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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Qu'est-ce qu'on peut être bête, quand même, à bouder des jours, des mois, et même des années dans ce cas-ci, alors que la vie est si courte !
Des années, oui, vous avez bien lu !
Emile et Marguerite sont des mariés de fraiche date, malgré leur soixantaine bien entamée. Ce qui signifie qu'ils ont dû s'habituer l'un à l'autre alors qu'ils l'avaient déjà fait avant pour leur premier conjoint, s'adapter aux petites manies, accepter leur amour pour un animal domestique.
Ici, c'est le chat l'animal par lequel tout va arriver : le chat Joseph, compagnon fidèle qu'Emile a amené avec lui dans la maison de Marguerite. Celle-ci le déteste, et n'a d'yeux que pour son perroquet.
Et un jour, elle l'empoisonne…

Ce roman se construit autour d'une vie quotidienne bien organisée mais monotone et sans rêve. Il nous transporte très souvent dans le passé – récent ou plus lointain – ainsi que dans les pensées d'Emile, qui n'est pas un mauvais bougre.
Ah, l'atmosphère de Simenon ! Désuète, intime, nostalgique, avec la cuisine où rissolent des steaks et des pommes de terre, la chambre aux lits bordés de lourds édredons, le café où l'on sert encore des plats du jour bon marché et fleurant bon la simplicité d'antan, les guinguettes du bord de Marne et leurs terrasses où se serrent les couples d'amoureux…

J'ai beaucoup aimé découvrir la psychologie de ces deux vieux lestés d'une vie complètement opposée, à coups de petites actions quotidiennes, de souvenirs empreints de morosité ou de douceur.
Vraiment, c'était un délice de les accompagner, même si pour rien au monde je ne voudrais les imiter !
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Lire - le chat -, c'est consentir à se défaire de l'imposante présence des deux géants qu'étaient Gabin et Signoret mis en scène par Pierre Granier-Deferre.
Tout au moins pour les lecteurs de ma génération, cinéphiles admirateurs d'un Alexis Moncorgé dont c'est le dernier grand rôle digne de sa légende, et de "Madame Rosa" Césarisée... à moins que vous ne préfériez la rivale de Marilyn Monroe, première actrice française oscarisée en 1960 pour son rôle dans " Les chemins de la haute ville".
Quoi qu'il en soit, très vite, à ma grande surprise, ces deux mythes s'effacent pour laisser la place aux personnages de Simenon.
Pourquoi ?
D'abord parce que physiquement, l'une et l'autre sont aux antipodes de leurs figures cinématographiques ; Marguerite est une petite femme frêle, voûtée par les ans... rien à voir avec Signoret qui, même vieillissante n'était ni petite ni menue. Quant à Émile Bouin, homme très grand, large d'épaules, le torse velu de crins noirs...en lui je n'ai pas reconnu Gabin... et ce fut tant mieux.
Ensuite, parce que l'adaptation de Granier-Deferre s'est passablement éloignée de l'histoire imaginée par Simenon.
Pour l'anecdote, il est bon de savoir que cette histoire a été inspirée à son auteur lors d'une visite à sa mère à Liège dans les années cinquante.
Celle-ci vivait avec un nouveau compagnon.
Ces deux êtres vieillissants ne s'adressaient quasiment plus la parole et exprimaient leur haine l'un de l'autre via leurs animaux.
Simenon en 2 semaines ( chaque fois que je lis un de ses romans, je suis épaté par la capacité que le père de Maigret avait d'écrire en si peu de temps de si grands ouvrages) en fait - le chat -, un roman dont l'histoire narre le face-à-face d'un vieux couple de septuagénaires. Marguerite, petite bourgeoise a demi ruinée, superficielle et autocentrée. Émile Bouin, retraité du bâtiment, maçon d'origine, homme venant d'un milieu populaire, qui s'est fait tout seul.
Veufs tous les deux... Marguerite D un musicien, premier violon à l'opéra de Paris, Émile d'une fille de son milieu, simple, naturelle, gouailleuse, ils ont décidé d'unir leurs solitudes pour le... pire sans le meilleur.
Leurs différences, sociale, culturelle, de personnalités, de goûts, les mènent très vite sur le chemin de la haine et de l'incommunicabilité.
Émile a ramené avec lui son chat Joseph ( nom du mari de la Vierge et père adoptif du Christ... pour Marguerire... c'est un blasphème, un sacrilège, une offense à sa croyance ), un matou de gouttière auquel il est très attaché, avec lequel il dort et dont Marguerite a peur et qu'elle déteste.
Marguerite a un perroquet en cage, auquel, elle aussi, tien beaucoup.
On remarque au passage, à travers leurs animaux respectifs, la vision du monde de l'un et l'autre.
Un chat de gouttière... libre et indépendant, pour l'un.
Un ara encagé, pour l'autre.
Alité à cause d'une mauvaise grippe, Émile ne peut pas s'occuper de Joseph.
Marguerite affirme s'en charger... jusqu'au moment où le chat ne donne plus signe de vie.
Inquiet Émile part à sa recherche.
Il retrouve Joseph mort... empoisonné.
Pour Émile la coupable ne peut être que Marguerite.
En "représailles", Émile déplume le cul du perroquet, met les plumes du malheureux volatile dans un pot de fleurs... en guise de bouquet.
Le perroquet meurt des suites de sa "décomposition florale".
Marguerite le fait empailler.
Le perroquet reprend sa place dans la cage au milieu du salon... si Émile vient à nouveau à s'en prendre à lui, il aura affaire à la police.
On ne peut pas naturellement ne pas penser à Félicité et à Flaubert dans la relation très ambiguë entre Marguerite et son perroquet empaillé... auquel elle chuchote des mots qu'Émile n'entend pas.
À partir de ce jour, la très catholique et très pratiquante Marguerite, informe Émile, par écrit, que sa foi lui interdit le divorce, mais que désormais elle n'adressera plus la parole au meurtrier du perroquet.
Dans ce huis clos oppressant, les deux personnages ne vont plus communiquer que par le biais de petits mots écrits sur des bouts de papier.
Leur dialogue se résume essentiellement à ces récriminations et à ces insultes : "le chat", "le perroquet", "tu peux crever".
L'histoire n'est pas linéaire.
Simenon d'entrée nous livre les victimes et leurs coupables... encore que si le doute n'est pas permis concernant le meurtrier du perroquet, il le restera jusqu'à la fin pour le ou la meurtrière de Joseph.
L'histoire n'est donc pas linéaire mais faite d'un puzzle de flash-backs, durant lesquels Simenon complète par des touches biographiques nombreuses le portrait de ses deux personnages, rencontre, comme l'a dit un critique " de la carpe froide et du chaud lapin".
Ce drame de la solitude, de la vieillesse, de l'incommunicabilité est l'étrange composé de la haine qui, parce qu'elle se meurt d'un fol amour inaccessible parce que antithétique, n'a d'autres chemins que sa dissolution dans le néant.
Comme toujours avec Simenon, on ne quitte ce roman, comme la plupart de ceux qu'il a écrits, qu'avec les poches emplies de souvenirs. Un roman psychologique empreint d'une puissante vitalité charnelle.
La sensualité est à la mesure du Simenon que l'on connaît... Nelly la patronne de bistrot chez laquelle Émile cherchera refuge, est une ex-prostituée qui, désormais, s'offre à ses clients... pour leur plaisir ou pour le sien ( ? )... un thème en tout cas très "simonien"...
On hume et on salive aux emplettes détaillées des deux protagonistes.
Je sens encore le parfum des oignons que Georges fait rissoler.
Le vin rouge bouché, les verres de Sancerre et la fumée âcre des petits cigares... sont quelques-uns des souvenirs dont Simenon a garni mes poches.
Un auteur qui sait raconter la vie, qui sait faire vivre la vie... jusqu'à la mort.
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Marguerite et Émile forment un couple âgé, ils se sont rencontrés sur le tard et rien ne les rassemble si ce n'est la solitude et la rancoeur. Tous les deux veufs et sans enfants, ils ont choisi d'unir leur vie à une époque où on ne plaisante pas avec le mariage. Lui est un ancien maçon qui coulait des jours paisibles avec son chat, mais hanté par la mort de sa mère et de sa femme. Elle est une bourgeoise faussement fragile, propriétaire de sa maison et de la moitié de la rue qu'elle refuse de vendre aux promoteurs qui sont en train de détruire le quartier…pour y bâtir des immeubles modernes. Elle a pour compagnon un perroquet en cage…

Un homme simple, qui aime les plaisirs simples face à une femme frustrée dans un univers clos, réduit à une maison menacée et quelques courses. le chat libre et insolent narguait le perroquet au plumage éclatant mais prisonnier… Deux êtres habités désormais par la haine, qui ne se parlent plus que par écrit, suite à la mort du chat d'Émile, empoisonné semble-t-il par Marguerite. Ils s'observent, ne se quittent pas, se détestent en silence, parmi les bruits des bulldozers, d'un monde qui s'effondre. le chat est mort et le perroquet empaillé, leurs maitres se haïssent sans pouvoir se quitter : un grand roman de Simenon qui a été immortalisé par Simone Signoret et Jean Gabin, mais en s'éloignant du scénario original. Et ça vaut le coup de le découvrir !
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Marguerite et Émile sont mariés depuis quelques années. Ils ont tous les deux une septantaine d'années, étaient veufs, et se sont rapprochés sans trop savoir pourquoi : par peur de rester seuls ou pour avoir quelqu'un qui prendra soin d'eux. Ce n'est qu'après leur mariage qu'ils ont commencé à se connaître, et à se découvrir : lui vient d'un milieu ouvrier et menait une existence, elle d'un milieu bourgeois, avec un père industriel qui a fait faillite, et ex-épouse d'un musicien renommé.

La vie commune finit par devenir insupportable. Un jour, Marguerite profite de la maladie d'Émile pour empoisonner son chat de gouttière qu'elle ne supportait plus. Celui-ci réplique en tuant son perroquet pendant son absence. Marguerite étant chrétienne, elle refuse d'envisager le divorce, mais prévient son époux qu'elle ne lui adressera plus la parole. Depuis, ils se parlent en s'échangeant des petits mots griffonés sur un morceau de papier, sans un mot. Chacun vit sa vie séparément, fait sa propre cuisine, garde ses provisions sous clé de peur d'être empoisonné par l'autre. le but de leur existence est de nuire à l'autre par n'importe quel moyen.

Huis-clos sombre et oppressant, de ce couple qui vit dans la haine et la rancoeur, mais qui est malgré tout incapable de se séparer.
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Voilà un livre très étrange, pour moi qui n'ai pas l'habitude de lire de telles histoires. le « roman gris » évoqué sur la quatrième de couverture qualifie tout à fait cette ambiance étrange dans la maison des époux Bouin. Petit à petit, par des détails de la vie quotidienne, des souvenirs, on s'immisce dans leur quotidien où la haine de l'autre est le seul moteur, la seule occupation. Mais est-ce seulement de la haine de l'autre ? Ce dernier n'est-il pas en fait le reflet de son conjoint avec les mêmes travers ? Est-ce aussi une manière de ne pas être seul ? Simenon pose toutes ces questions et bien d'autres avec un roman finement ciselé où l'histoire évolue progressivement et nous donne davantage de connaissances sur les époux Bouin, mais aussi sur toutes ces lâchetés dont sont capables les êtres humains. Une ambiance lourde, mais qui m'a cependant happée et m'a fait terminée cette histoire dans la journée. Il faut dire que ce n'est pas un roman dans lequel on a envie de rester des jours et des jours, contrairement à d'autres. Mais en 158 pages, il est aisé de le terminer rapidement. Sur un format aussi court, l'auteur ne fait pas dans la fioriture et nous brosse un portrait, qui bien que fictif, renvoie certainement à une réalité pour certaines personnes.

Il en est des romans et des personnages qui vous hanteront très longtemps. le chat et les époux Bouin sont de ceux-là.
Lien : http://arieste.wordpress.com..
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Je continue ma découverte de l'univers de George Simenon avec ce court roman qui a inspiré le film éponyme de Pierre Granier-Deferre avec Jean Gabin et Simone Signoret.
Je retrouve avec plaisir l'atmosphère désuète d'un Paris perdu à jamais, de petites gens à leurs affaires, travail, vie familiale et affective basée sur des principes d'un autre temps aussi révolu que surprenant de nos jours.
Emile et Marguerite forment un couple de retraités contre nature, lui jovial et simple, elle guindée et attachée aux principes d'une petite bourgeoisie installée. Tous deux sont veufs et leur union sur le tard est plus le fait du hasard que d'une rencontre sentimentale réelle.
Emile possède un chat qui déplaît fortement à Marguerite et Marguerite possède un élégant perroquet qui déplaît à Emile.
Quand Emile accuse Marguerite d'avoir empoisonné son chat, une terrible guerre silencieuse va s'engager entre eux, guerre terrible faite de reproches, de trahison et de désarroi. Car l'un comme l'autre sera autant victime que bourreau.
Pour l'essentiel, le roman est construit à la manière d'un huis-clos, même si quelques personnages annexes viennent alimenter la querelle sournoise, telle la gentille et très ouverte Nelly, patronne de bar elle aussi veuve.
Simenon fait revivre une fois encore un Paris révolu où les clients des restaurants de quartier ont leur serviette de table rangée dans un casier prévu à cet effet, où le petit peuple fréquente encore les lieux aujourd'hui réservés à la haute bourgeoisie, comme l'Ile Saint Louis…
La psychologie des deux personnages principaux est étudiée avec une grande minutie. Leur manière de se comporter analysée avec beaucoup de justesse.
Le style est celui de Simenon. Clair, sans fioritures excessives, mais très agréable et non dénué d'un certain charme reconnaissable entre tous.
Malgré tout, il m'a été difficile de ne pas mettre les images du film en surimpression à ma lecture, ce qui fut une forme de gêne autant que de plaisir.

Michelangelo 15/10/2019

Lien : http://jaimelireetecrire.ove..
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Emile et Marguerite se sont rencontrés et mariés alors qu'ils étaient déjà vieux, veufs et sans enfants. Lui l'ouvrier, elle la rentière, ils n'avaient rien pour s'entendre et leur vie commune a été dans ce sens. Marguerite ne supportait pas le chat d'Emile et un jour il le retrouve empoisonné. de rage, il arrache des plumes au perroquet de Marguerite qui meurt peu après. Depuis, ils ne se parlent plus et s'échangent des billets acrimonieux. La tension monte et Emile décide d'emménager chez une maitresse de passage, tenancière d'un café. Mais l'attirance/répulsion entre les deux septuagénaires sera plus forte que tout.
Le chat est un roman implacable sur la vieillesse, le vivre à deux pour sauver les apparences ou pour ne pas être seul, la cruauté et la petitesse des coeurs secs. C'est pas jojo mais le traitement du sujet par Simenon est magistral.
Lien : https://puchkinalit.tumblr.c..
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Georges Simenon est un écrivain belge francophone (1903-1989). L'abondance et le succès de ses romans policiers (notamment les « Maigret ») éclipsent en partie le reste d'une oeuvre beaucoup plus riche. Simenon est en effet un romancier d'une fécondité exceptionnelle, on lui doit 192 romans, 158 nouvelles, plusieurs oeuvres autobiographiques et de nombreux articles et reportages publiés sous son propre nom et 176 romans, des dizaines de nouvelles, contes galants et articles parus sous 27 pseudonymes !
Le roman date de 1967 et avait été adapté au cinéma en 1971 par Pierre Granier-Deferre avec Jean Gabin et Simone Signoret ; une réalisation tellement forte que je n'avais jamais tenté d'ouvrir le livre, non par crainte d'être déçu - car avec Simenon de tels soupçons n'ont pas cours - mais parce que l'ombre portée de l'un sur l'autre risquait, à mon avis, de me gâcher ma lecture. Une erreur que je viens de corriger.
Emile et Marguerite se sont remariés tardivement à plus de soixante ans et aujourd'hui, le couple ne se parle plus, chacun vit sa vie de son côté sous le même toit ; chambre séparée bien entendu, mais cuisine à part aussi. Au mieux ils communiquent avec parcimonie en s'échangeant de petits billets agressifs. La cause de ce divorce, Marguerite aurait empoisonné le chat d'Emile, lequel en représailles a blessé mortellement le perroquet de Marguerite, « le jeu venait de commencer »…
Quand débute le roman, le lecteur n'est pas sensé savoir pourquoi les deux acteurs ne se parlent pas, ce n'est que petit à petit par des retours en arrière qu'on découvre les vies passées d'Emile et Marguerite. Lui est un ancien maçon devenu chef de chantier avant de prendre sa retraite, elle, a connu une vie aisée et une assez belle vie, d'ailleurs elle est propriétaire de plusieurs immeubles dans cette impasse du XIVe arrondissement de Paris. Leur monde s'écroulait lentement, le quartier est en pleine démolition avant une reconstruction moderne, la vieillesse les gagnait petit à petit ; un concours de circonstance les a rapprochés et de fil en aiguille ils se sont retrouvés unis, lui, emménageant chez elle, dans cette petite maison du bout de l'impasse.
Immédiatement tout a cloché, leurs caractères sont trop différents, leurs origines sociales trop opposées. Elle, est du genre coincée et pincée, lui, est un gars simple mais vivant, il aime boire des coups et en tirer, pas elle. Comble de malchance, il est arrivé avec son chat, un animal qu'elle exècre et dont elle a peur.
Quasi huis-clos, le climat du roman est oppressant. Simenon écrit sans fioritures, très simplement avec de très courtes phrases. La description maniaque de leur vie étriquée est effrayante et le regard cruel car trop véridique sur la vieillesse est terrible (surtout pour un lecteur de mon âge…).
A y regarder de plus près, cette détestation qui devrait les éloigner de plus en plus, semble au contraire les unir ; la force qu'ils placent dans cet affrontement muet est le dernier combat de leur vie, ressort qui les maintient vivants.
Georges Simenon s'attache surtout au personnage d'Emile, c'est lui que nous suivrons tout du long et force est de dire qu'il est le plus sympathique. Il serait prêt à pardonner mais l'intransigeance sévère de Marguerite lui cloue toute velléité en ce sens. La fin du roman est absolument magnifique, il n'y a pas de réconciliation bien sûr, mais un accord tacite, une sorte de pacte à la mort consacrant leur indéfectible lien, Emile accepte librement son sort, Marguerite reconnait implicitement son attachement par une victoire à la Pyrrhus.
Sublime.
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N° 1539 – Mars 2021

Le chatGeorges Simenon – Presse Pocket

Y a-t-il jamais eu de l'amour, le vrai, celui qui bouleverse les vies et parfois les ruine, entre Émile et Marguerite, ces deux veufs sans enfant, d'un âge avancé, récemment mariés ? C'est le hasard qui a favorisé leur rencontre et ils se sont unis sans vraiment se connaître, chacun avec son histoire d'avant, davantage pour assurer mutuellement leurs vieux jours et exorciser leur solitude que pour vivre une belle histoire, mais très tôt l'incompréhension, la haine se sont installées entre eux, pourrissant leurs relations, faisant d'eux un vieux couple qui remâche les souvenirs embellis de leur ancien conjoint, entretient des querelles mesquines et des rancoeurs tenaces qui petit à petit se transforment en une haine recuite, des suspicions irrationnelles et une guerre sourde. Ils venaient certes de milieux sociaux différents, lui ancien ouvrier bourru sans beaucoup d'éducation et un peu alcoolique, elle, délicate et fragile, issue d'un milieu bourgeois propriétaire et cultivé, mais cette union bancale qui perdure cependant pour des raisons probablement religieuses s'est vite transformée en un abîme et un conflit permanent avec silences, hypocrisies, mensonges et méfiance réciproque, un peu comme s'ils s'étaient rencontrés pour mieux se détruire l'un l'autre, ce qui transforme leur quotidien en une lutte de tous les instants. Ils ne se parlent que par petits papiers, ce qui aggrave leur isolement, refusant d'admettre qu'ils se sont trompés sur leur mariage mais refusant cependant d'y mettre volontairement un terme et s'en remettant au hasard et à l'éventualité de la mort prochaine de l'autre, sans bien entendu la favoriser. Alors face à l'inaction de la retraite chacun tente de s'habituer et reporte son affection sur un animal, pour lui un chat qu'il accuse Marguerite D avoir empoisonné et pour elle un perroquet jadis martyrisé par Émile et maintenant empaillé. Ces deux animaux sont le catalyseur de leur agressivité réciproque qui confine parfois à des délires obsessionnels. Entre eux on n'entend que le cliquetis du tricot, les pages du journal qu'on tourne, la pendule qui égrène ses secondes et deux vies où l'on s'ignore, qui s'écoulent parallèles et isolées, bien que vécues dans un même lieu au quotidien. le temps qu'on use comme on peut, dans une atmosphère délétère de la destruction du quartier pour édifier de nouvelles tours.
Simenon ne peut se résumer à Maigret, même si l'exercice du métier de policier met ce dernier en situation d'observer l'espèce humaine dans ce qu'elle a de plus sombre. Ici notre auteur choisit le couple qui est probablement, quelque soit la forme qu'il prend aujourd'hui, un point de passage obligé dans la vie de chaque être humain avec ses espoirs, ses illusions, ses déconvenues. Il est rare que ce soit une réussite parfaite et cela se transforme souvent en une longue période de compromis permanents où la patience, la jalousie, l'hypocrisie et l'adultère ont leur place, même si actuellement les mariages se terminent de plus en plus tôt par des divorces. A cette époque, pour des raison religieuses, morales financières ou sociales, on avait tendance à laisser les choses en l'état, en prenant parfois quelques libertés pour tromper un ennui qui s'installait durablement et on attendait patiemment que l'autre meurt en s'inventant une autre vie pour après. C‘est aussi l'occasion de faire le bilan de son couple, de refaire le chemin à l'envers, ce qui donne parfois le vertige à cause du temps qui passe si vite et de la certitude de la mort qui guette, de prendre conscience de ce qu'on a dit ou fait jadis pour en arriver là et que maintenant on regrette. On pense ce que l'on veut du mariage, l'amour s'il existe au début dans un couple, ne tarde pas à s'éroder et à laisser place à de mélancoliques compromissions, à des vies juxtaposées où on s'épie jusqu'à la fin.
Ce roman a fait l'objet d'un film de Granier-Deferre, une adaptation fidèle à l'esprit du roman et qui met en scène deux «  monstres sacrés  » du cinéma français des années 1970, Simone Signoret et Jean Gabin. [Je me souviens que lorsque, enfant, j'ai entendu pour la première fois ce terme que je n'ai évidemment pas compris, mon imagination à divagué entre les mystères de la religion et la féerie des contes]. Simenon est, comme toujours, un témoin attentif de la nature humaine, ses observations pertinentes et son style simple et clair, plein de suspense ont transformé cette rencontre en un bon moment de lecture.

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L'amour ne s'éteint pas. Cependant, il peut souffrir d'un profond malaise. Les heures sont lourdes et pesantes. Les souvenirs aussi. La vie abîme, maltraite, transforme et éloigne les gens. Elle a fait tout cela à ces deux là. Ce tête à tête singulier ne l'est pourtant pas tant. de nombreuses histoires d'amour se fracturent au rythme des aléas de la vie et la communication est souvent l'ingrédient qui fait défaut. On voudrait trouver les mots et le bon ton pour adresser l'autre mais on est empêché. Les blessures même lorsqu'elles sont issues du même trauma ne se vive émotionnellement pas de la même manière. La frustration, l'incompréhension, le décalage, des tas de petits rien ferme le cercle de la complicité perdue. J'ai aimé ce livre. J'ai aimé le film.
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