Un roman intimiste de
Georges Simenon. Une vieille femme esseulée hébergée dans l'appartement de sa petite fille, qui vit à toute vitesse dans un monde de fêtards. Elles s'observent, se rapprochent, s'opposent, se retrouvent… Pas vraiment d'intrigue, mais plutôt des portraits d'une finesse d'orfèvre, que je vous recommande de découvrir.
«
La vieille » est principalement un huis clos. Quatre femmes dans un appartement: Sophie, Juliette, Lélia et Louise.
Sophie est une vedette d'on ne sait trop quel sport. Elle partage son appartement avec Lélia, une jeune artiste; elles sont proches mais la nature de leur relation reste ambiguë. Louise est la bonne de Sophie.
Au début de l'histoire, un policier contacte Sophie pour qu'elle l'aide à persuader sa grand-mère, Juliette, de quitter l'appartement qu'elle occupe dans un immeuble voué à la démolition. C'est ainsi que Sophie héberge Juliette, «
la vieille », dans une pièce de son appartement qui deviendra sa chambre.
Sophie et Juliette sont différentes: la première noie ses démons dans le whisky, la seconde préfère le vin rouge. Mais l'une et l'autre ont des démons à chasser…
Sophie vit à cent à l'heure, dans un monde de jeunes fêtards. Elle est indépendante, ses amis sont des amis de passage. En fin de compte, elle est seule au milieu de la foule. Juliette, par contre, termine sa vie dans une réelle solitude.
Petit-à-petit, elle fait s'approprie son nouvel environnement. Mais elle vit principalement dans sa chambre, observant le reste de l'appartement comme elle observerait ses voisins. Louise contribue à rapprocher les deux mondes, tandis que Lélia, personnage plus secondaire, aurait plutôt tendance à les éloigner.
Juliette se confie d'abord à Louise, pour ensuite dévoiler à Sophie ce qui la hante.
Il s'agit d'un roman psychologique, sans réelle intrigue, mais avec un point final que je vous laisse découvrir.
Je reste en admiration devant la finesse des portraits dépeints par
Simenon et devant son efficacité à plonger le lecteur dans une ambiance qui, dans ce cas-ci, est une ambiance d'intimité. Et bien entendu, le style fluide de
Simenon contribue à l'agrément de la lecture; Colette avait bien fait de lui conseiller de rester simple !
Je suis d'autant plus admiratif que
Georges Simenon, selon son habitude, a écrit rapidement: la rédaction de «
La vieille » l'occupe du 6 au 13 janvier 1959. Pour l'anecdote, pendant que Georges écrivait à sa table en Suisse, beaucoup de choses se sont passées dans le monde. le 6 janvier 1959, la scolarité obligatoire est prolongée de 13 à 16 ans en France, tandis que le lendemain, la durée du service militaire y est portée à 24 mois. le 7 janvier, les États-Unis reconnaissent le gouvernement de
Fidel Castro à Cuba. le 8 janvier,
Charles de Gaulle devient le premier président de la Cinquième République pour sept années. le 13 janvier, suite aux émeutes, le gouvernement belge déclare son intention d'accorder rapidement son indépendance au Congo belge.
Peu de critiques honorent ce beau texte sur Babelio. Je vous incite donc à ajouter la vôtre !