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EAN : 9782070407651
192 pages
Gallimard (01/03/2001)
3.37/5   59 notes
Résumé :
Élie Nagéar doit se cacher après avoir assassiné, pour le voler, un très riche Hollandais dans un train. Il se réfugie dans la pension pour étudiants que tient Mme Baron, la mère de sa maîtresse, à Charleroi. C'est dans la cuisine qu'il passe le plus clair de son temps, à guetter les autres locataires, de plus en plus soupçonneux...

Source : Folio, Gallimard
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Eût-il été écrit au XIXème, que "Le Locataire" aurait pu sans effort se sous-titrer : "Histoire d'un Chimérique" ou encore "Histoire d'Un Lâche." Son héros (si l'on peut ainsi qualifier Elie Nagéar) apparaît comme une sorte de Jean Cholet ("L'Âne Rouge") mais un Jean Cholet qui serait passé à l'action. La différence gît dans l'origine sociale des deux hommes : le premier, si vous vous rappelez, venait de la toute petite bourgeoisie, celle qui tire le Diable par la queue plus souvent qu'à son tour ; le second, Elie Négéar, appartient à la riche bourgeoisie juive qui vivait en Turquie sous Mustapha Kémal. Pour Cholet, tout a toujours été difficile et besogneux, tout a toujours senti le chou bouilli et les planchers encaustiqués sans relâche "pour faire bien". Tandis que, pour Nigéar, il y a eu domestiques, gouvernantes, précepteurs, vacances estivales dans une somptueuse résidence secondaire, pour fuir les chaleurs de l'été ottoman et argent, bien sûr, toujours - en tous les cas, avant le décès du père. Au sein de sa famille étroite et figée, Cholet s'est toujours senti plus ou moins un "étranger", à tout le moins profondément différent, et, sans cesse, il a rêvé d'un autre sort, infiniment supérieur à celui de son père, un père qui, pourtant, était probablement la seule personne pour qui il eût jamais ressenti quelque chose qui s'approchât de l'affection. Au sein de son clan fortuné et joyeux, Nigéar se sentait, lui, parfaitement à sa place, perpétuellement réchauffé dans le cocon de cette ambiance levantine qui lui permettait, même après la ruine de son père, de vivoter avec grâce, sautant d'affaire en affaire qui lui rapportait toujours suffisamment de quoi vivre. Jusqu'au jour où l'une de ces affaires, justement, un coup, d'ailleurs très légal, de deux-cent-mille francs, a crevé, telle une bulle de savon, alors qu'il allait se saisir d'elle.

Inhibé par cet échec auquel il ne s'attendait pas, Nigéar se retrouve alors à Bruxelles, dans un palace, avec une espèce de call-girl, Sylvie Baron, qu'il a rencontrée lors de la traversée le menant à Marseille, mais sans plus un sou - ou en tous cas, pas grand chose - mais avec un rhume carabiné qui a, pour être franc, des allures de bonne grippe bien désespérante. Or, Sylvie a besoin d'argent. Il sait bien que, s'il n'en a pas, elle le quittera. Comme il sait qu'elle ne l'a suivi et n'est devenue sa maîtresse que parce qu'il en avait et faisait très homme d'affaires. Mais aujourd'hui, il n'est plus rien, non, rien d'autre qu'un petit Levantin maigrelet et cassé par la toux, qui ne sait absolument pas comment se sortir du pétrin où il s'est fourré tout en gardant le beau rôle ...

Le hasard place entre eux un courtier hollandais qui fait plus ou moins les yeux doux à Sylvie. Jalousie ou certitude que, de la valise en cuir de porc que conserve avec lui le Néerlandais, pourrait jaillir le miracle qui le sauverait ? Toujours est-il que, profitant d'une absence de sa compagne, partie faire du shopping avec ce qu'il lui reste pratiquement d'argent, Elie Négéar se lève, s'habille et file le Hollandais jusqu'à la gare. Là, il prend un aller-retour et s'arrange pour se retrouver dans le même wagon-couchettes que van der Chose, ainsi qu'il l'a surnommé. le train va en France et le hasard veut - et c'est très important, évidemment même si le lecteur ne l'apprend pas tout de suite - que Négéar accomplisse son crime alors qu'il a déjà franchi la frontière. En d'autres termes, s'il est découvert, conformément à la loi française, il est passible de la peine de mort alors que, eût-il tué un peu plus tôt, sur le sol belge, qu'il eût conservé sa tête.

De Paris, terminus du train, Elie saute immédiatement dans un autre train qui le ramène à Bruxelles, les poches bourrées d'argent français. Si elle en est très étonnée et d'abord heureuse, Sylvie n'en reste pas moins soucieuse. Prudente, elle décide d'expédier Elie dans sa propre famille, à Charleroi. Son père y est fonctionnaire (dans les tramways, il me semble) tandis que sa mère s'active dans la maison et tient des chambres meublées. Ca tombe bien : la dernière fois qu'elle est allée voir les siens - les courses avec le dernier argent d'Elie, c'étaient pour sa mère, sa soeur et son père - Sylvie a constaté qu'il restait une chambre à louer. Un peu réticent au début, Négéar, qui commence enfin à réaliser les risques qu'il encourt, finit par se soumettre. Comme il a de l'argent, il lui est facile de payer deux ou trois mois d'avance et se voit donc reçu comme un coq en pâte dans la paisible maison wallonne dont le lecteur apprend, peu à peu, à découvrir les charmes tièdes et profonds et cette tranquillité douce du réveil qui fait tic-tac dans la cuisine où ronfle toujours le poêle.

Pendant ce temps, restée à Bruxelles, Sylvie surveille les journaux.

Au début, bien sûr, l'enquête piétine. Mais l'on apprend bientôt que les numéros des billets avaient été conservés par la banque d'où ils sortaient ...

Le roman enclenche alors le turbo, l'action se précipite. D'un côté, Sylvie, qui veut à tout prix que Négéar quitte le nid qu'elle lui a si imprudemment indiqué ; de l'autre, Négéar qui, au fur et à mesure que les pressions augmentent, alors même que tous les membres de la pension Baron sont mis au courant (sauf le père), nie la réalité qui s'avance à grands pas voraces, affirme que la police finira par se lasser et, surtout, qu'elle ne retrouvera jamais sa trace ...

Ce chimérique, ce rêveur, né avec une cuillère d'argent dans la bouche, ne peut se confronter à la réalité qu'il a pourtant lui-même façonnée. On en vient même à se demander où diable où il a trouvé le courage de tuer ! Dans une jalousie larvée ? Plus d'ailleurs envers la réussite du Hollandais que parce que celui-ci n'arrêtait pas de détailler Sylvie au restaurant ? Quoi qu'il en soit, ce crime l'a pour ainsi dire liquidé, lessivé, dépouillé du peu de force morale qu'il était susceptible de posséder. Tout comme l'enfance peu aisée et les frustrations de Jean Cholet avaient fait de celui-ci un ambitieux plein d'impudence mais cependant foncièrement incapable d'endosser une seule responsabilité véritable, incapable en fait de se comporter en homme, la jeunesse dorée et pourrie de nonchalance d'Elie Négéar lui a interdit d'atteindre à la maturité individuelle et sociale. Seule, semble-t-il, l'ancienne assurance de celui qui a toujours eu de l'argent lui a donné la force non seulement d'envisager le crime, mais aussi de passer à l'acte. Encore, répétons-le, n'aurait-il pas peut-être agi ainsi si ne s'était mêlé à tout ça ce lourd sentiment d'envie d'un homme qui n'a jamais vécu que dans la chance et qui n'admet pas que celle-ci le lâche ...

Ce n'est peut-être pas l'un des romans les plus réussis de Simenon : la première partie paraît un peu trop lente, comme hésitant sur la direction à emprunter. Mais dès la seconde, quand le train personnel du "Locataire" - si l'on veut bien me permettre cette image - prend de la vitesse, le lecteur se sent à nouveau dans le bain habituel de Simenon : minutieuse description des caractères, avec leurs illogismes, leurs "trous", leur complexité en un mot ; pensionnaires d'abord silhouettés à la va-vite et puis qui prennent de plus en plus de profondeur, notamment Moïse, l'étudiant, juif également mais pas Levantin, que Mme Baron Mère traite presque en fils ; ambiguïté de tous, qui s'étale et ne s'explique pas - car Domb lui-même, le Polonais, qui eût pu dénoncer Négéar, ne bronche pas quand il apprend la vérité, par loyauté, semble-t-il, envers Mme Baron, laquelle, pourtant, ne le tient guère en son coeur ; aplomb fataliste d'une Sylvie qui, les excès de tendresse en moins, ressemble finalement diantrement à sa mère par toute sa force de caractère ; complicité tacite, soulignons-le encore, de tout le monde, y compris d'Antoinette, la jeune et rousse soeur de Sylvie, dont on ne saura jamais vraiment si elle avait le béguin pour le triste et falot Négéar et, par-dessus tout, cette habileté suprême de l'auteur liégeois à vous planter un décor en deux temps trois mouvements. On ne voit pas la pension Baron : on y ENTRE et on y VIT.

A réserver toutefois aux inconditionnels de Simenon, à ceux qui liront chaque opus jusqu'au bout, comme ils liront tout Balzac ou tout Zola, ou encore tout Céline - tout simplement pour tenter de comprendre comment fonctionne un génie littéraire. ;o)
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Paru en 1934, ce roman de Georges Simenon demande que l'on se replonge dans l'époque qui le nourrit.

De Bruxelles à Charleroi, les us et coutumes, les milieux sociaux transparaissent.

Rien de surprenant, on sait dès le début qui tue et l'aboutissement qui l'attend.

L'intérêt se porte sur la pension de famille à Charleroi où Nagéar, le tueur originaire de Stamboul, se réfugie sur les conseils de la fille de la maison, entraîneuse à Bruxelles et maîtresse récente du ci-nommé.

Huis-clos lourd voire angoissant dans cette cuisine enfumée où Madame Baron accueille ses hôtes, la plupart des étudiants.

Hormis quelques sorties brèves des uns et des autres et des aller-retour dans leur chambre, tout se passe en cet endroit : cuisine, chauffage (charbon - les mines carolos ne sont pas loin), repas, échanges…

Ceux-ci situent chaque protagoniste : leur histoire évoquée, leur provenance, leurs pensées, leurs attitudes et leur perception du nouvel arrivé.
De l'indifférérence à la pitié, du rejet à l'angoisse, une panoplie de sentiments apparait.

Pour celui qui tente de se cacher, le lieu, la maîtresse de maison, les repas, tout semble éloigné de lui le crime qu'il a commis et devenir une poche matricielle.

Jusqu'au moment où…

Là s'ébauche une interrogation : l'assassinat a eu lieu près du poste frontière France/Belgique.
De quel côté a-t-il été commis?
Selon ce qui sera déterminé, le jugement ne sera pas le même.
En France, la peine de mort existe alors qu'en Belgique, elle est commuée automatiquement en détention à perpétuité.

Chacun et chacune découvrira que l'assassin est cet homme et…

C'est en cela que le livre est angoissant et soulève des remous.
Qu'aurions-nous fait sachant que le crime a eu lieu du côté français?

Ce huis-clos pesant dans cette pension de famille qui jusqu'ici vivait de la vie banale, monotone, quotidienne de celles et ceux qui tentent de s'en sortir va tous les bouleverser jusqu'à cette fin qui est édifiante, humaine et nous laisse en questionnement.

« Le Locataire » fut adapté au cinéma à plusieurs reprises dont « L'Étoile du Nord » de Pierre Granier-Deferre.
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Dans les années 1930, Elie un jeune Belge assassine un homme dans un train pour s'emparer de l'argent qu'il transporte. Il commet ce crime après la frontière, en France où la peine de mort existe à l'époque contrairement à la Belgique. Il a peur et se réfugie dans une pension de famille tenue par la mère de sa maîtresse à Charleroi.
Ignorant toute prudence, il persiste à y rester. Certains pensionnaires devinent qui il est car l'affaire est relatée dans des journaux qui traînent dans la cuisine. Elie se rappelle son passé fastueux et fait rêver la patronne et certains locataires en le racontant.
Pas vraiment d'enquête mais plutôt un suspense psychologique, une atmosphère lourde, pesante, des personnages englués dans le quotidien.
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De retour d'Egypte dans le but de conclure une affaire à Bruxelles, Elie Nagéar se retrouve sans le sou car son affaire n'aboutit pas, et il commet un meurtre pour voler de l'argent. Il est contraint de se cacher et se retrouve dans les corons de Charleroi, où il partage le quotidien des pensionnaires et propriétaires de son refuge. L'ambiance est froide, sombre, comme l'aime Simenon. le roman est très court et se lit donc très rapidement.
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Après avoir lu et apprécié quelques Simenon (Maigret ou non), un magazine avait attiré mon attention sur celui-ci en particulier en ce que l'histoire se déroulait à Charleroi, dont il était dressé un portrait qu'un habitué de la ville apprécierait. Malheureusement la lenteur et la claustration, propres à l'intrigue de ce roman, n'ont pas permis à cette ville de mériter une fresque descriptive, qui s'est limitée à un coron médiocre et la vie étouffante d'une de ces maisons de rangée. Au-delà de cette frustration, c'est tout simplement un Simenon croupissant qu'il m'a été donné de lire et qui justifie cette mauvaise note.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
[...] ... Valesco avait l'habitude, pour se raser, d'accrocher un miroir rond à l'espagnolette de la fenêtre. Il connut l'heure, ce matin-là, par les enfants que l'instituteur rassemblait devant l'école, puis par un vieux bonhomme qui prenait chaque jour le tramway à huit heures cinq. Les passants étaient rares et chacun était précédé par le nuage de son haleine.

Valesco passait de la joue gauche à la joue droite quand il vit trois hommes descendre du tram et regarder les numéros des maisons. Il y en avait un gros, dont le pardessus et le veston déboutonnés laissaient voir une chaîne de montre en or. Il portait le chapeau en arrière et fumait une pipe à tuyau courbe.

C'était le chef, cela se sentait. Il avisa le 53, qu'il montra aux autres d'un mouvement du menton, et son regard, inspectant la façade, s'arrêta sur Valesco dont il ne devait distinguer qu'une silhouette confuse à travers les rideaux.

L'homme dit ensuite quelques mots au plus petit de ses compagnons, un être entre deux âges, au pardessus étriqué, aux moustaches tristes, qui tenait frileusement ses mains dans ses poches et qui resta seul, à battre la semelle, en face de l'épicerie, quand les deux autres s'éloignèrent.

Un instant, Valesco s'attendit à un coup de sonnette car les deux inconnus avaient traversé la rue, mais ce fut pour contourner le bloc des maisons et s'assurer qu'il n'y avait d'issue par-derrière.

Quand ils revinrent, ils avaient du givre sur les chaussures, ce qui indiquait qu'ils avaient marché dans l'herbe gelée du terrain vague.

Ils parlaient à nouveau tous les trois. Le petit faisait pitié, tant il était transi. Le gros, après une hésitation, entra à l'épicerie, d'où il ne sortit que cinq bonnes minutes plus tard, et dès lors la commerçante montra à tout moment un visage anxieux derrière son étalage.

- "Mme Baron ! ..." appela Valesco, du palier. ... [...]
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[...] ... Elie alluma une cigarette. La flamme du tison n'amena même pas un frémissement sur le visage de son compagnon.

Il n'y eut pas un moment précis où il prit une décision. Non ! Il tira quelques bouffées de sa cigarette. La fumée avait un goût spécial qu'il reconnaissait, car elle avait toujours ce goût-là lorsqu'il était enrhumé. Il jeta un bref coup d'oeil aux rideaux qui le séparaient du couloir.

La clef anglaise avait pris la température de sa main. Le train courait à toute allure en pleine campagne. Sans même se lever tout à fait, la pointe des fesses encore sur sa couchette, Elie leva son outil qu'il tint une seconde en suspens, le temps de viser le milieu du crâne, et il frappa aussi fort qu'il put.

Ce qui arriva alors fut si inattendu qu'il faillit éclater d'un rire nerveux. Les paupières de Van der Chose se soulevèrent lentement. Ses prunelles parurent. Et ce fut un regard étonné qui filtra dans la lumière bleue, simplement le regard d'un homme qui ne comprend pas pourquoi on le réveille. Et pourtant un filet de sang, se faufilant entre les cheveux, atteignait son front !

Il essaya de bouger, pour voir ce qui se passait. Elie frappa à nouveau, deux fois, trois fois, dix fois, avec colère, à cause de ces stupides yeux calmes qui le regardaient. ... [...]
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Sans même se lever tout à fait, la pointe des fesses encore sur sa couchette, Elie leva son outil qu'il tint une seconde en suspens, le temps de viser le milieu du crâne, et il frappa aussi fort qu'il put.
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Elie fumait des cigarettes et regardait devant lui, parfaitement paisible, la chair impregnée de rhum et de bien-être. Les deux se mêlaient. Il n'avait aucune envie de guérir et, quand il ne sentait plus la moindre fièvre, il buvait un grog brûlant qui faisait monter la sueur à la peau.
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« La neige était sale », de Georges Simenon, c'est à lire au Livre de poche.
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