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EAN : 9782070411023
182 pages
Gallimard (25/04/2000)
4.2/5   10 notes
Résumé :
René Chevalier revient avec une amie, Léa, dans sa ville natale qu'il a quittée vingt-cinq ans auparavant. Les gens ne le reconnaissent pas. Il erre dans les rues pendant plusieurs jours et Léa ne comprend les raisons pour lesquelles il a voulu venir habiter cette ville. Il se décide enfin à aller voir sa mère, sa tante et une jeune fille, Marthe, qui a toujours été amoureuse de lui. Il l'épouse, mais va chaque jour voir Léa dont les mœurs faciles provoquent un jour... >Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
L'on n'échappe à sa condition pas plus, semble-t-il, qu'on n'échappe à son destin. Telle pourrait être la morale de "Faubourg", roman dont il faut au moins deux lectures pour bien saisir la sombre complexité de son héros, René Chevalier, qui, plus tard, s'est fait appeler René de Rittter ... Au hasard de ses aventures autour du monde, en quête de L'OCCASION qui le rendrait riche, qui le remettrait à la place qui lui est due (car, dès l'enfance, il ne se sentait pas à son aise dans la ménage petit-bourgeois de ses parents, lesquels semblaient toujours s'attendre à ce qu'il finît sur l'échafaud), René en a porté, bien des noms. Tout comme il a fait autant de petits boulots sans gloire, comme barman sur un navire, que de postes gratifiants, notamment greffier à Tahiti. Il a fait aussi de la prison, à Panama, pour escroqueries diverses . Mais il ne s'est élevé en rien. Revenu en France, nous prenons tout de suite à ce sujet, quoiqu'indirectement, l'avis de Fredo, truand parisien, sur l'oiseau : "Un amateur."

Fredo, qui fait régulièrement sa belote rue de Douai, dans la capitale, n'a pas tout à fait tort. Léa, la prostituée en maison rencontrée à Clermont-Ferrand, que de Ritter a convaincue de vivre avec lui, finit par penser la même chose. C'est qu'elle voit mal, Léa, blondinette dodue et sympathique, pour quelles mystérieuses raisons son René a éprouvé le besoin de revenir dans sa ville natale, qu'il a quittée pour s'engager à dix-sept ans, direction le Tonkin, et où personne ne le reconnaît plus, maintenant que, à quarante-et-un ans passés, en pardessus cintré, avec son jonc à pommeau d'or et son profil de comédien, que rehausse une fine moustache, il entreprend de la visiter en long et en large pour raviver ses souvenirs et constater que, s'il a changé, la ville aussi.

Ainsi, Albert Tihon, avec qui René jouait enfant dans la cour de l'auberge, lui fait signer le registre de son hôtel sans se douter un seul instant à qui il a affaire. Seule, Tante Mathilde, une amie de la famille chez qui il se rend un soir pour tenter de grappiller un peu d'argent - au début, les discrètes "passes" de Léa ne rapportent pas grand chose au couple - n'a aucune difficulté, elle, à discerner, dans les yeux hantés du quadragénaire, ceux, plus naïfs mais toujours pleins d'orgueil, de l'enfant à qui elle offrait jadis toutes les friandises que recelait son modeste appartement. le petit René a besoin de mille francs "pour un ami" ? Si Tante Mathilde ne se fait aucune illusion sur l'identité de cet ami, elle donne sans sourciller les mille francs en question. Cet enfant grognon, difficile, que ses parents avaient tant de mal à comprendre, a toujours sa place dans son coeur. Elle connaît ses roueries et ses qualités et se désole, elle aussi, de lui voir préférer les premières aux secondes. Elle n'a pas de plus grand espoir que de le voir "se poser" enfin dans sa ville natale. En se mariant, par exemple. Justement, elle lui rappelle que la fille du cordonnier, Marthe Soubirot, avec laquelle il jouait enfant et avec qui il a même échangé ses premiers baisers d'adolescent, ne l'a pas oublié, elle non plus. Oh ! Certes, l'âge en a fait ce que, dans ce genre de ville et à l'époque, on nomme "une vieille fille" - Marthe a trente-huit ans - mais n'empêche, elle aime toujours René ...

Personnage très difficile à cerner - un mou avec de subits éclats d'énergie ou un fort que mine une sombre dépression qui remonte à son enfance peu aimée, ou encore un mélange des deux ? - René de Ritter qui, entretemps, est parvenu à arracher dix mille francs à la pauvre Mme Tihon contre promesse que Léa quitterait la ville (en parallèle, il ordonnait à celle-ci de prendre effectivement le train pour Paris mais de s'installer dans un hôtel de la ville voisine avant de la faire revenir en catimini dans le minuscule "quartier chaud" qu'elle venait à peine de laisser derrière elle), René de Ritter, qui affiche partout son assurance et son mauvais caractère, son aigreur et son mépris, se laisse en quelque sorte influencer. Pas mauvaise, l'idée de la Tante Mathilde car la famille Soubirot, malgré l'intoxication au genièvre du père, natif de Dunkerke, ce n'est pas seulement un magasin de chaussures, c'est aussi plusieurs maisons qui, louées, rapportent pas mal ...

Contre l'avis de sa mère, qu'il s'est enfin décidé à aller voir et qui, elle, ne le trouve absolument pas changé, cet "absolument" dissimulant assurément pour elle les pires vilenies imaginables, contre celui de Léa qui, en dépit de tout, est amoureuse de lui, et - le lecteur le sent bien - contre son propre instinct qui lui souffle qu'épouser Marthe, ce n'est tout simplement que retrouver sa place sur l'échiquier d'un faubourg qu'il a haï et rêvé, dix-sept ans durant, d'abandonner loin derrière lui, fût-ce à n'importe quel prix, René épouse donc Marthe.

Et il prospère, mais oui, car ses dons d'homme d'affaires se révèlent pleinement dans cette entreprise où l'escroquerie n'est guère pratiquée. On songe même à lui pour le Conseil municipal. Pourquoi pas ? ... le problème, c'est qu'il tient désormais autant à Marthe qu'à Léa, à l'odeur des boîtes de chaussures du magasin qu'aux "papiers" qu'il rédige pour le journal du coin avec toute l'expérience qu'il a ramenée des pays tropicaux, à cette petite vie banale, étriquée, qu'il a si longtemps vilipendée, qu'à ses souvenirs flamboyants de jeune escroc, mi-gigolo, mi-proxénète, laissé à la dérive de la vie pendant près d'un quart de siècle ...

Qui aime-t-il ? Léa ou Marthe ? Et lui-même, s'aime-t-il - c'est peut-être la question la plus importante ? Cette rage, furieuse et insinuante, que le lecteur perçoit, dès les premières pages, dans le personnage, ne vaut-elle réellement que contre les autres ? N'occulterait-elle pas, malgré l'orgueil immense qui la recouvre, une énorme, une teigneuse, une invincible soif d'auto-destruction ?

Vous le saurez si vous vous penchez sur ce roman de Simenon qui, à la première lecture, peut passer facilement inaperçu, voire carrément mineur mais qui, en fait, est loin de l'être. Tout est axé sur le personnage central dont nous ne découvrirons jamais réellement la clef. Un raté ? Un bi-polaire (comme on dirait aujourd'hui) ? Jusqu'au bout, René Olivier, dit René de Ritter, nous demeure une énigme : le pire est sans doute qu'il y a gros à parier que lui-même n'y voit pas plus clair - à moins qu'il ait renoncé à y regarder de plus près par peur d'y déceler des ombres indésirables ... ;o)
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Simenon n'est jamais aussi bon que lorsqu'il se plonge dans une étude de moeurs de la petite bourgeoisie provinciale.
Une petite ville mesquine , des personnages pitoyables dans leur mièvrerie mais qui rêvent de grandeurs et puis le retour du fils pas vraiment prodige , manipulateur , mythomane et que sa soif de domination conduira au meurtre.
Du tout grand Simenon .
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
[...] ... De fil en aiguille, sans passion, il lui avait proposé de partir avec lui. Depuis ce moment-là, elle l'observait. Il ne faisait pas un geste qu'elle n'enregistrât automatiquement. Elle pensait sans cesse à lui, au ralenti, essayait peu à peu de se faire une opinion.

- "L'hôtelier a commencé à te faire la cour ?" questionna-t-il soudain en levant le nez de son journal.

- Ca y sera quand je voudrai ... Il est toujours sur mon passage ... Tout à l'heure, il est entré dans ma chambre comme j'étais à moitié déshabillée ... Qu'est-ce que tu veux que j'en fasse ?

- Tu crois qu'il n'a pas d'argent ? Sache que l'hôtel existait déjà du temps de son grand-père et il y avait des écuries pour les chevaux. J'étais tout petit que ma mère me parlait des Tihon et de leur fortune ...

- Sa femme s'apercevra de quelque chose ..." soupira Léa.

- "Et après ?"

Elle eut l'impression qu'il venait de lui révéler quelque chose. Elle ne savait pas au juste quoi mais elle le sentait amer, méchant, rageur.

- "Il t'a fait quelque chose ?

- Qu'est-ce qu'il m'aurait fait ? Il a de l'argent, un point c'est tout, et nous en avons besoin. Tu as compris à présent.

- Non !"

Elle se disait que Fredo avait raison : de Ritter était un amateur. Toutes ces histoires n'étaient pas régulières. Elle avait beau se raisonner, elle ressentait une inquiétude vague.

- "C'est une drôle d'idée d'être venu faire ça dans ta ville !" s'obstina-t-elle en vidant son verre de bière.

Elle n'en démordait pas. N'importe où sauf là ! C'est comme si, elle, allait se mettre en maison à Valenciennes, où elle était née, quitte à voir défiler des gens avec qui elle avait joué dans la rue. ... [...]
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[...] ... En écoutant ces doléances, de Ritter faisait exprès de penser au gamin avec qui, dans la cour, il passait des après-midi d'août à jouer au billard en prenant des airs de grand.

- "Quelle genre de femme croyez-vous que ce soit, vous ? Elle en veut à son argent, n'est-ce pas ? Comme je connais Albert, elle aura tout ce qu'elle voudra. C'est pourquoi je voudrais vous demander conseil."

C'est alors qu'une idée lui était passée par la tête.

- "Je pourrais peut-être lui parler," fit-il. "C'est une aventurière, évidemment, et je crains qu'elle soit gourmande ...

- Que voulez-vous dire ?

- Qu'étant en mesure de soutirer de l'argent à votre mari, elle en réclamera pour le quitter ...

- Et si je lui en donnais ? ...

- Vous avez de l'argent à vous ?

- J'en demanderai à mon père ... Il est assez riche ... C'est à lui la brasserie des Moulins ...."

C'en devenait hallucinant.

- "Alors, vous avez un frère !" ne put-il s'empêcher de s'exclamer.

- Fernand, oui. Il est mort d'une bronchite qu'il n'a pas voulu soigner ..."

Encore un mort ! De Ritter avait été à l'école avec Fernand aussi, le fils du brasseur, et il ignorait qu'il avait une soeur, pour la bonne raison qu'elle avait quatre ou cinq ans de moins, c'est-à-dire qu'elle n'était qu'une toute petite fille !

- "Il faudrait que je puisse lui proposer au moins dix-mille francs.

- Je les aurai demain ... Si elle consent à partir ..." ... [...]
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Vidéo de Georges Simenon
https://www.laprocure.com/product/1185238/mishani-dror-a-un-simple-enqueteur
Dror A. Mishani Un simple enquêteur Collection Série noire Éditions Gallimard
« Et si on lisait un policier, un bon policier ? Ça tombe bien, Dror Mishani sort une nouvelle enquête de son personnage Avraham Avraham. C'est un auteur israélien. On appelle son personnage : le Maigret israélien. Ce n'est pas pour rien, c'est assez psychologique et effectivement, il y a une petite ressemblance. En tout cas, les amateurs de Simenon seront ravis pour ceux qui ne le connaissent pas encore. Cette nouvelle enquête d'Avraham Avraham — il s'est marié récemment, il est devenu commissaire — pas loin de Tel Aviv et il a envie d'une belle enquête à la hauteur de son ambition. Il va se retrouver avec deux affaires... » Marie-Joseph Biziou, libraire à La Procure de Paris
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