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EAN : 9782070411047
181 pages
Gallimard (25/04/2000)
3.47/5   18 notes
Résumé :
« Je ne me doutais de rien et mes amis étaient des assassins ! Je ne me doutais de rien quelques années plus tard quand je commençais à écrire des romans policiers, c'est-à-dire des récits de faux crimes, tandis que ceux avec qui j'avais vécu jadis, qui avaient respiré la même atmosphère que moi, partagé les mêmes joies, les mêmes distractions, discuté les mêmes sujets, se mettaient à tuer pour de bon. »
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Etoiles notabénistes : *****

ISBN : 9782258093577

Je me rends compte que je n'avais pas fait de fiche sur Simenon depuis ... 2016 ! Ce que c'est barbant, les longues maladies ! Mais il n'est jamais trop tard pour reprendre les bonnes habitudes . Aujourd'hui donc, évoquons ce qui m'a semblé tenir à la fois du récit et du roman : "Les Trois Crimes de Mes Amis."

Première particularité : l'emploi de la première personne mais cette fois-ci, il ne s'en cache pas, c'est bien l'auteur qui intervient.

Seconde particularité : comme il est simple de se replonger dans Simenon, cet auteur pourtant si complexe ! On se sent tout de suite comme chez soi ou, plutôt, dans sa bonne vieille piscine remplie d'eau divinement tiède et plaisante. On palpite, on frétille, on reprend ses marques et presque tout de suite ses aises : on a retrouvé l'univers de Simenon, celui de ses romans dits "noirs" ou "durs" certes mais également, taillé, tel un diamant de collection, d'une toute autre façon, dans les "Maigret."

Bref, on se sent bien - à sa place. ;o)

Dans ce roman-récit tout à fait à part, je le répète, Simenon évoque, par de fréquents retours en arrière, le Liège de son enfance - donc d'avant la Grande guerre - par une série de petits détails, certains nostalgiques, d'autres choquants, d'autres encore simplement égrillards, qui nous plantent la ville sous les yeux avec un tel naturel, une telle véracité qu'on pourrait presque la toucher, mieux, y entrer d'un pas au début peut-être un peu hésitant mais de plus en plus élastique et assuré.

Sur les trottoirs de Liège, défilent une partie de l'enfance de Simenon et de nombreuses scènes de son adolescence (avec quelques apparitions remarquées de Mme Simenon mère). On y apprend entre autres comment il est devenu reporter et avec qui il fonda son premier journal. Ce camarade, le dénommé Deblauwe, escroc-né mais qui impressionne le jeune Georges, est aussi un assassin en puissance, ce que Simenon, devenu cette fois-ci le Simenon parisien et déjà en vogue, n'apprendra qu'à cette époque.

Mais, plus impressionnant que Deblauwe, lequel en impose pourtant beaucoup par son entregent même au lecteur qui voit au-delà du tout jeune Simenon, bien plus impressionnant que le triste petit K ..., dont le suicide n'est pas sans évoquer à l'initié l'inspiration qui présida à la naissance du "Pendu de Saint-Pholien", se dresse devant nous la silhouette, imposante, cultivée, ambiguë, mystérieuse, repoussante, énigmatique du bouquiniste Danse chez qui le jeune Simenon allait revendre ses livres de classe.

Mythomane et mégalomane, d'une sexualité plus que douteuse même si l'on se demande parfois si elle existe réellement, Danse, qui finira par assassiner froidement sa mère et sa compagne - cette dernière faisait le tapin pour lui mais, justement, s'apprêtait à le quitter - le tout au fond d'une obscure maison de campagne qu'il avait louée en France, non loin de Paris, viendra s'échouer, lui aussi, devant les Assises. Notons qu'il était également poursuivi en Belgique mais pas pour assassinat.

Et Simenon de nous raconter les faits et surtout de se demander si la fréquentation, dans sa jeunesse, de trois hommes dont l'un, d'ailleurs tuberculeux, finit par se pendre et les deux autres tuèrent de sang-froid des personnes qui, selon leur optique, ne pouvaient plus leur servir à rien, a pu orienter son propre destin d'homme bien sûr mais avant tout d'écrivain tourné essentiellement vers le genre policier ou "noir." Il est rare en effet que, dans les romans dits "psychologiques" de l'auteur belge, ne se produisent un ou deux crimes.

Tel qu'il est, "Les Trois Crimes de Mes Amis" plaira ou, au contraire, paraîtra insignifiant au lecteur. Certains se demanderont sans doute ce qui a bien pu prendre ainsi Simenon de se pencher sur son passé ailleurs que dans ses énormes "Mémoires." Disons tout de même qu'il en avait bien le droit et que ce "document" est principalement dû, à notre sens, au Simenon "écrivain", s'interrogeant soudain (très précisément en 1937) sur son parcours et sur son oeuvre, déjà fort impressionnante à l'époque. Pour le lecteur qui s'intéresse tout particulièrement à l'incroyable fertilité romanesque de l'écrivain, il est certain que "Les Trois Crimes de Mes Amis" fournit certaines pistes mais pas toutes, bien loin de là. Pour celui qui ne s'intéresse qu'à l'intrigue simenonienne et cherche systématiquement l'empreinte de Jules Maigret dans tous les livres de Simenon, ce livre aura par contre bien moins d'importance, voire aucune. Peut-être même le prendra-t-il pour une plaisanterie.

Mais "Les Trois Crimes de Mes Amis" est tout, sauf une plaisanterie. Et c'est peut-être la preuve que Simenon était fait pour le Crime comme le Crime était fait pour lui, les deux parties ayant transigé pour ne consommer leur union que par écrit ... Mais quels écrits, quels romans, quel univers - quelle oeuvre, mes amis !

Nous en reparlerons d'ailleurs prochainement avec "Le Suspect". D'ici là, bonne lecture si vous vous résolvez, par curiosité, à aller voir du côté des trois amis criminels de Georges Simenon. ;o)
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Roman édité par les Ed. Gallimard en 1938.
Simenon a 36 ans et revient sur sa jeunesse liégeoise . Etudiant, tour a tour rapin révolté et aviné ou dandy a la recherche d'un journal où gagner sa vie et mettre en valeur ses talents de journaliste.
Les débuts, modestes voir calamiteux, lui font cotoyer d'autres plumitifs, suspects voir franchement crapuleux, vivants de proxénétisme ou de chantage. Il participe à la création d'un journal à scandales local, minable.
Nous circulons avec "notre" auteur dans les maisons closes, lieu de rencontres admis, traversons la frontière allemande profitons de la crise économique de la République de Weimar pour acheter n'importe quoi, à des prix instables et dérisoires.

" On s'interpellait d'un trottoir à l'autre, sans vergogne, sans souci de ces allemands qui nous regardaient et n'avaient même plus le courage de se montrer ironiques."....

" Les petites Liégeoises ne nous interessaient plus...
"_ A Cologne, pour un paquet de chocolat....
" J'allais avoir dix-huit ans. " (G. Simenon est né en 1903).

Il n'a pas franchi les limites tolérées. Et rapporte ainsi le devenir de certaines de ses fréquentations de" la Caque"- petit cercle d'étudiants des beaux-arts, avinés voir drogués, des compagnes complaisantes et vectrices de petites maladies contagieuses et disseminatrices de populations prurigineuses, qu'il fréquentait , au desespoir de sa mère . Il raconte le petit K, le fakir, les deux frères, et surtout la déchéance de 2 journalistes-editeurs meurtriers.
Ce court roman n'est pas un veritable"polar", encore que nous assistions à 3 meurtres assortis de 2 jugements d'assises _ Maitre Maurice Garçon, célèbre pénaliste fait une apparition, courte et remarquable. _. mais plutot un semblant de biographie des années 1920 remémorant les debuts journalistiques de l'auteur, ainsi que la fin de sa vie d'adolescent-étudiant.
Je continue a découvrir Simenon et son style fluide, comparable ici(?) à une réminiscence en 200 pages de P. Modiano _
4/5 , aujourd'hui pour ce plaisir littéraire facile a lire..... He oui, j'ai aimé... Souvenirs, souvenirs...
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Roman, ou plutôt récit-témoignage, d'une enfance et d'une adolescence vécues dans des périodes troublées de l'histoire du début du XXème siècle, les Trois crimes de mes amis est un voyage à rebours vers une enfance enfouie et transformée par l'expérience et la vie de l'adulte.
A travers le prisme d'épisodes, parfois tragiques, de la vie de trois de ses amis d'enfance et d'adolescence, Simenon s'interroge sur le sens de la vie. Et tout comme sa grand-mère qu'il cite à la fin du récit, il semble s'exclamer avec autant d'incrédulité que son aïeule : « Tout ce qu'on fait … ! »
Ce récit autobiographique sonne aussi comme un prélude à sa carrière d'écrivain-témoin des moeurs de son temps.
A lire pour tenter de découvrir certaines sources de l'inspiration et de la création simenoniennes. A découvrir avant, après ou simultanément à la lecture d'autres oeuvres de cet auteur aux multiples facettes ...
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"Alors, j'ai presque envie de demander à chacun : "Combien d'assassins, combien d'assassins manqués (...), avez-vous connus pendant votre enfance ?" (...) Y a-t-il des périodes de fermentation plus intense ou encore des moments où passent des courants malsains ?"

Du plus loin de l'oubli...

Singulier roman que celui-ci qui conjugue l'ambiguïté d'une époque, l'occupation allemande de la Belgique en 14-18 (étonnamment proche de celle qui viendra en 39-45 avec sa litanie de couvre-feu, marché noir et trafics, exécutions sommaires ou femmes tondues...), à l'équivoque d'un printemps livré aux contingences de sombres expériences.

Précédant Modiano -qui ressasse les mêmes interrogations-, Simenon interroge la fragilité des existences qui dévient et affouille du pied le fumier de sa jeunesse.

Ayant croisé un trio d'assassins de hasard lors de ses années d'adolescence - un lâche suborneur , un flambeur passionnel et un psychopathe poète-, il recompose façon puzzle le parcours de ses si braves garçons, revisite le cabaret liégeois d'une jeunesse perdue et glane quelques lugubres fleurs de ruine. Que n'est-il devenu assassin lui-même ? Que ne s'est-il dévoyé lui aussi dans de désespérantes impasses morales ?

Entre documentaire et confession intime, Les Trois Crimes de mes amis constitue une incursion fascinante dans la psyché simenonienne.

Chien de printemps !
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
[...] ... Ayant raté sa carrière d'éditeur, puis de directeur de journal, Deblauwe s'en alla retrouver sa femme à Barcelone et là, à la terrasse des cafés, il eut tout le loisir de discuter politique pure et du rendement des femmes en Amérique du Sud.

Je connais mal cette partie de son existence. Mais je connais Deblauwe. J'en ai connu d'autres depuis.

D'abord, il était exactement à sa place, esthétiquement et moralement parlant, à la terrasse d'un café de Barcelone ou de Madrid. Il avait l'élégance, la désinvolture voulue, et cette sorte de discrétion hautaine, cette faculté de ne s'émouvoir de rien, ces mots enfin, crus et brutaux, qui mettent la note pittoresque dans la conversation.

A La Caque, nous récitions du Saint François d'Assise.

Deblauwe pouvait réciter des pages entières de Ainsi Parlait Zarathoustra ...

Pourquoi diable son avocat a-t-il parlé d'un dévoyé ? J'ai presque dit tout à l'heure que Deblauwe était un aristocrate, à la façon dont le petit K... était un visionnaire raté, peut-être une sorte de Verlaine ou de Villon.

Derrière eux, la figure grotesque et suante de ce petit bourgeois de Danse, s'essayant à diverses mystiques mêlées de louches trafics, n'apparaît-elle pas comme une caricature ? ... [...]
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Que reste-t-il de ces souvenirs et de nous ? Nous avons été, à une époque troublée – mais toutes ne le sont-elles pas ? – un petit groupe de gamins à remuer des idées aussi dangereuses que des bombes et à frôler des précipices sans le savoir. (…) Cela n'a pas empêché la vie de couler, comme la Meuse, avec des crues et des décrues, et nous de nous marier, des enfants de naître, des maladies plus ou moins graves de se déclarer et des espoirs, et des découragements, des fins de mois difficiles et des petits dîners réconfortants. (…) Je pense au dernier qui survivra … Mais non ! Il regardera sans doute les jeunes d'alors en murmurant :
"Tout ce qu'on fait !"
Car en définitive, tout cela est affreusement banal.
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En arrivant on était vêtu de bleu. A midi, on était en gris, avec un complet neuf payé quelques millions de marks. Une heure plus tard, on arborait un chapeau taupé et, sur le coup de 4 heures, on se dandinait dans un manteau de ratine. (…)
On s'interpellait d'un trottoir à l'autre, ans vergogne, sans soucis de ces Allemands qui nous regardaient et qui n'avaient même plus le courage de se montrer ironiques. (…)
La plus grande révélation, c'était que l'argent n'est pas une chose stable sur laquelle on peut compter, mais que soudain il est possible de crever de faim avec des millions de marks dans sa poche. 
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[...] ... Je ne me doutais de rien et mes amis étaient des assassins ! Je ne me doutais de rien quelques années plus tard quand je commençais à écrire des romans policiers, c'est-à-dire des récits de faux crimes, tandis que ceux avec qui j'avais vécu, jadis, qui avaient respiré la même atmosphère que moi, partagé les mêmes joies, les mêmes distractions, discuté les mêmes sujets, se mettaient à tuer pour de bon, l'un rue de Maubeuge, mitraillant un homme à travers la poche de sa gabardine, l'autre à Boulay, loin de l'endroit où il était né, où il avait vécu, entouré de paysans français qui lui étaient étrangers, ce qui le poussait peut-être à retourner le lendemain à Liège, à errer dans des rues familières, puis à tuer à bout portant, de toutes les balles de son barillet, un père jésuite qui avait été son confesseur et le mien.

N'est-ce pas étrange que, pendant ce temps, j'écrivais, moi, des romans policiers où je m'évertuais à dessiner des criminels ?

Peut-être moins étrange qu'il ne paraît, si l'on y regarde de plus près, si on lit plus attentivement, car alors voilà qu'on retrouve dans mes livres, à côté de bien peu d'imagination, les décors, les atmosphères, les états d'âmes qui, chez les trois autres, devaient aboutir à ... [...]
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Enfin j'ai conduit ma grand-mère au cimetière, si desséchée qu'un cercueil d'enfant aurait suffi.
"Tout ce qu'on fait, quand même !" Elle disait cela des avions, des sous-marins, des cheveux courts, des fourneaux électriques, que sais-je ?
Peut-être était-ce une forme d'admiration ? Peut-être aussi voulait-elle simplement dire : "A quoi bon ?"
Ou encore : "Pour ce que ça change !"
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