la rencontrer, avoua Jewell. Son cœur est grand.
- Oui, son cœur est grand.
Le garçon expira un grand coup.
- Je vais te laisser, dit-il à l’êtrephine. J’ai besoin d’être seul.
- Je comprends.